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Intermittents du spectacle et chômage

jeudi 10 février 2011

Une solidarité dévoyée. Extraits de l’article de B. Coquet (1) dans Futuribles d’octobre 2010.

« Les industries du spectacle sont dynamiques : le nombre d’entreprises y a été multiplié par trois depuis le milieu des années 1990, en particulier sous l’impulsion d’aides publiques très élevées par rapport aux autres pays européens. Le développement de l’activité a été si soutenu qu’il n’a pratiquement pas souffert des évolutions conjoncturelles de l’économie.

Témoignant de ce dynamisme, l’emploi a fortement crû dans ce secteur. Il a augmenté de 51,3 % entre 1991 et 2009, 2,5 fois plus rapidement que le reste de l’emploi affilié au régime d’assurance chômage, qui lui a crû de 21 %. La nature des emplois s’est cependant profondément transformée : le nombre d’intermittents du spectacle, IS, a progressé de 133 % (+ 76 000), soit plus de 80 % des emplois créés, quand dans le même temps les autres formes d’emploi (contrats à durée indéterminée, contrats à durée déterminée, intérim) croissaient de 12,2 %. Aujourd’hui, près d’un salarié sur deux de ce secteur est un intermittent du spectacle.

Le dynamisme de l’emploi s’est paradoxalement accompagné d’une progression du chômage au sein de ces professions. Le nombre d’IS indemnisés par le régime des intermittents a progressé de 160 % depuis 1991 (+ 48 000), plus rapidement que l’emploi sur la même période (133 %).

On peut penser que la technologie de production crée des spécificités intrinsèques aux professions du spectacle qui causent une hausse conjointe de l’emploi et du chômage. Comme le suggère Pierre-Michel Menger : « L’intermittence est utilisée pour disposer d’une réserve élargie de main-d’œuvre disponible à chaque instant, pour contenir la hausse des coûts de production des spectacles, pour s’ajuster à l’expansion de la sous-traitance dans la production de programmes audiovisuels, et enfin pour spéculer continuellement sur les talents nouveaux »

Les IS sont donc précaires si l’on en juge par leur durée annuelle de travail, le niveau du chômage et sa durée moyenne Mais, cette précarité est soutenable car leur revenu annuel est élevé : malgré un travail à temps très partiel, les IS sont, en moyenne, parmi les 25 % de salariés les mieux rémunérés car le salaire qu’ils perçoivent en emploi, tout comme les allocations qui s’y substituent quand ils sont au chômage, est élevé. Ainsi, la précarité des IS est un concept dont le contenu est très éloigné de celui retenu pour les autres salariés, car elle va de pair avec des revenus confortables et ne rime pas avec exclusion du marché du travail ou de l’indemnisation du chômage.

Des règles d’assurance chômage plus généreuses que les autres salariés
Les différences de réglementation avec le régime d’assurance chômage se concentrent sur les aspects suivants, des droits plus aisés à acquérir, plus généreux (niveau, durée, cumul avec des salaires), et des taux de contribution plus élevés.

Des firmes qui tirent parti de l’assurance chômage
La subvention aux firmes est d’autant plus élevée que les droits des salariés sont généreux. Pour en bénéficier, les employeurs doivent obligatoirement embaucher des IS, et c’est parce que ce statut est avantageux pour les deux parties qu’il s’est développé aux dépens des autres formes de contrat.

Vive la solidarité interprofessionnelle !

L’ensemble de la dette de l’UNEDIC (5,9 milliards d’euros fin 2009) provient du déséquilibre structurel du régime des intermittents. Sans ce déficit, le budget de l’Unedic serait en équilibre ! Ces caractéristiques du marché du travail des industries du spectacle engendrent un déficit annuel du RIS de plus de 1,2 milliard d’euros qui élève de 0,25 % le coût du travail dans les secteurs marchands. Ce transfert est devenu un problème structurel pour le RAC, qui sans cela ne serait pas endetté, mais aurait disposé d’une trésorerie positive dépassant 10 milliards d’euros fin 2008, à l’entrée dans la crise (voir les graphiques 6 à 9) 2.

La solidarité interprofessionnelle des seuls secteurs marchands a été mobilisée pour financer la croissance de dépenses d’indemnisation généreuses au-delà du droit commun, faisant du régime d’assurance chômage l’un des principaux financeurs de la politique culturelle en France ».

Autrement dit l’électricien salarié d’un artisan finance par sa cotisation chômage le revenu d’un électricien intermittent du spectacle qui est mieux payé que lui et les bénéfices de l’entreprise qui emploie ce dernier.


PS :

Les chiffres 2009

IS indemnisés par l’Unedic : 105 800 Montant total versé : 1 050 millions €

Cotisations IS versées à l’Unedic : 223 millions €

Les intermittents représentent : 0,8 % des salariés affiliés au régime général, 3,4 % des effectifs indemnisés et 5,9 % des dépenses du RAC.
( (1)Economiste, président du Comité de l’emploi de l’Union européenne)