1. Accueil
  2. > Europe, Monde
  3. > #Institutions
  4. > Brexit : le facteur américain

Brexit : le facteur américain

samedi 31 octobre 2020

Trump s’invite dans les négociations UE-UK ! Après le Conseil européen des 15 et 16 octobre on croyait les négociations vraiment mal en point. Finalement, Johnson continuant sa partie de poker et les Européens faisant preuve d’une bonne volonté à toute épreuve, les négociations ont repris. Si un accord est encore possible il semble que Boris Johnson souhaite maintenant attendre les résultats du vote américain…Il n’a pas de meilleur allié que Trump qui a défendu le Brexit et Johnson avec un anti européanisme virulent. Alors le choix se fera-t-il en fonction du résultat du 3 novembre ? Si Trump est élu, Johnson pourrait préférer un no-deal assorti d’un accord USA-UK...

Oui, peut-être…

Après un Conseil européen jugé « décevant » par Johnson déclarant une poursuite des négociations inutiles sans changement radical de l’attitude de l’UE, celle-ci a proposé tout de même de poursuivre ces négos de manière intensive. Personne ne voulant prendre la responsabilité de l’échec, les négociations se sont donc finalement poursuivies à Londres et à Bruxelles avec comme nouvel objectif d’essayer de finaliser un accord pour fin octobre.

Toujours les mêmes points durs

Même si la pêche ne représente que 0,12% des revenus britanniques (mais 71% des exportations de poissons et fruits de mer vont vers les autres pays de l’Union), elle est un enjeu symbolique et politique majeur. Le non accès aux eaux territoriales britanniques serait dramatique pour les pêcheurs français mais aussi belges, néerlandais, danois et irlandais (une étude montre que 85% des poissons et mollusques péchés dans les eaux territoriales britanniques le sont par des bateaux des autres pays de l’UE).

Les aides d’État restent également un élément que la Grande-Bretagne estime de sa « souveraineté » sans vouloir rendre compte à l’UE de la concurrence déloyale que cela pourrait représenter. Le gouvernement britannique veut pouvoir financer des industries ou des secteurs pour mieux concurrencer les pays de l’UE.

Mais ce qui chagrine vraiment les Européens, compte tenu du peu de valeur de la parole et de la signature de Boris Johnson, c’est le règlement des contentieux qui pourraient surgir dans l’application d’un accord. La loi présentée au Parlement britannique permettant de contourner de manière abusive et illégale l’accord UE/GB du 31 janvier 2020 sur les contrôles en mer d’Irlande entre l’Irlande du Nord et l’Angleterre pour éviter l’instauration de frontières physiques entre les deux Irlande après être passé en première lecture, malgré la fronde de quelques dirigeants Conservateurs historiques, s’est retrouvé devant la Chambre des Lords. Comme il fallait s’y attendre cela a été beaucoup plus humiliant pour Johnson car une motion déclarant regretter les dispositions de la loi violant le Traité du 31 janvier a été adoptée par 395 voix pour et seulement 169 contre ! Malheureusement comme nous l’a déclaré Lord John Monks, ancien Secrétaire Général de la CES, la Chambre des Communes est souveraine et si la Chambre des Lords désapprouve un projet elle peut certes gagner du temps mais pas l’arrêter. << Our hope is that our opposition might trigger a revolt in the Commons by dissidents in the Conservatives but I am not optimistic unfortunately>> (Nous espérons que notre opposition déclenchera une révolte aux Communes par les dissidents des Conservateurs, mais je ne suis malheureusement pas optimiste…) À noter que ce projet de loi a également été très critiqué, de manière surprenante, par les archevêques de l’Église anglicane.

Le patronat craint encore le pire

Surprenante étude de la part du CBI (MEDEF) britannique qui montre que seulement 4% des dirigeants d’entreprises supporteraient un non-accord alors que 77% disent vouloir un accord entre l’UE et UK. Les PME ne semble pas prêtes pour affronter toutes les procédures impliquées par les nouvelles conditions fiscales et de transports de l’échange des marchandises et produits entre la Grande-Bretagne et les pays de l’UE. Une étude récente de la London School of Economics (LSE), réalisée pour le producteur de denrées alimentaires Arla, révèle que même avec un accord de libre échange supprimant les droits de douane, les procédures réglementaires probables auraient un coût important. L’agriculture britannique verrait les exportations vers l’Europe chuter de 36% avec un accord et de 69% sans accord…Dans l’autre sens, pour le consommateur britannique, l’étude LSE montre que, sans accord, des fromages de l’UE comme la Feta devraient augmenter de 55%, le jambon et les saucisses de 32%...

En attendant Godot/Trump

Qui aurait pu dire que Donald Trump se serait invité dans les négociations UE-UK ? Boris Johnson a toujours déclaré que sans l’UE la Grande-Bretagne se porterait mieux en concluant des accords bilatéraux avec tous les pays du monde ! Il est vrai que le Royaume-Uni doit déjà répliquer, en mieux si possible, tous les accords bilatéraux conclus entre l’UE et les pays tiers. Les accords déjà conclus, applicables après la sortie définitive du 31 décembre 2020, sont pour le moment très marginaux. Le dernier accord UK-Japon ne fait pas autre chose que répliquer l’accord qui existe entre l’UE et le Japon qui s’appliquait en Grande-Bretagne jusqu’à maintenant. Mais le grand rêve de Boris Johnson est un grand accord entre les USA et son pays, accord que Trump lui a fait briller devant les yeux, en sachant que Trump c’est « l’Amérique d’abord » et que Johnson se fait de lourdes illusions sur les bénéfices qu’il pourrait en tirer pour la Grande-Bretagne avec les risques énormes de se voir imposer des importations de viandes et de volailles chlorées et autres produits ne répondant pas aux normes de l’UE. Il apparait que Johnson attendrait maintenant le résultat des élections du 3 novembre pour décider de la conclusion d’un accord avec l’UE. En cas de victoire de Trump il serait tenté de refuser un accord pour se replier sur l’hypothèse d’un accord « mirobolant » avec les États-Unis. Mais en cas d’échec de Trump il lui paraitrait certainement plus prudent de conclure un accord avec l’UE car il sait que l’Administration Biden prioriserait la reconstruction des relations de confiance avec l’UE, les Démocrates n’ayant jamais soutenu le Brexit.

Suite très prochaine…