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Etre salarié : un idéal de plus en plus minoritaire chez les jeunes

mercredi 31 mai 2017

Une enquête du Credoc de 2016 « Conditions de vie et aspirations » montre qu’une grande majorité de citoyens jugent la situation de salarié préférable à celle d’indépendant. Pour les plus âgés, le statut d’indépendant est synonyme de lourde charge de travail et d’insécurité. Pour 70 % de la population, le salariat est une situation plus enviable que l’indépendance. L’opinion des jeunes est très différente, 45 % des 18-24 ans estiment que travailler à son compte est une situation plus enviable. L’indépendance est associée par cette classe d’âge à une plus grande liberté et une opportunité pour bien concilier vie privée et vie professionnelle. Très peu mettent en avant les impacts en termes de fragilisation de la protection sociale, ou le manque de sécurité.

Avant les années 2000, le salariat était jugé plus enviable que l’indépendance.
Depuis, la tendance s’inverse et le nombre d’indépendants repart timidement (+ 1 % en moyenne par année), 20 % des jeunes se sont saisis des nouvelles opportunités d’emplois occasionnels proposés par l’économie dite « collaborative ». Les jeunes y voient un moyen d’améliorer l’articulation entre vie privée et vie professionnelle (33 % contre 23 % des plus âgés), d’avoir plus de liberté (47 % contre 35 %) et d’avoir des revenus plus importants.

Une zone grise se développe entre les statuts d’indépendant et de salarié : multiplication de relations triangulaires travailleur-client-plateforme. Le travailleur est théoriquement sans lien de subordination avec la plateforme numérique mais, en réalité, il est soumis à nombre de ses règles.

Le nombre des statuts atypiques a plus que doublé en vingt ans passant de 1,6 million en 1995 à 4,2 millions de contrats par trimestre en 2014. Plus généralement, les formes d’emploi « atypiques » par rapport au CDI à temps plein se multiplient : CDD d’usage, CEIGA (chargés d’enquête intermittents à garantie annuelle), contrats vacataires, CDI intermittent, CDIC ou Contrat de chantier, contrats aidés (CUI-CAE, CUI-CIE, emploi d’avenir), contrats en alternance (contrat de professionnalisation en CDD, en CDI, contrat d’apprentissage), formes d’emploi spécifiques (à distance du salariat classique tel multi-emploi), types emplois partagés (groupement d’employeurs, entreprise de travail en temps partagé-ETTP) et formes d’auto entrepreneuriat (coopérative d’activités et d’emplois, portage salarial, autoentrepreneur).

La dernière enquête de la Fondation de Dublin sur la qualité au travail : 21 % des moins de 35 ans estiment qu’ils risquent de perdre leur travail au cours des six prochains mois contre 10 % des plus de 50 ans.

Les atouts du salariat séduisent moins les jeunes. Ils sont moins nombreux que les autres à associer salariat et sécurité ou protection sociale. Depuis le début des années 1990, des travaux pointent l’aggravation d’une fracture entre les générations pour lesquelles l’entrée dans la vie adulte s’est faite avec plus de précarité. Les CDD courts représentent aujourd’hui 69 % des embauches, 84 % s’il s’agit de réembauches dans une même entreprise. L’employeur fait le choix de plusieurs CDD courts avant de proposer un contrat long.

L’émergence des emplois indépendants occasionnels. De fait, contraints financièrement ou tentés par l’aventure, 20 % des jeunes déclarent avoir de manière occasionnelle « exercé au cours des 12 derniers mois, une activité rémunérée de manière indépendante (autoentrepreneuriat, chauffeur ou hôte via un site internet, garde d’enfant ou aide aux personnes âgées, etc.) ». Le taux est bien plus élevé que dans l’ensemble de la population (8 %). La proportion est importante aussi (16 %) chez les actifs en situation précaire (en CDD, en intérim ou en temps partiel subi), chez les chômeurs (14 %) et parmi ceux qui n’ont jamais exercé de profession (17 %). Elle est de 10 % chez les personnes de foyers aux bas revenus contre 7 % chez les hauts revenus.

Le développement du numérique a en effet favorisé le développement de nouvelles formes d’activité, situées à la frontière entre indépendants et salariés, en élargissant les occasions de mise en relation d’offreurs de service et de clients, sans passer toujours par la création d’un statut spécifique d’indépendants. De nombreux débats récents portent sur les avantages et inconvénients de ce qui est parfois désigné sous le terme d’ « uberisation ». Quoi qu’il en soit, ces activités développées en marge du salariat, ou par des personnes sans emploi principal, semblent, de fait, rencontrer un écho particulier chez les jeunes.

Pour les jeunes, indépendance signifie liberté : les jeunes se disent séduits par la liberté qu’ils associent à la situation d’indépendant (47 % de citations), ils sont plus nombreux que leurs aînés à considérer que la société française, dans son ensemble, devrait offrir plus de liberté pour mieux fonctionner (31 % contre 22 % des 70 ans et plus). Dans un monde de plus en plus horizontal et collaboratif, où émerge le souhait d’acquérir une forme d’autonomie face à des entreprises qui ne les sécurisent plus ni ne leur offrent l’épanouissement qu’ils recherchent, la forme statique et hiérarchisée du salariat semble moins attractive pour les jeunes générations.

En France, le système de protection sociale s’est construit autour du salariat classique qui est de moins en moins la norme. Saura-t-on construire un nouveau système de protection sociale pour ces nouvelles formes de travail ? Alors que les fortes contraintes, liés au stress et à l’incertitude économique pèsent sur l’état de santé de ces indépendants. Ces nouveaux risques, en cas de perte d’emploi et d’accès à la retraite ne sont toujours pas bien couverts, sans compter bien sûr les risques normaux de toute vie professionnelle et familiale qui doivent être financés. Un chantier urgent à ouvrir !


Références