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L’emploi des séniors, toujours à la traîne

samedi 11 juin 2022

La volonté annoncée d’un recul de l’âge de la retraite pose aussitôt la question de l’emploi des séniors. Car la France est caractérisée par un taux d’emploi des séniors plus faible que beaucoup d’autres pays de l’UE ou de l’Ocde. Il est donc important de bien connaitre la situation actuelle pour éclairer ce débat.

Les données en chiffres

Les principaux indicateurs d’activité des séniors à la fin de 2021
55-59 ans 60-64 ans 55-64 ans
Population totale (en milliers) 4 352 4 088 8 440
Taux d’activité (en %) 79,9 38,2 59,7
Taux d’emploi 75,1 35,5 56,0
Part de chômage 4,8 2,6 3,8
Taux de chômage 6,0 6,9 6,3
Part de halo autour du chômage 3,5 2,4 2,9

Source : Dares, d’après Insee, enquête Emploi 2021
Voir les définitions
 [1]

Ainsi, les séniors (55-64 ans) ont un taux d’activité de près de 60 % (hommes : 61,7 % ; femmes : 57,9 %) et un taux d’emploi de 56 % (hommes : 57,7 % ; femmes : 54,3 %). Ce taux d’emploi est en essor sur 20 ans, résultat des réformes effectuées depuis 1993, comme le montrent ces 2 chiffres :
 2003 : 38 %
 2021 : 56 %.

Le taux global de chômage des séniors est plus faible que le taux général (7,4 %) : 6 % au 4ème trimestre 2021, semblable à celui du 4ème trimestre 2019, un peu plus fort pour les femmes (6,2 %) que pour les hommes (5,9 %). Mais leur durée d’inscription au chômage est très longue, en moyenne 805 jours, ce qui veut dire plus de 2 ans, avec là encore une situation un peu plus mauvaise pour les femmes, avec 829 jours (hommes : 781 jours). Ils bénéficient d’un peu d’emplois aidés (47 000 en 2021) dont la moitié par l’IAE (insertion par l’activité professionnelle) et un peu plus de 8 000 sont passés par un contrat en insertion professionnelle.

Pourtant, le taux d’emploi reste plus faible que dans les pays européens. En effet, si le taux d’emploi des 55-59 ans est au niveau européen (France 2020 : 73,3 % ; UE 72,9 % ; zone euro : 72,7 %), le taux français tombe très fortement pour les 60-64 ans, à 33,1 % en 2020 (zone euro : 46,1 % ; UE : 45,3 %).

Des raisons de ce décrochage

On insiste beaucoup sur l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans, semblable en Suède ou en Norvège, à condition d’avoir les annuités requises, comme plus précoce que dans beaucoup de pays européens ou de l’Ocde qui, pour beaucoup, sont à 65 ans. Mais il faut avoir le nombre de trimestres nécessaires, un nombre en croissance jusqu’à 43 annuités.

D’autre part il y a en France des départs pour carrière longue, près de 167 000 l’an dernier (mais près de 300 000 en 2017), qui permet aux travailleurs ayant commencé tôt et ayant le nombre de cotisations nécessaires de partir avant 60 ans ou entre 60 et 62 ans selon qu’ils ont commencé de travailler à 16 ans ou entre16 et 20 ans. Juste retour à leur précocité de travail !

Mais surtout, beaucoup de seniors finissent leur vie active par le chômage ou l’inactivité (invalidité, minimum social…). Selon une étude de la DREES, 46 % des seniors de 50 à 67 ans ont connu au moins une année de chômage, et ce d’autant plus qu’ils avancent en âge : par exemple 15 % des actifs de 59 ans sont au chômage. D’autres ont une fin de vie de travail marquées par la précarité ou le travail restreint : 21 % en temps partiel, 6 % en sous-emploi, 7 % en travail temporaire. Et nombreux sont ceux qui ne sont ni en emploi, ni en retraite, ni en préretraite (les NERP). Les années de mises en préretraites massives (1970-2000) ont laissé des traces !

Car l’âge est encore un facteur de nombreux préjugés dans l’emploi. Et les discriminations par l’âge sont légion : dans le 13ème Baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi, du Défenseur des droits et de l’OIT, 36 % des témoins de discriminations citent avoir connu des discriminations pour « âge avancé ». Les entreprises et recruteurs développent toute une série d’arguments hostiles à l’embauche ou au maintien dans l’emploi des séniors : trop chers, plus rétifs au changement et aux technologies nouvelles, moins malléables au management, problèmes de productivité…, même si les intéressés contredisent ces affirmations et sont prêts à des changements et à mettre leur expérience et leur expertise au service des entreprises et à transmettre à des plus jeunes. Pour les séniors en emploi, les entreprises fonctionnent souvent soit par licenciements, soit par ruptures conventionnelles, individuelles ou collectives qui se sont accrues toutes ces dernières années.

En fait, l’emploi des séniors n’est pas un problème réellement traité. Pourtant, des soutions existent qui passent par continuer de former les salariés à tout âge, en particulier dans le cadre de la gestion prévisionnelle, d’améliorer les conditions de travail pour éviter l’usure professionnelle, de développer la retraite progressive… et de développer dialogue social et négociation sur toutes ces questions.


Sources


Notes :

[1Définitions (Dares) :
 Taux d’activité : actifs au sens du BIT rapportés à la population de la tranche d’âge considérée (âge à la date de l’enquête).
 Taux d’emploi : actifs occupés au sens du BIT rapportés à la population de la tranche d’âge considérée (âge à la date de l’enquête).
 Part de chômage : chômeurs au sens du BIT rapportés à la population de la tranche d’âge considérée (âge à la date de l’enquête).
 Taux de chômage : chômeurs au sens du BIT rapportés à la population active de la tranche d’âge considérée (âge à la date de l’enquête).
 Halo autour du chômage : personnes inactives au sens du BIT – il s’agit des personnes qui recherchent un emploi mais qui ne sont pas disponibles, des personnes qui souhaitent travailler mais qui ne recherchent pas d’emploi, qu’elles soient disponibles ou non.