mercredi 10 juin 2015
Le chômage dans le monde est apparu et a été conceptualisé fin du 19ème et début 20ème siècle. Il a été conçu par rapport au travail, comme critère incontestable de la capacité d’un individu à travailler. C’est ainsi qu’a été créée une nouvelle catégorie sociale de personnes, faisant l’objet d’approches juridiques et statistiques. Dans ce cadre, l’Organisation Internationale du Travail (OIT) adopta dès 1919 la première convention sur le chômage, suivie de deux autres et sept recommandations avant 1939.
Mais les définitions n’ont cessé d’évoluer depuis et de nombreuses interrogations persistent sur quelle mesure du chômage est la plus conforme, et ce dans un contexte de crise économique et sociale, où le chômage est devenu, avec le taux de croissance, l’indicateur de conjoncture le plus important.
En France, deux organismes calculent les chiffres du chômage
Et ils sont différents…
Critiques des deux mesures
Le taux de Pôle emploi :
– (i) est un résultat statistique sous-produit issu de la gestion administrative de la demande d’emploi, -
– (ii) avec introduction de dispenses de recherche, radiation, contrôle des demandeurs, modifications de l’actualisation de la demande…
L’enquête Emploi de l’INSEE :
– (i) est réputée d’un bon niveau statistique pour la version annuelle, elle n’aurait pas la même qualité pour les estimations trimestrielles,
– (ii) n’a pas travaillé même 1 h dans la semaine semble une durée trop courte pour ne pas reconnaître un chômeur ;
– (iii) la disponibilité dans les 2 semaines ne permet pas de prendre en compte la réalisation d’un projet d’embauche qui parfois peut prendre plusieurs mois ni ceux qui augmentent leurs chances sur le marché du travail en suivant une formation, un stage ;
– (iv) être sans travail, disponible mais pas à la recherche d’un emploi, c’est le cas essentiellement des chômeurs découragés qui déclarent vouloir un emploi sans le rechercher activement, faute d’espoir suffisant d’en trouver.
Mais tous les chômeurs au sens du BIT ne sont pas inscrits à Pôle emploi, rien n’oblige à s’inscrire comme chômeur si on n’est pas indemnisable et/ou s’ils pensent que Pôle emploi n’est pas utile pour eux. L’INSEE estime qu’un cinquième des chômeurs BIT n’est pas inscrit.
À l’inverse, une partie des inscrits à Pôle emploi en catégorie A ne répondent pas aux critères du BIT, parce qu’ils ne sont pas en recherche active, pas immédiatement disponibles, ou ni l’un ni l’autre. C’est selon l’INSEE le cas d’environ un inscrit en catégorie A sur cinq.
Concernant l’Enquête Emploi, il convient de souligner qu’elle ne s’intéresse pas qu’au chômage, mais à l’ensemble des positions vis-à-vis du marché du travail (emploi, mesures d’insertion, chômage, formation, retraite, inactivité), et aux transitions entre elles. Ainsi en dénombrant simultanément, sur la base de critères cohérents et homogènes, les actifs occupés (qui ont un emploi), les chômeurs, et les inactifs (personnes en âge de travailler), l’enquête permet aussi de mesurer la proportion d’actifs sans emploi, le taux de chômage (nombre de chômeurs/population active), le taux d’emploi (nombre d’individus ayant un emploi/nombre total d’individus correspondant) et le taux d’activité (actifs occupés et chômeurs/ population totale correspondante).
De plus, les critères de cette enquête étant fixés par le Bureau International du Travail où siège Gouvernements/Employeurs/Travailleurs, Eurostat pour le niveau européen et avec approbation du Conseil National de l’Information Statistique de Paris, les contestations de cette mesure ne sont que marginales.
Soulignons également chez nos voisins européens certaines particularités avec le contrat de travail zéro heure au Royaume-Uni qui, de plus, avec le Danemark et les Pays-Bas, font plus que faciliter (transformer des chômeurs) par l’obtention du statut d’invalide ou de malade de longue durée « pour des raisons plus sociales que médicales. »
Existe-t-il un chiffre unique, magique, incontestable et donc introuvable
À l’emploi à plein temps en CDI, l’introduction des nouvelles formes d’emploi, CDD, temps partiel, intérim, temporaire, alternance, stage, occasionnel, mobile, autoentreprise, emplois aidés…. a profondément fait bouger les frontières entre emploi, chômage, inactivité et, par conséquent, les statuts des travailleurs, creusant ainsi des écarts à la norme commune de l’emploi. Aucun chiffre ne peut dans l’absolu prendre en compte de telles diversités de situations sans frontières particulièrement claires avec de nouvelles formes d’inactivité. Et mesurer par rapport à l’emploi c’est aussi prendre en compte l’emploi décent (de qualité) tel que défini par le BIT et adopté au niveau européen, ce qui est fait par des mesures de la qualité de l’emploi et/ou de la qualité de vie au travail, en France comme à l’échelle de l’UE.
Le halo du chômage
En complément à ce chiffre unique introuvable, est adopté dans les années 1970 le concept de « halo du chômage », personnes qui se trouvent dans des positions proches du chômage mais pas au sens strict.
Le halo est décliné en trois catégories :
– les personnes à la recherche d’un emploi, mais pas immédiatement disponibles : indicateur 1 ;
– les personnes souhaitant travailler, disponibles, mais ne recherchant pas un emploi : indicateur 2 ;
– les personnes souhaitant travailler, mais qui ne sont ni disponibles ni à la recherche d’un emploi : indicateur 3, indicateur adopté en 2008.
Ainsi, l’INSEE indique que « parmi les 22 millions d’inactifs en France métropolitaine en 2013, 300 000 recherchent activement un emploi mais ne sont pas disponibles pour en occuper un dans les deux semaines à venir. À l’inverse, 590 000 personnes se déclarent disponibles pour occuper un emploi mais, bien que souhaitant travailler, n’ont pas fait de recherche active. Enfin, 400 000 personnes, plus éloignées du marché du travail, souhaiteraient travailler, mais ne sont ni à la recherche d’un emploi, ni disponibles pour en occuper un. Ainsi, ce sont au total 1 290 000 inactifs qui souhaitent travailler mais ne remplissent pas tous les critères pour être considérés comme chômeurs au sens du BIT. Ils constituent ce que l’on appelle le « halo autour du chômage ». En les ajoutant aux 2,8 millions de chômeurs, ce sont près de 4,1 millions de personnes qui sont sans emploi et souhaitent travailler selon l’INSEE.
Par ailleurs, pour compléter et préciser les frontières entre emploi et chômage, l’INSEE applique une directive du BIT de 1998 sur une définition du « sous-emploi » lié à la durée du travail.
Ce sont des personnes ayant un emploi mais :
– (i) qui travaillent à temps partiel, qui souhaitent travailler plus, et qui recherchent un emploi et/ou qui sont disponibles pour travailler plus,
– (ii) qui ont involontairement travaillé moins que d’habitude, pour cause de chômage partiel par exemple, qu’elles travaillent à temps plein ou à temps partiel. À noter que fin 2014, le sous emploi en France touchait 6, 5% des personnes en emploi.
Ainsi, parmi les indicateurs pour apprécier la mesure du chômage, il ne faut pas oublier le halo sur le chômage et le sous emploi, en plus du taux de chômage, du taux d’emploi et du taux d’activité.