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La France, une société fatiguée ?

mercredi 12 janvier 2022

Il faut saluer l’initiative de la CFDT et de la Fondation Jean Jaurès de constituer un comité de douze experts en sciences sociales chargés d’éclairer les conséquences sociales de la crise pandémique. La CFDT avait réclamé la constitution d’un comité de ce type à côté du Conseil de défense sanitaire. Devant le refus de l’exécutif, la démarche est devenue une initiative de la société civile. Le premier rapport produit porte sur la fatigue profonde de notre société. D’autres thèmes suivront sur le rapport au temps, le logement des migrants, la place des administrations publiques…

Un comité pour comprendre la période actuelle au-delà des questions sanitaires

S’il est indispensable de traiter au jour le jour les conséquences sanitaires, cela ne suffit pas et le comité composé de philosophes, historiens, économistes… estime qu’il faut traiter avec autant d’attention les conséquences sociales, psychologiques, économiques de la crise actuelle. En ce sens, leur première parution traite de la fatigue sous la forme de 12 petits essais rapides à lire mais très incisifs.

La fatigue apparait comme un symptôme de la société actuelle

Si les Français se déclarent fatigués et particulièrement au cours de cette pandémie, la question se pose de savoir si cette fatigue se situe plus dans les esprits que dans les corps pourtant durement touchés pour certains d’entre nous. Et puis, l’interrogation des chercheurs s’étend à toute la société : n’est-ce pas la société française tout entière qui est fatiguée ? Et de quoi cela est-il le symptôme ?

Fatigue au travail, d’abord mais, comme le rappelle l’historienne Isabelle Lespinet-Moret, cela n’est pas une réalité nouvelle. La fatigue industrielle avait déjà attiré l’attention du Bureau international du travail dès les années 1920. Mais aujourd’hui, pour le philosophe Frédéric Worms, « cette fatigue ne résulte pas du travail lui-même, mais de la perte de son sens social, de sa reconnaissance par la société ». Surtout le sentiment, crise après crise, que « cette perte se répète, sans fin ». Les chercheurs alertent aussi sur les risques de fatigue démocratique et éthique, tout en misant sur les capacités de rebond de la société. La sociologue Jeanne Lazarus relève ainsi les « trésors d’ingéniosité » déployés pendant les confinements « pour maintenir des espaces de culture, de partage, de vie collective et d’espoir… ».

Si la fatigue semble s’exprimer à l’occasion de la pandémie de Covid-19, elle lui est sans doute antérieure. La fondation Jean Jaurès et la CFDT à l’origine de cette démarche estiment que comprendre cette fatigue individuelle et collective, peut « être le point de départ d’un travail qui doit nous permettre de comprendre ce qui se passe, ce qui se manifeste, ce qui se transforme dans nos sociétés à l’occasion de la pandémie ».

Agir pour l’économie mais aussi pour les hommes et les femmes

Si les initiateurs de la démarche et les experts mobilisés soulignent l’efficacité scientifique et industrielle dans la lutte contre la pandémie ainsi que les soutiens publics à l’économie et l’emploi, ils souhaitent que les pouvoirs publics aillent plus loin. Or ces derniers, d’après eux, ont une certaine réticence à recourir aux sciences sociales pour comprendre les effets psychologiques et sociaux de cette crise. Ils soulignent les enjeux de cette prise en charge.

En conclusion, tous alertent sur le danger d’ignorer ou de ne pas comprendre ce que les Français vivent individuellement et collectivement depuis 2020. Ils invitent à « mieux surmonter les épreuves présentes et mieux préparer celles qui viendront demain, mieux nous connaître enfin, comme société et comme individus ».
Ces premiers essais constituent donc une première étape d’un processus de réflexion collective. Nul doute que cette démonstration et ce plaidoyer pour la place des sciences sociales dans l’analyse de la crise a montré sa pertinence.


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