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Discriminations et origines, il est urgent d’agir

samedi 22 août 2020

Pour son dernier rapport en tant que Défenseur des droits, Jacques Toubon [1] tire un signal d’alarme sur les discriminations en France et pointe les éléments de ce qu’il dénonce comme un « système ». Le rapport alerte aussi sur l’insuffisance des politiques publiques. Il émet un certain nombre de préconisations dont la création d’un observatoire des discriminations.

Un éventail de discriminations liées à l’origine

Le rapport, intitulé « Discriminations et origines : l’urgence d’agir », dresse la longue liste des discriminations qui se conjuguent ou s’additionnent mais ne s’effacent pas. Discriminations à l’emploi, au logement, à l’éducation, aux formations, aux loisirs, aux contrôles policiers…, les sources statistiques et sociologiques sont désormais nombreuses et convergentes. Toutes racontent la même chose, année après année, rapport après rapport : « Les discriminations fondées sur l’origine restent massives en France et affectent la vie quotidienne et les parcours de millions d’individus, mettant en cause leurs trajectoires de vie et leurs droits les plus fondamentaux ».

De plus, la publication du document intervient alors que la crise sanitaire actuelle a aggravé les stéréotypes à l’égard des habitants des quartiers populaires, présentés comme « vecteurs du virus » et « indisciplinés » ou des personnes d’origine asiatique ou supposées asiatiques. La question des discriminations concerne 35,5 % des saisines reçues par le Défenseur des droits en 2019.

Un problème d’appréhension politique

Le rapport dénonce des politiques publiques incapables depuis des années de se saisir de la question des discriminations, en ne s’attaquant pas au cœur de la question. En fait, le Défenseur des droits indique que ce problème est appréhendé par le biais du concept flou de diversité ou alors en le délayant dans la politique de la ville ou encore à travers des enjeux de sécurité, de laïcité et de lutte contre la haine. Il constate aussi que les voies contentieuses, soit le recours à la justice, ne se révèlent pas forcément plus efficaces.

Pourquoi la permanence de discriminations ?

Parce que, d’après le rapport, les discriminations liées à l’origine s’inscrivent dans un ensemble de représentations et de préjugés traversant l’ensemble de la société. Cela nous concerne tous et finalement cela fait système. Ces inégalités sont profondément ancrées dans nos structures sociales et mentales et elles sous-tendent des pratiques inégalitaires. Le journal Le Monde a consacré dans son édition du 21 juillet un dossier sur les micro-agressions, expressions d’un racisme inconscient, ordinaire mais ravageur. Un racisme de petits riens : la référence à la texture des cheveux, les allusions à l’accent, des comportements paternalistes… Ce concept désormais théorisé aux États-Unis est toujours un tabou en France.

Le Défenseur des droits réclame une « politique prioritaire ambitieuse », à l’image de l’égalité femmes-hommes

Conscient de cet immobilisme, le Défenseur des droits propose une approche systémique des discriminations, coordonnée et spécifique et prône de nouveaux leviers d’action, sollicitant davantage les entreprises et la prévention.

  • Rendre visibles et mieux documenter les discriminations fondées sur l’origine en développant la statistique publique, en mettant en place des campagnes nationales de testing (emploi, logement, biens et services), en obligeant les entreprises à publier des indicateurs non financiers et en créant un observatoire des discriminations ;
  • Exiger un engagement des organisations, publiques comme privées, au travers de plans d’action pluriannuels et d’audits qui prévoient l’identification des risques de discrimination ;
  • Revoir les textes encadrant les contrôles d’identité pour inscrire dans la loi l’interdiction des contrôles discriminatoires et assurer la traçabilité des contrôles ;
  • Faciliter la preuve de la discrimination en matière pénale en inscrivant dans la loi des modalités facilitant le recours aux présomptions de faits ;
  • Garantir des sanctions judiciaires proportionnées et réellement dissuasives contre les auteurs de discriminations fondées sur l’origine ;
  • Rendre plus effective l’action de groupe contre les discriminations en permettant notamment aux associations d’y recourir en matière d’emploi et de biens et services et en autorisant la création de groupes ad hoc.

La crise sanitaire actuelle n’a fait qu’amplifier une réalité trop souvent ignorée ou minimisée. Les discriminations liées à l’origine concernent une fraction importante de la société française et ne se réduisent pas à une question de nationalité ou de parcours migratoire. Il y a urgence à agir et à défendre le droit à la pleine participation des citoyens et résidents de toutes origines. Le slogan du Défenseur des droits « Face au droit, nous sommes tous égaux » reste d’un criante actualité.


Source


Notes :

[1Jacques Toubon qui vient d’arrêter son mandat de Défenseur des droits est remplacé par Claire Hédon, ancienne Présidente d’ATD Quart-monde.