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Suppression des élections prud’homales : Pourquoi ?

samedi 7 mai 2016

L’Ordonnance relative à la désignation des conseillers prud’hommes en application de la loi du 18 décembre 2014 et modifiée par la loi Rebsamen du 17 août 2015 est parue au Journal Officiel du 1er avril 2016. L’occasion de revenir sur les raisons qui ont poussé le gouvernement à mettre fin à l’élection des Conseillers Prud’hommes.

Depuis 1979, les Conseillers Prud’hommes étaient élus lors d’une élection générale à laquelle étaient appelés à voter l’ensemble des salariés et tous les employeurs du secteur privé. À l’époque, il s’agissait de répartir de façon plus équitable les sièges de Conseillers en fonction des suffrages obtenus par les organisations syndicales et patronales au travers d’une élection générale. L’effet attendu était aussi de donner une plus grande notoriété à l’institution prud’homale assez méconnue à l’époque et une justice plus équilibrée rendue par des juges élus par leurs pairs.

Pourquoi abandonner aujourd’hui un système de désignation qui peut apparaître auprès de certains particulièrement démocratique avec cette élection générale ?

Force est de constater qu’au fil du temps, cette élection a mobilisé de moins en moins de monde. Le taux d’abstention a progressé systématiquement d’élection en élection chez les salariés passant de 37,93 % en 1979 à 74,37 % en 2008. Cette baisse de la participation aurait pu mettre à mal l’institution même des Prud’hommes. Deux raisons principales à cette perte d’intérêt des salariés pour cette élection :

  • 1/ Les salariés qui ont recours aux Prud’hommes viennent principalement des petites entreprises, là où les syndicats dans leur ensemble sont peu présents. Ils sont donc appelés à voter pour des gens et des organisations qu’ils ne connaissent pas. A contrario, les salariés qui travaillent dans les entreprises plus importantes, là où sont présents les syndicats, ont moins recours à la juridiction et ne voient donc pas vraiment l’intérêt d’élire des conseillers auxquels ils n’auront pratiquement jamais recours.
  • 2/ Elire des juges n’est pas dans la tradition d’indépendance de la justice française. Avec une participation de 20 %, on peut faire le même constat pour l’élection des juges des tribunaux de commerce.

D’autre part, le coût de cette élection est très élevé à la fois pour les pouvoirs publics : en dehors des subventions de communication apportées aux syndicats, le coût de l’élection de 2008 a été de 86,6 millions d’Euros. Et pour chacune des organisations, ce coût a lui-même été une charge très importante amenant même quelques polémiques internes ou dans la presse sur la capacité de financement des uns et des autres. Sans parler bien sûr de l’important investissement militant que ces élections engendraient pour un résultat bien modeste au final en termes de notoriété ou de reconnaissance.

Enfin, la mesure de la représentativité des organisations syndicales et maintenant patronale permet de désigner les conseillers en fonction de la représentativité réelle des organisations dans les entreprises. Au fond, le poids réel des organisations. Finalement, la désignation des Conseillers Prud’hommes selon ces critères de représentativité est certainement plus démocratique qu’une désignation reposant sur une élection boudée par près de trois salariés sur quatre.

Les syndicats étaient divisés sur cette question. Si la CFDT, la CFTC et l’UNSA étaient favorables à cette évolution, FO, CFE-CGC, Solidaires, FSU et surtout la CGT y été opposés. Pour certains opposants, pas mécontents de ne plus avoir à gérer une telle élection, il s’agissait plus d’une posture qu’une réelle conviction.

Dorénavant, la désignation des Conseillers se fera sur la base de l’audience des organisations syndicales et patronales au niveau départemental. Les conditions pour être Conseiller Prud’homme sont les mêmes que précédemment : nationalité française, avoir plus de 21 ans, jouir de ses droits civiques, casier judiciaire dont les mentions ne sont pas incompatibles avec la fonction et avoir exercé une activité professionnelle de deux ans ou justifier d’un mandat prud’homal dans les dix ans avant la candidature. Une innovation importante et positive, les listes déposées par les organisations devront être composées alternativement d’un candidat de chaque sexe. Les Conseillers seront nommés par arrêté ministériel tous les quatre ans durant l’exercice suivant le cycle de mesure de l’audience des organisations syndicales et patronales.


Sources :

  • Ordonnance relative aux règles de désignation des conseillers Prud’hommes du 31 mars 2016 ; Liaisons Sociales du 4 avril 2016 ; Rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi adopté par le Sénat enregistré le 14 novembre 2014 par Mme Sylviane BULTEAU, Députée.