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Premières évaluations des réformes de l’assurance chômage 2019

mercredi 17 avril 2024

La réforme de l’assurance chômage initiée en 2019 est entrée pleinement en vigueur au 1er décembre 2021. Elle a introduit des changements importants :

  • Sur les conditions d’éligibilité (hausse de la durée minimale d’affiliation),
  • Sur le montant et les modalités de calcul des allocations (introduction de la dégressivité des allocations pour les allocataires ayant des niveaux d’indemnisation élevés),
  • Sur la réforme du calcul du salaire journalier de référence (SJR) pour tenir compte des périodes non travaillées,
  • Sur les cotisations des entreprises (introduction du bonus-malus).

Le rapport intermédiaire des premières estimations du comité d’évaluation de la réforme initiée en 2019 suggère que les constats provisoires doivent tenir compte, pour l’analyse des adaptations comportementales face à ces changements, d’une connaissance limitée par les demandeurs d’emploi et les employeurs des règles introduites par la réforme au fur et à mesure des années 2019 à 2021. Une version définitive du rapport, mis en place pour évaluer les objectifs de la réforme d’assurance chômage sur le développement du marché du travail en France, viendra fin 2024.

La réforme de l’assurance chômage a été décidée en 2019 dans un contexte de nette reprise économique, marqué par un chômage en baisse et des besoins de recrutements importants. La crise sanitaire a fortement modifié ces réalités économiques avec une réforme à contre-temps :

  • Une reprise des contrats courts sans désinscription de France Travail : conséquence de la hausse de l’activité réduite.
  • Pour les allocataires qui ont des parcours fractionnés, caractérisés par des enchaînements de contrats courts et des périodes non travaillées, la prise en compte de ces dernières induit une baisse de l’allocation journalière et une hausse de la durée potentielle d’indemnisation (deux effets théoriques opposés pour le retour à l’emploi).
  • La condition d’affiliation est passée de 4 à 6 mois avec pour conséquence la fin du rechargement des droits.
  • La réduction du montant des allocations est accentuée par l’introduction de la dégressivité.

La réforme a modifié les profils des allocataires et la structure des ouvertures de droits, affectant le comportement de travail des allocataires. : les conséquences sur le marché de l’emploi peuvent être une baisse des inter-contrats ou une augmentation des CDI dans certains secteurs :

  • Passage vers l’auto-entreprenariat.
  • Enchaînements de contrats de plus en plus courts concentrés dans des secteurs aux besoins de plus en plus courts.
  • Changement de métiers ou de secteurs.

Les allocataires les plus modestes concernés par la réforme du salaire journalier de référence (SJR) peuvent avoir, selon la situation budgétaire du foyer, la baisse de leurs allocations chômage en partie compensée par les minima sociaux : la prime d’activité (PPA), et/ou le revenu de solidarité active (RSA).

  • La réduction du montant de l’aide au retour à l’emploi, (ARE) rend le recours à l’assurance chômage moins avantageux.
  • L’imbrication de l’assurance chômage avec le système de solidarité nationale peut rendre les bénéfices de l’inscription et de l’actualisation très faibles, voir nuls financièrement à court terme, avec une perte de droits sur le long terme car les allocations chômage ouvrent plus de droits sociaux (retraite, congés de paternité…) que les minima sociaux.
  • Le bonus-malus pour les entreprises peut aussi mener à des stratégies de non-recours pour les salariés (promesses à l’employeur de ne pas recourir à l’assurance chômage pour ne pas peser sur le malus de l’entreprise).

Les mesures prises dans le décret de carence de 2019 ont principalement affecté les jeunes, les moins diplômés et les personnes qui sortent d’un contrat en CDD.

  • 47 % des allocataires sont concernés par la baisse du salaire journalier de référence en 2022 avec pour conséquence une baisse pour la retraite complémentaire.
  • Les personnes ouvrant droit à l’assurance chômage après une période d’intérim connaissent une baisse moyenne de leur allocation journalière de près de 14 %.
  • La réforme a réduit la part des sortants de contrats courts et des jeunes parmi les entrants en indemnisation. Elle a réduit les possibilités de cumuler allocations et revenus d’activité.
  • La réforme a modifié la structure des ouvertures de droits avec une augmentation de la part des allocataires des droits de plus d’un an et d’une diminution des allocataires de celle des droits de moins d’un an.
  • Des allocations plus faibles sont susceptibles de freiner l’entrée en formation et d’inciter à la reprise d’emploi.

Le bonus-malus des cotisations de l’assurance chômage pour les entreprises : mis en place tardivement (juin 2021), la plupart des entreprises ne déclarent pas de changement significatif, bien que certaines entreprises aient adapté leurs pratiques en réponse à la réforme, comme l’embauche de CDI ou l‘allongement des missions d’intérim.

Mesures de la réforme non évoquées dans ce rapport : l’ouverture des droits à l’assurance chômage pour les indépendants et pour les démissionnaires pour projet professionnel. La suppression des cotisations salariales d’assurance chômage a permis de mettre en œuvre un élargissement de la couverture contre la perte d’emploi aux indépendants.

Évolutions des principales composantes de l’indemnisation :

  • Une baisse du rythme d’ouverture des droits entre 2019 et 2022.
  • Allongement mécanique de la durée potentielle d’indemnisation avec la prise en compte des jours non travaillés et la suppression des droits de moins de 6 mois mais avec un taux plus faible.
  • L’allocation journalière moyenne est stable depuis la réforme mais décroche du salaire moyen par tête.
  • La part des allocataires qui cumulent leur allocation avec le salaire d’une activité réduite diminue.

En résumé, le rapport indique que les réformes de l‘assurance chômage de 2019-2021 ont entraîné des effets qualitatifs et quantitatifs significatifs avec des effets sur les droits à indemnisation, sur l’accès à l’emploi, sur la qualité des emplois. La réforme a entraîné une baisse des nouvelles demandes à l’assurance chômage de la part des travailleurs temporaires, des jeunes et des moins qualifiés les renvoyant vers les minimas sociaux. Doit-on attendre les résultats finaux fin 2024 avant d’envisager une réforme ? Ce rapport ne tient pas compte de la réforme entrée en vigueur le 1er février 2023 concernant la mesure contracyclique du temps d’indemnisation d’allocation chômage en fonction de la situation du marché du travail, ni non plus des nouvelles règles qui devraient rentrer en vigueur en 2024.


Références