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Les travailleurs détachés : ce que change la Loi Travail

samedi 18 juin 2016

Depuis 1996, une directive européenne permet de recourir à des « travailleurs détachés » de leur pays pour travailler dans un autre pays. La directive d’exécution, approuvée en 2014, vise à améliorer l’application des règles dans les domaines suivants : la fraude, le contournement de la réglementation, l’échange d’informations entre les États membres. La loi El Khomri amplifie la lutte contre la fraude.

Déjà la loi Macron a déjà permis d’avancer dans la lutte contre la fraude

Elle prévoit ainsi une carte d’identification professionnelle obligatoire pour tous les agents du BTP déplacés. Autre disposition, si le donneur d’ordre est responsable dans une situation de travail illégal, il sera sanctionné d’une amende de 2 000 euros par travailleur détaché. Enfin, cette loi renforce la présence d’agents de contrôle, qui veilleront à faire respecter les conditions de travail.

La loi Travail veut aller plus loin et achève la transposition totale de la directive européenne de 2014

Les mesures de la loi Travail s’inspirent largement des préconisations du rapport du Conseil économique, social et environnemental publié en septembre 2015. Elles ont comme objectif d’avoir une meilleure visibilité sur les détachements et les conditions dans lesquelles ils s’exécutent. La réalisation de la déclaration de détachement préalable par l’employeur établi à l’étranger qui détache des salariés en France est une formalité indispensable pour permettre aux services de contrôle de vérifier le caractère licite de la prestation de service internationale. En outre, elle est le seul élément permettant d’avoir une connaissance, au niveau national et à l’échelon régional, de l’ampleur statistique du phénomène de détachement.

Les nouvelles dispositions contenues dans la loi Travail

  • Sur la déclaration de détachement. Le projet de loi vise à accroître les moyens permettant de contraindre l’employeur à se conformer à cette obligation, en étendant la suspension de la prestation de services, mise en place avec la loi du 6 août 2015, en cas d’absence de déclaration de détachement.
  • Sur la responsabilisation des maitres d’ouvrage et des donneurs d’ordre. La lutte contre la fraude au détachement passe par la mobilisation de l’ensemble des acteurs de la chaîne de sous-traitance. Les lois du 10 juillet 2014 et du 6 août 2015 sont allées en ce sens, en créant des mécanismes de responsabilité solidaire et de vigilance du maitre d’ouvrage et du donneur d’ordre vis-à-vis de leurs cocontractants et sous-traitants. Le projet de loi va plus loin, en créant une responsabilité du maître d’ouvrage vis-à-vis de l’obligation de déclaration de détachement, qui incombe à l’ensemble de ses sous-traitants établis à l’étranger et en consacrant au niveau législatif l’obligation préexistante de déclaration qui pèse sur les donneurs d’ordre co-contractants d’une entreprise non établie en France dont un salarié est victime d’un accident du travail, et punissant le manquement à cette obligation par une amende administrative.
  • Sur la compensation des coûts administratifs générés par les fraudes au détachement. La mise en place d’un droit de timbre qui sera acquitté par les entreprises non établies en France lorsqu’elles procèdent au détachement de salariés a pour objet de compenser le coût généré par le traitement administratif des déclarations de détachements par les services du travail et les contrôles effectués.
  • Sur la transposition totale de la directive européenne « Détachement » de 2014 pour pleinement tirer profit des outils juridiques qu’elle met à disposition. Une mesure législative restait à prendre afin de permettre l’exécution en France de sanctions administratives prononcées par un État membre à l’encontre d’une entreprise française. Celle-ci doit permettre de recouvrer des amendes administratives prononcées par un autre État membre à l’encontre d’un prestataire de services français ayant enfreint sur le territoire de cet État membre sa réglementation en matière de détachement de travailleurs.
  • Pour mieux adapter la lutte contre la fraude au détachement aux spécificités du secteur rural. La loi du 6 août 2015 a mis en place la possibilité de faire cesser les prestations de service internationales en cas de manquement grave à la législation du travail (temps de travail, salaire minimum, conditions de travail et d’hébergement). Cette disposition doit être adaptée pour intégrer également les normes applicables dans le code rural en matière de temps de travail. De la même manière, les dispositions de la loi du 10 juillet 2014 relatives à la responsabilité solidaire du maître d’ouvrage en matière d’hébergement collectif doivent être adaptées aux dispositions spécifiques du code rural en la matière. Cela doit permettre de mieux adapter la lutte contre la fraude au détachement au secteur de l’agriculture, où le nombre de détachements est significatif.
  • Pour permettre l’accès aux données relatives aux déclarations de détachement à tous les corps de contrôle. Le renforcement de la lutte contre les fraudes au détachement passe aussi par l’accentuation de la coopération entre les corps de contrôle. La mesure vise à permettre à l’ensemble des agents de contrôle compétents en matière de lutte contre le travail illégal (police, gendarmerie, administration fiscale et douanière et agents de recouvrement des cotisations sociales) d’accéder à toutes les données issues des déclarations de détachement, souvent utiles pour les enquêtes menées afin de s’assurer que les prestataires de services établis à l’étranger interviennent de façon régulière en France en respectant les règles fiscales et sociales.

Que représentent les travailleurs détachés en Europe ?

Au regard de l’ensemble de la population salariée dans l’Union, la part des travailleurs détachés est très minime. Elle représente 0,7 % du nombre de salariés mais ce chiffre a fortement progressé (de près de 45 %) entre 2010 et 2014.

Pourvus de missions de quatre mois, en moyenne, ils se concentrent principalement dans le bâtiment (43,7 %), l’industrie manufacturière (21,8 %), l’éducation, la santé et les services sociaux (13,5 %). Les secteurs de l’agriculture et des abattoirs sont, eux aussi, en partie concernés.

La France, l’Allemagne et la Belgique regroupent aujourd’hui la moitié environ des 1,9 million de travailleurs détachés. Ils étaient 400 000 en France, en 2014.


Conseil économique et social européen – septembre 2015 – Les travailleurs détachés - http://www.eesc.europa.eu/ceslink/resources/docs/2015_24_travailleurs_detaches1.pdf


Sources