1. Accueil
  2. > Société
  3. > Populations
  4. > Le consentement à l’impôt

Le consentement à l’impôt

samedi 2 avril 2022

La Commission européenne estime à plus de 1 000 milliards d’euros la perte des recettes fiscales chaque année pour l’Union européenne. Pour la France, ces estimations se situent entre 60 et 80 milliards d’euros par an. L’impôt est un des débats favoris en France ; pour l’élection présidentielle d’avril 2022, le débat se focalise sur les droits de successions. Pour sa première édition en 2021, « le baromètre des prélèvements obligatoires » est un sondage commandité par le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) et réalisé auprès d’un échantillon représentatif de la population française. Il a pour vocation de mesurer périodiquement la perception qu’ont les Français des prélèvements fiscaux et sociaux et ainsi d’éclairer les pouvoirs publics sur l’état et l’évolution de l’opinion dans ce domaine.

Les « prélèvements obligatoires » désignent l’ensemble des prélèvements auxquels les contribuables sont soumis : impositions de toute nature, mais aussi cotisations sociales destinées à financer la protection sociale.

Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) est chargé d’apprécier « l’évolution et l’impact économique, social et budgétaire de l’ensemble des prélèvements obligatoires ainsi que de formuler des recommandations sur toute question relative à ces prélèvements » (loi N° 2005-358 du 20 avril 2005).

Le questionnaire a été soumis à un échantillon représentatif de 1 013 personnes âgées de 18 ans et plus (enquête en ligne réalisée par le groupe Harris Interactive). Il comporte 8 thèmes. Les 6 premiers sont destinés à être repris dans les prochains baromètres. Les 2 derniers portent sur des sujets d’actualité fiscale :

  • Le niveau de connaissance du système de prélèvements fiscaux et sociaux par les contribuables.
  • Le degré d’acceptation de l’impôt par les contribuables qui est mesuré de manière globale et selon 3 critères : l’acceptation du principe de l’impôt comme acte citoyen, l’opinion sur le niveau global des impôts, l’opinion sur le niveau personnel de l’impôt.
  • La perception du degré d’équité du système fiscal.
  • L’opinion des contribuables sur l’utilisation de l’argent public issu des impôts (hors sécurité sociale financée par les cotisations sociales).
  • La qualité des relations entre les contribuables et l’administration fiscale.
  • L’appréciation portée sur le niveau des cotisations sociales servant à financer le système de protection sociale.
  • L’appréciation portée sur le prélèvement à la source récemment mis en place ainsi que sur l’impôt sur le revenu général.
  • Le jugement porté sur une éventuelle hausse d’impôts à la suite de la crise Covid.

Comprendre les ressorts du consentement et de l’acceptation à l’impôt : la Révolution française est née de la convocation des États Généraux par le roi Louis XVI pour faire face aux difficultés financières du Royaume. Les États généraux sont devenus Assemblée Nationale Constituante et ont adopté la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC), dont l’un des principes fondateurs est le consentement des citoyens à l’impôt :

  • « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux–mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique… »
  • L’article 1er de chaque loi de finances traduit ce consentement à l’impôt.
  • La loi organique du 28/12/2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a renforcé les obligations de justifications à apporter au Parlement sur les rétrocessions des recettes de l’État au profit des collectivités territoriales.

Les déterminants de l’acceptation de l’impôt ? Une politique du « bâton » reposant sur le principe de sanctions élevées pour les contribuables qui ne s’acquittent pas de l’impôt aura pour effet de renforcer le civisme social mais n’aura aucune raison de renforcer l’acceptation politique de l’impôt. La notion de « justice fiscale » et la perception que l’argent public est bien utilisé est déterminante pour l’acceptation par les citoyens de l’acceptation de l’impôt :

  • 75 % des Français pensent que le niveau d’imposition est trop élevé et seuls 4 % le jugent trop bas. Pour les cotisations sociales, 60 % des Français les jugent trop élevées.
  • 66 % des Français jugent que les ménages aux revenus intermédiaires paient trop d’impôts, 48 % disent de même pour les ménages les plus modestes et seuls 21 % pour les plus aisés.
  • Au total, 55 % des Français jugent la redistribution des richesses insuffisante,
    27 % d’entre eux la jugent trop importante et seulement 18 % la trouvent juste.

Un civisme social qui demeure solidement ancré. Malgré les critiques, l’acceptation des citoyens à l’impôt reste solide. Près de 8 Français sur 10 le considèrent comme un acte citoyen, notamment parce qu’il permet de participer à la vie du pays en finançant divers services publics et aides sociales :

  • L’adhésion à l’impôt a été renforcée récemment par le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu : 77 % des Français jugent que c’est une bonne réforme, 8 % une mauvaise réforme. Elle facilite la gestion du budget au quotidien.
  • Les Français (73 %) se montrent opposés à la création d’un « impôt-Covid » qui aurait pour objet de rembourser une partie des dépenses exceptionnelles engagées par l’État pendant la crise sanitaire.
  • S’il devait exister, 77 % des Français préfèreraient que cette charge soit supportée par les entreprises (chez ces 77 % de Français, 48 % par les grandes entreprises, 14 % par les entreprises du numérique et 34 % par l’ensemble des entreprises).
  • 21 % des Français préfèreraient que la charge soit reportée sur les ménages (chez ces 21 % de Français, 52 % souhaiteraient une répartition universelle, 46 % souhaiteraient plutôt cibler les ménages les plus aisés).

L’acceptation de l’impôt et le niveau de redistribution reste un lien ambigu : la DREES pose régulièrement la question : « accepteriez-vous une baisse des prestations assurances maladie/retraites/familles/chômage/handicap/dépendance/logement en échange d’une baisse des impôts ou des cotisations ? » :

  • En 2020, la part des personnes qui ont répondu non s’élève à 83 % pour les prestations maladies, 82 % pour les prestations retraites, 66 % pour les prestations familiales, 71 % pour les prestations chômage, 76 % pour les aides aux personnes handicapées, 75 % pour les aides aux personnes dépendantes, et 67 % pour les aides au logement.
  • Ainsi, le niveau de revenu ne semble être corrélé qu’avec le sentiment de payer personnellement trop d’impôts mais pas avec le sentiment que le niveau général des impôts est trop élevé.

Parmi les facteurs qui influent sur l’acceptation de l’impôt, la connaissance du système socio-fiscal, la confiance dans les institutions et la satisfaction quant à l’utilisation de l’argent public jouent un rôle déterminant. En améliorant le niveau de connaissance du système et en plaidant pour une politique de prélèvements obligatoires plus efficace, le CPO a pour ambition de renforcer la confiance dans les institutions publiques et de contribuer à l’acceptation des prélèvements fiscaux et sociaux.


Référence