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Les Français sont de moins en moins racistes mais les actes racistes sont plus virulents

mercredi 5 juin 2019

Des tracts racistes trouvés sur des voitures à Strasbourg, des cimetières juifs profanés, des étudiants noirs injuriés sur Facebook… l’actualité récente offre un laid visage de notre pays que le rapport annuel de la Commission nationale des droits de l’homme (CNCDH) nous permet de situer dans la complexité de ce sujet. En effet, la tolérance des Français n’a jamais été aussi élevée, en particulier dans les jeunes générations, mais elle se manifeste de manière différente suivant de qui on parle, les Roms par exemple sont très mal tolérés, et par ailleurs on constate qu’une minorité se radicalise et qu’elle passe de plus en plus à l’acte. Parmi ces actes, la CNCDH s’inquiète de voir prospérer la haine en ligne, qui se diffuse anonymement de façon virale.

Progression de la tolérance en France

Le nouveau rapport de la Commission nationale des droits de l’homme confirme que les Français sont plus tolérants et fermement opposés au racisme, à l’antisémitisme et aux discriminations. Jamais l’indice de tolérance n’a été aussi élevé depuis sa création, en 1990, puisqu’il atteint 67 points (sur 100). « La CNCDH ne peut que s’en réjouir, d’autant plus que cette tolérance s’accroît en particulier parmi les jeunes générations », communique l’instance indépendante. Pour Nonna Mayer, chercheuse à Sciences-Po, qui a travaillé sur le rapport, comprendre les opinions est essentiel dans une démocratie, cela dit où se situe la norme ».

Plus on a fait d’études moins on est raciste

Selon Jean Tiberj, professeur des universités à Sciences Po Bordeaux, coauteur du rapport et créateur de cet indice de tolérance, cela s’explique par des facteurs de long terme. Ainsi plus on a fait d’études, et moins on est raciste. Et aujourd’hui, les Français sont plus éduqués qu’en 1990. Il observe de plus que ceux nés récemment sont moins racistes et il se félicite que les jeunes d’aujourd’hui seront demain des adultes moins racistes que les adultes d’aujourd’hui.

L’influence du climat politique

Cette tendance positive peut être troublée par le climat politique et ses discours ambiants, la couleur politique du gouvernement, le climat médiatique. Pour Jean Tiberi, si des politiques déclarent en masse que l’islam est problématique en France, cela infuse certains esprits et peut entraîner une hausse des actes antimusulmans.

À l’inverse, « après les attentats de 2015, le discours ambiant a favorisé la tolérance », rappelle le coauteur du rapport. « Les paroles qui ont été prononcées après les attentats par différents responsables politiques, sociaux et religieux, et le fait qu’une fraction de la communauté maghrébine s’exprime très fortement en faveur des valeurs de la République ont favorisé le rapprochement », pour Jean-Marie Delarue, directeur de la CNCDH.

Les Roms sont largement stigmatisés

Si les Français ont été globalement plus tolérants en 2018, ils ne le sont pas nécessairement à l’égard des Roms, qui sont aujourd’hui largement stigmatisés et représentent la population la plus « mal tolérée ». Pour les auteurs, « la communauté Rom manque de défenseurs dans la parole publique et souffre d’un manque d’empathie de la part de la société ». Un constat qui s’inscrit dans l’actualité récente. Fin mars, des expéditions punitives avaient été organisées à l’encontre de membres de cette communauté après des rumeurs fausses parlant d’enlèvements d’enfants par des Roms. Ces rumeurs avaient été largement relayées sur les réseaux sociaux.

Des actes antisémites en hausse et des préjugés antijuifs tenaces

Autre enseignement de ce rapport, les actes antisémites sont en hausse de plus de 70 % sur un an, avec en 2018 pas moins de 541 faits antisémites, alors qu’ils étaient en baisse ces dernières années. En outre, les préjugés antijuifs restent tenaces : 20 % des Français jugent que « les juifs ont trop de pouvoir en France » et 36 % que « les juifs ont un rapport particulier à l’argent ». Le mouvement des gilets jaunes est émaillé d’actes antisémites comme l’agression d’Alain Finkielkraut.

L’Islam est mal perçu, mais les musulmans bénéficient d’une meilleure image

81 % des sondés estiment qu’« il faut permettre aux musulmans de France d’exercer leur religion dans de bonnes conditions ». Mais plus de quatre sondés sur dix (44 %) pensent que « l’islam est une menace pour l’identité de la France ». Et certaines pratiques religieuses musulmanes (port du voile, non-consommation d’alcool et de porc) sont mal jugées.

Les actes racistes sous-déclarés

La CNCDH s’inquiète par ailleurs de la sous-déclaration constante des actes racistes. « 1,1 million de personnes se disent victimes chaque année de menaces, de violences ou de discriminations à caractère raciste mais ces chiffres sont très loin du nombre de plaintes déposées », déplore Jean Tiberj. En 2017, par exemple, seules près de 6.000 affaires racistes avaient été traitées par les parquets, ayant abouti pour 9 % seulement d’entre elles à une condamnation ».

En conclusion si l’on peut se féliciter que la tolérance ait progressé de 13 points entre 2013 et 2018, il ne faut pas baisser la garde car le racisme met à mal notre vivre ensemble. Pour Jean-Marie Delarue, le président de la CNDCH « une action résolue et prolongée des pouvoirs publics est nécessaire et doit favoriser la disparition des préjugés ».

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