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Aide à domicile : autonomie et engagement collectif

samedi 2 mars 2024

Comment concilier l’autonomie et l’engagement dans un collectif métier quasi exclusivement féminin, peu considéré et mal rémunéré. Une enquête se penche sur ces problèmes : l’aide à domicile concentre nombre de caractéristiques des emplois « dits peu qualifiés », à majorité féminine avec une forte pénibilité physique et psychologique. Seules dans leur travail mais non autonomes dans la définition de leur planning.

Dans le secteur de l’aide à domicile, il existe plusieurs modes d’intervention : un monde prestataire, où l’intervenant est salarié d’une structure qui peut être publique ou privée (entreprise à but lucratif ou non) et un mode mandataire et d’emploi direct, où l’intervenante est employée directement par le bénéficiaire.

  • La branche professionnelle de l’aide et de l’accompagnement des soins et des services à domicile, forte en 2021 de 4 645 structures prestataires à but non lucratif, emploie 217 609 salariées, dont 89 % sur les métiers d’intervention. Elles sont pour la plupart en CDI (88 %) et à temps partiel (66 % en 2021 contre 86 % en 2016).
  • Parfois présentée comme un gisement d’emplois, y compris pour des personnes peu qualifiées, l’aide à domicile est dépeinte comme un métier de souffrance. Métier pénible, physiquement mais aussi psychologiquement et émotionnellement, exercé par des femmes, mal payé et invisibilisé, quand il n’est pas déconsidéré.

Une enquête du Céreq dans le cadre du projet ANR « Squapin », est réalisée dans trois structures associatives du secteur de l’aide à domicile avec comme thème : redonner des marges de manœuvre à leurs salariés et concilier leur autonomie par l’intégration dans un collectif de travail. Les enquêtes réalisées auprès de structures associatives témoignent certes de la pénibilité du métier mais aussi d’un investissement fort des intervenantes dans leur travail.

Les acteurs de la branche associative de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile ont acté la nécessité d’améliorer les conditions de travail et les salaires avec l’aval des financeurs publics.

  • Des modifications significatives ont été adoptées dans la classification des emplois et le système de rémunération (avenant N° 43/2020). Cela a conduit à une augmentation globale de la masse salariale de 16 %. L’avenant ne repose pas uniquement sur le diplôme mais aussi sur la prise en compte des compétences.
  • Il s’agit de revaloriser les rémunérations conventionnelles, d’éviter l’immersion sous le Smic, et à terme d’offrir de réelles perspectives de carrière. Les partenaires sociaux ont redéfini la finalité et les modalités de l’entretien d’évaluation faisant référence à des emplois génériques organisés en termes de filières, catégories et degrés. Cela permet dans l’immédiat au moins de résoudre partiellement les problèmes récurrents de recrutement auxquels sont confrontées les associations.
  • La fidélisation des intervenantes à domicile passe par une reconnaissance de leur pouvoir d’agir, en particulier en termes de planning et par l’ébauche d’un collectif de travail, qui permette de compenser leur relatif isolement dans l’exercice de leur métier.

Responsabilisation et dynamique collective comme leviers de fidélisation. Reposant sur une structure hiérarchique courte, les associations du secteur emploient un nombre important d’intervenantes qui ne travaillent pas dans les locaux de la structure, mais chez des usagers aux attentes variés.

  • Le management de ces travailleuses se fait à distance, dans le cadre de relations bilatérales gérées par un responsable du secteur. Ce dernier doit organiser le travail de plusieurs dizaines d’intervenantes dans un contexte de turn-over important.
  • Si le travail est organisé de façon précise, pour ce qui est de la gestion du temps et déplacement, la structure et a fortiori le collectif de travail n’ont guère de consistance pour les intervenantes à domicile. La rotation des équipes auprès des bénéficiaires constitue une source de problèmes avec les usagers (souvent attachés à une relation personnalisée et nécessitant, pour les plus dépendants, une continuité de service).
  • Aujourd’hui, la recherche de nouvelles organisations du travail entend renforcer l’autonomie et la responsabilisation des intervenantes à domicile et créer une dynamique collective d’un sentiment d’appartenance.
  • Le projet de recherche lancé en 2019, explore la problématique de la responsabilisation accrue des travailleurs en emploi peu qualifié, analyse son développement et ses impacts sur l’emploi, le travail et les parcours notamment pendant la crise sanitaire.

Construire une organisation partagée en équipes autonomes. Deux associations ont négocié un accord collectif en 2020, avec comme volonté de construire une organisation partagée en équipes autonomes, de valoriser les salariés et de les obliger à prendre des initiatives (utilisation des smartphones, permettre aux intervenantes à domicile de négocier et d’ajuster leur planning, développer une communication intense).

  • Mise en place d’une représentante pour une équipe de 6 à 8 intervenantes et leur permettre de se réunir, créer des réunions thématiques…
  • L’adhésion aux structures semble forte et l’ancienneté s’en ressent : 63 % des salariés (y compris dans les fonctions support) ont plus de 5 ans d’ancienneté en 2022 contre 50 % en 2021.
  • La responsabilisation dans ces deux associations prend une dimension collective. Être ambassadrice de son association, monter des ateliers pour les bénéficiaires ou les collègues, contribuer au recrutement, être tutrice pour de nouveaux recrutés ou des stagiaires, être actrice de la régulation des activités en termes de publics suivis, de planning hebdomadaire, de congés, de dépassement etc…participe de cette responsabilisation.

La société civile se mobilise : plusieurs « comité des bénéficiaires et des aidants » sont créés comme les conseils de la vie sociale. Un nouveau décret encadre ces structures de bénévoles. Des activités sociales, culturelles et physiques sont ouvertes à toutes les personnes isolées accompagnées à domicile, âgées et handicapées.
  Dans certaines expériences, un comité réunit une vingtaine de membres issus de représentants des personnes accompagnées, de proches aidants, de professionnels, de bénévoles et de la direction.
  L’ordre du jour est co-construit ensemble sur toutes les questions de fonctionnement, d’accompagnement, de qualité de la vie sociale et culturelle. Ce groupe consultatif est renouvelé à chaque fois que nécessaire par appel à candidatures.

Le 6 février 2024, le Sénat en première lecture a voté la proposition de loi « bien vieillir » dont l’une de ses propositions est la création d’une carte professionnelle dans les services d’aide à domicile, carte attribuée à tous les intervenants à domicile présentant une certification professionnelle ou pouvant justifier de deux années d’exercice dans des activités d’intervention au domicile des personnes âgées et handicapées.


Références