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Bientôt les travailleurs des plateformes seront représentés

samedi 17 juillet 2021

Les travailleurs des plateformes sont toujours dans une situation de peu de droits. La loi LOM publiée le 26 décembre 2019 a apporté la possibilité, facultative, de chartes explicitant les règles appliquées par la plateforme, comme les prix minimums des courses, les possibilités de formation professionnelle, le droit à la déconnexion... Elle prévoyait aussi qu’une ordonnance établisse les modalités d’une représentation des travailleurs des plateformes de transport routier. Après deux rapports (Frouin et Mettling), c’est chose faite depuis l’ordonnance du 21 avril 2021, sur les modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation publiée le lendemain. Le même jour, une deuxième ordonnance établit des règles à l’exercice des activités des plateformes d’intermédiation numérique dans les secteurs du transport public routier et du transport routier de marchandises.

Une représentation avant la fin 2022

L’ordonnance concerne les travailleurs des plateformes chauffeurs VTC et livreurs de marchandises en 2 ou 3 roues (avec ou sans moteur). Elle promeut le dialogue social et ordonne l’organisation de la première représentation de ces travailleurs avant le 31 décembre 2022. Pour poursuivre cette mise en route, un deuxième scrutin sera organisé 2 ans plus tard. Puis ce sera tous les 4 ans.

Pourront voter les travailleurs ayant 3 mois d’activité dans ces plateformes, exercée sur une période de 6 mois. Les modalités du vote seront fixées par décret, notamment l’information préalable de ces travailleurs et les conditions de déroulement du scrutin.

Pourront déposer une candidature les syndicats professionnels et les associations couvrant ces activités, qui correspondent aux critères existant pour les scrutins concernant les salariés : valeurs républicaines, indépendance, transparence financière, un an d’ancienneté. Après le premier vote s’ajouteront les critères d’audience (suffrages exprimés), d’influence et les effectifs. Le nombre de représentants sera fixé par décret.

Pour être représentatif, il faudra obtenir 8 % des suffrages, comme pour la représentativité lors des élections professionnelles des salariés, avec une exception pour le premier scrutin où la représentativité est fixée à 5 %.

La protection des représentants

L’ordonnance organise la protection des représentants, dont les modalités seront précisées par un décret en Conseil d’État. Elle en définit déjà les principes : nécessité d’une autorisation administrative en cas de rupture par la plateforme du contrat commercial pendant le mandat, ou dans l’imminence (connue de la plateforme) de sa désignation, et dans les 6 mois après la fin de mandat.

Si l’autorisation administrative de rupture du contrat commercial est annulée par le juge administratif, les dommages et intérêts doivent couvrir la totalité du préjudice subi entre la rupture du contrat et la fin de la période de protection (6 mois après la fin de mandat).
De même si le travailleur pense subir pendant son mandat une baisse d’activité due à la plateforme, il peut aller en justice pour faire cesser le préjudice et en obtenir réparation.

L’ordonnance crée également un droit à la formation au dialogue social pour les représentants, ainsi qu’une indemnisation forfaitaire pour les jours de formation et pour le temps de délégation. Les modalités feront là aussi l’objet d’un décret.

Une autorité administrative nouvelle pour réguler les relations sociales des plateformes

Pour organiser et réguler ce dispositif de représentation des travailleurs de plateformes, un établissement public administratif est créé : l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE) qui dépendra des ministères du Travail et des Transports. L’État lui donne un rôle de régulation des relations sociales, en particulier par la diffusion des informations et en favorisant la concertation : on ne parle pas de négociation, on insiste sur le fait que ce sont des travailleurs indépendants, liés par un contrat commercial…

Ses fonctions incluent de favoriser le dialogue social, d’organiser les scrutins, de faire la liste des organisations représentatives dans les 6 mois après le scrutin, de financer les formations des représentants grâce à une taxe prélevée sur les plateformes et fixée par la loi de finances, d’autoriser ou non les ruptures de contrats, de collecter des éléments statistiques pour produire des rapports statistiques et des études qui seront mis à disposition des organisations représentatives.

Elle sera dirigée par un conseil d’administration et un directeur général. Le CA sera composé de représentants de l’État, des organisations représentatives, des plateformes ainsi que de personnes qualifiées dans les champs du numérique, du dialogue social ou du droit commercial.

Même si le mot négociation ne se trouve pas dans ce texte, l’ordonnance organise, en utilisant très souvent le mode de représentation des salariés, un début de représentation collective d’un secteur nouveau, comme un embryon de branche, pour y développer un dialogue social qui certainement posera – et on peut l’espérer traitera - les questions qui ne manqueront pas de se poser quant aux droits et protections de ces travailleurs.

Mais, dans le même temps, les contentieux portant sur certaines chartes ou sur la requalification de la relation entre les plateformes et certains travailleurs continuent… L’ordonnance permettra-t-elle de clarifier les règles juridiques entre les plateformes et les travailleurs ?

De son côté, l’Union européenne a lancé une consultation sur le droit à la représentation collective des travailleurs indépendants qui pourrait aboutir à une initiative de la Commission en fin d’année.


Références

  • L’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation :
    https://www.legifrance.gouv.fr.../...
  • Décret n° 2021-501 du 22 avril 2021 relatif aux indicateurs d’activité des travailleurs ayant recours à des plateformes de mise en relation par voie électronique (JO 25.04.2021)

Déjà parus dans Clés du social