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Près d’1/3 des dépenses des ménages sont « pré-engagées »

mercredi 24 novembre 2021

Régulièrement, informations et interviews mettent en question l’évolution du pouvoir d’achat des habitants de notre pays, manifestant souvent l’existence d’un fort écart entre le pouvoir d’achat perçu et le pouvoir d’achat mesuré [1] . France Stratégie analyse un facteur essentiel d’explication de cet écart : le poids des dépenses pré-engagées.

Que comportent les dépenses pré-engagées ?

  • les loyers, les charges et les dépenses d’eau, de gaz, d’électricité́ et d’autres combustibles ;
  • les remboursements d’emprunts immobiliers ;
    Cumulés, les frais de logement représentent les 2/3 des dépenses pré-engagées.
  • les services de télécommunications (abonnements téléphone et internet) pour 6 % ;
  • les services de télévision (redevance télévisuelle et abonnements à des chaînes payantes) : 2 % ;
  • les frais de cantine scolaire : 2 % ;
  • les assurances et les services financiers : 24 %.
    C’est-à-dire toutes les dépenses provenant d’un contrat ou d’un abonnement et donc peu modifiables à court terme, et au débit automatique (prélèvements…) ou quasi automatique.

L’augmentation des dépenses pré-engagées depuis 2001

Or le poids de ces dépenses pré-engagées augmente dans le budget des ménages, passant de 27 % en 2001 à 32 % en 2017 dans la dépense totale. Ces 5 points d’augmentation viennent pour +2 points des assurances, +2 points du remboursement des emprunts immobiliers et +1 point des loyers et charges.

Et ces dépenses pré-engagées ne sont pas égales selon plusieurs critères, dont souvent plusieurs se cumulent :

  • Un poids plus lourd pour les ménages les plus pauvres : 41 % de la dépense, en hausse de 10 points entre 2001 et 2021. Cela fait une forte différence avec le quartile (c’est-à-dire le quart) des ménages aisés dont le niveau de dépenses pré-engagées reste stable à 28 %.
  • Plus lourd pour les locataires et les accédants à la propriété, car le poids des loyers et le prix de l’immobilier s’est accru.
  • Plus lourd pour les habitants de la région parisienne et des centres des grandes agglomérations en raison du prix des logements. Ce qui fait une charge de 35 % de dépenses pré-engagées dans ces grands centres contre 30 % dans les communes les moins denses et plus on s’écarte du centre des zones d’emploi. Avec des écarts plus forts pour les logements privés par rapport aux logements sociaux.
  • Plus chez les jeunes et les quadragénaires (15-29 ans : 34 % ; 30-39 ans : 35 % ;40-49 ans : 33 %) que chez les 50-74 ans (50-59 ans : 30 % ; 60-74 ans : 28 %) quand les emprunts sont remboursés ; et avec une légère remontée à partir de 75 ans (31 %) due aux assurances santé.
  • Plus lourd pour les célibataires, seuls ou avec enfants (38 et 37 %). Au contraire la part des dépenses pré-engagées est plus faible pour les couples sans enfants (26 %).

L’évolution du « revenu arbitrable »

Le revenu arbitrable représente la différence entre le revenu disponible et les dépenses pré-engagées, soit ce qui reste disponible pour la vie quotidienne. Quand on a réglé ou été prélevé du loyer ou de l’emprunt, des charges du logement et de ses abonnements eau-gaz-électricité, des assurances, des abonnements au téléphone, à internet, voire à des télés payantes, de la cantine, que reste-t-il pour la consommation quotidienne ? Et c’est là que se construit la perception individuelle de son pouvoir d’achat. Or les inégalités de revenu arbitrable, c’est-à-dire du « reste à vivre », sont deux fois plus fortes que les inégalités de niveau de vie. Si bien que, alors que l’écart de niveau de vie entre le 1er et le 9ème déciles (les 10 % les plus pauvres et les 10 % les plus aisés) est de 3,2 (donc un niveau de vie 3,2 fois plus élevé pour le 9ème décile), l’écart monte à 6,2 fois pour le revenu arbitrable. Ce qui explique largement la perception de fortes limites pour la consommation ordinaire de beaucoup de ménages.

Définitions de France Stratégie, différenciant dépenses pré-engagées, dépenses contraintes et dépenses nécessaires
  • Les dépenses pré-engagées correspondent à des dépenses engagées par contrat et difficilement renégociables à court terme : assurances, abonnements téléphone et Internet, loyers, remboursements d’emprunts, etc. Pour France Stratégie, ce sont celles qui ont un débit automatique ou quasi automatique par contrat ou abonnement.
  • Ils (Accardo et autres, 2007) retenaient comme dépenses « contraintes » les dépenses liées au logement, à la cantine des enfants scolarisés, à la garde des enfants et des personnes âgées ou handicapées, aux trajets domicile-travail et à certaines dépenses non renégociables à court terme (télécommunications, frais d’assurance, services financiers). Mais pour France Stratégie, si le choix des postes de dépenses est clair, leur niveau n’est pas toujours contraint (type de déplacement domicile-travail, niveau de luxe du logement…).
  • La commission Quinet de 2008 a également discuté le concept de « dépenses nécessaires ». Les membres de la commission identifiaient alors trois approches possibles : 1) une approche purement normative à partir de budgets-types ou de budgets de référence ; 2) une approche reposant sur l’observation de ce que consomment les ménages du premier décile de niveau de vie ; 3) une approche reposant sur les résultats de l’enquête Standards de vie, qui interroge des individus sur les privations qu’ils jugent être signes de pauvreté.

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