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La mobilité sociale des descendants d’immigrés

samedi 14 novembre 2015

Les fils et filles d’immigrés sont souvent d’origine ouvrière : selon l’enquête
Trajectoires et Origines de 2008, deux descendants d’immigrés sur trois avaient un père ouvrier lorsqu’ils avaient 15 ans, contre 39 % seulement des personnes sans ascendance directe immigrée (« population majoritaire »). Cette origine ouvrière est particulièrement fréquente pour les descendants d’immigrés d’Europe du sud et du Maghreb, avec une surreprésentation dans ce dernier cas d’ouvriers non qualifiés.

La mobilité sociale des descendants et des descendantes d’immigrés est assez fréquente : un tiers des fils et filles d’immigrés en emploi occupent, entre 35 et 50 ans, un emploi plus qualifié que leur père au même âge. Cette mobilité professionnelle reflète en large partie les mutations du marché du travail (baisse du travail non qualifié, tertiarisation des emplois) et l’élévation du niveau de formation.

À caractéristiques sociodémographiques identiques (sexe, diplôme, origine sociale du père…), les chances de connaître une mobilité socioprofessionnelle ne varient pas significativement selon l’origine géographique : c’est le niveau de diplôme qui apparaît comme un puissant facteur de promotion sociale. Les descendants d’immigrés accèdent aux emplois de la fonction publique dans des proportions légèrement inférieures à celles des descendants de parents non immigrés : 414 000 descendants d’immigrés âgés de 18 à 50 ans étaient salariés du secteur public à leur dernier emploi et 1 448 000 salariés du secteur privé. En comparaison, 3 689 000 personnes sans ascendance directe immigrée travaillaient dans le secteur public et 10 510 000 dans le secteur privé. Les descendants d’immigrés sont ainsi 20 % à occuper leur dernier emploi dans le secteur public, soit 3 points de moins que la population majoritaire (23 %).

Pourquoi cet écart ? Les emplois titulaires de la fonction publique sont réservés généralement aux personnes de nationalité française ou européenne. Aussi seuls 10 % des pères immigrés travaillaient dans le secteur public quand leurs enfants avaient 15 ans, contre 22 % des pères de la population majoritaire.
Lorsque le père travaillait dans la fonction publique, 27 % des descendants d’immigrés et 32 % de la population majoritaire y travaillent aussi. Cet écart entre les deux populations est beaucoup moins important lorsque le père travaillait dans le secteur privé : respectivement 20 % et 21 %.

Les descendants d’immigrés ayant leur dernier emploi dans le secteur public ont un peu plus souvent des pères cadres ou professions intermédiaires (17 %) que ceux dont le dernier emploi était dans le secteur privé (14 %).
La population majoritaire avait plus souvent que les descendants d’immigrés un père cadre ou profession intermédiaire, sans différence marquée selon qu’elle travaille dans le secteur public ou privé : respectivement dans 28 % et 27 % des cas

Une meilleure intégration dans le public : Un cinquième des descendants d’immigrés de 18 à 50 ans se déclarent salariés du secteur public, un tiers d’entre eux ont un diplôme de niveau bac+3. Ils occupent le plus souvent un poste d’employé ou un poste dans le secteur de l’éducation. Ils déclarent plus souvent que les descendants du secteur privé une mobilité sociale ascendante (par rapport à leur père), notamment en raison de la plus forte présence des emplois de professions intermédiaires et de cadres dans le public.

Ainsi, dans le secteur public, 27 % des descendants d’immigrés et 28 % de la population majoritaire ont un niveau de diplôme bac+3 ou plus contre 15 % et 19 % dans le secteur privé. Inversement, 33 % des descendants d’immigrés ayant au moins un bac+3 sont salariés du public, 35 % pour la population majoritaire.

Parmi les diplômés de niveau bac+3 ou plus, les descendants d’immigrés qui ont une licence ou une maîtrise sont à peu près aussi nombreux (45 %) à travailler dans le secteur public que la population majoritaire (44 %).

Dans le secteur public, les descendants d’immigrés exercent le plus souvent des métiers d’employés civils et agents de service. Un tiers de descendants d’immigrés occupe ces emplois contre un quart pour la population majoritaire. Ces métiers sont particulièrement féminisés : 76 % des descendants d’immigrés qui les exercent sont des femmes (79 % dans la population majoritaire), alors que les femmes ne constituent que 57 % des descendants d’immigrés en emploi dans le secteur public (59 % pour la population majoritaire).
Les descendants d’immigrés devenus employés civils et agents de service ont pour 75 % d’entre eux un père ouvrier ou employé lorsqu’ils avaient 15 ans, soit plus fréquemment que la population majoritaire (66 % d’entre eux). 14 % des descendants d’immigrés du secteur public, sont dans le secteur de l’éducation.

La plupart d’entre eux enseignent comme professeurs agrégés ou certifiés du secondaire (41 %), ou comme instituteurs/professeurs des écoles (37 %). Les pères de la population majoritaire sont ainsi moins souvent ouvriers ou employés (46 % contre 69 % pour l’ensemble des descendants d’immigrés salariés du secteur public) et plus souvent professions intermédiaires ou cadres (39 % contre 17 %). En cela, ces derniers sont un peu plus proches de la population majoritaire devenue enseignante (43 % ont un père ouvrier ou employé et 43 % un père profession intermédiaire ou cadre). Globalement très féminisée (63 %), la profession d’enseignant l’est encore davantage pour les descendants d’immigrés (68 % contre 62 % exerçant un métier dans les secteurs de l’éducation de la population majoritaire).

Pour des niveaux de diplômes moins élevés, les descendants d’immigrés travaillent moins souvent dans le secteur public que la population majoritaire. Lorsqu’ils possèdent un CAP-BEP, 19 % des descendants d’immigrés travaillent dans le secteur public contre 23 % pour la population majoritaire. Il en est de même pour les diplômés de niveau bac+2 (21 % contre 24 %). Les difficultés d’insertion en emploi stable sont plus importantes pour les fils et les filles d’immigrés maghrébins. Les enfants d’immigrés maghrébins mettent pratiquement deux fois plus de temps (2,5 années) pour accéder au premier emploi stable que la population majoritaire (1,3 année) ou les enfants d’immigrés d’Europe du sud (1,3 année).

Moins de sentiment de refus injuste de promotion dans le secteur public, notamment pour les descendants d’immigrés : Corrélativement, les salariés du secteur public (11 %) ont moins souvent connu une mobilité ascendante que leurs homologues du secteur privé (16 %), ce qui peut s’expliquer pour partie par la structure des emplois, Les salariés peuvent bénéficier de promotions sans qu’elles se traduisent par un changement de catégorie socioprofessionnelle. 50 % des salariés du secteur public, ont déclaré avoir bénéficié d’une promotion au cours des cinq dernières années, soit nettement plus que les salariés du secteur privé (32 %). Ils sont un peu moins nombreux que les salariés sans ascendance directe immigrée à avoir eu une promotion au cours des cinq dernières années et ils sont un peu plus nombreux à déclarer un refus de promotion qu’ils estiment injuste.

Les femmes descendantes d’immigrés salariées du secteur privé ont plus souvent connu une promotion accompagnée d’une plus grande responsabilité que la population majoritaire.
Dans le secteur privé, hommes et femmes descendants d’immigrés font état un peu plus fréquemment que la population majoritaire d’un refus injuste de promotion, notamment s’ils sont d’origine maghrébine.


Références : DARES Analyse N° 2015-072 octobre 2015