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Réformes des marchés du travail, Espagne, Italie, Portugal

dimanche 29 avril 2012

Portugal, Espagne et Italie, ces trois pays ont adopté ces derniers mois des réformes de leurs marchés du travail.

Les réformes concernant le marché du travail ont été justifiées par les gouvernements au vu du niveau très élevé du chômage. Elles visent d’abord les procédures de licenciement. Mais d’autres mesures sont aussi retenues qui ne visent pas seulement la libéralisation des contrats de travail. On constate la cohabitation de mesures de nature différentes : certaines relèvent de la recherche d’économies, d’autres de l’assouplissement du marché du travail, d’autres apportent davantage de garanties pour les salariés et la recherche d’un accompagnement de la réinsertion. Ces réformes avaient été précédées de changements dans l’organisation de la négociation collective, changements qui donne plus de poids à la négociation d’entreprise. Cette décentralisation s’ajoute à la plus grande flexibilité du marché du travail voulue par les mesures adoptées.

L’adoption de ces mesures a donné lieu à des réactions syndicales variées, à la fois selon les pays et selon l’orientation des organisations syndicales. Réaction unanimement négative des syndicats espagnols, réaction d’opposition du syndicat allié du PC portugais, la CGTP et plus modérée de l’UGT. Réaction neutre des syndicats italiens.

La portée pratique de certaines de ces dispositions nouvelles est difficile à comprendre sans être un connaisseur des réalités nationales dans lesquelles elles sont introduites. Elles sont le résultat de compromis délicats entre représentation politique et représentation des partenaires sociaux. En les présentant, on donne une idée des décisions politiques prises dans ces pays en réaction aux profondes difficultés économiques et financières qu’ils affrontent.

Portugal : le Parlement portugais a adopté une série de mesures destinées à être appliquées à la rentrée.

Principale mesure, les indemnités de licenciement seront ramenées de 30 à 20 jours de salaire par année de travail et plafonnées à 12 mois. Un Fonds de licenciement doit être créé pour prendre en charge une partie des jours indemnisés. Il sera désormais plus facile de justifier un licenciement pour « inadaptation » au poste de travail, même sans introduction de nouvelles technologies dans l’entreprise.

Les heures supplémentaires seront moins bien rémunérées, quatre jours fériés sont supprimés : la Fête-Dieu, le 15 août, le 5 octobre et le 1er décembre.

Le gouvernement ouvre la porte à la possibilité pour les entreprises de fermer en cas de ponts, lorsque les jours fériés coïncident avec le mardi ou le jeudi. En cas de fermeture de l’entreprise, les travailleurs devront soit déposer un congé, soit accepter de récupérer en temps de travail. L’entreprise devra au préalable en définir les conditions avec les travailleurs.

Les entreprises pourront mettre en œuvre la « banque d’heures », un volant de 150 heures de travail par employé, négocié avec ce dernier, et non rémunéré comme heures supplémentaires.

Espagne : le gouvernement a approuvé en février 2012 par décret une vaste réforme du marché du travail.

L’indemnisation du licenciement non justifié passe de 45 à 33 jours par année travaillée avec plafond de 24 salaires mensuels. Les modalités du licenciement économique sont simplifiées de façon à décourager les employeurs d’utiliser les règles plus rapides bien que davantage onéreuses du licenciement sans motif.

L’enchaînement des contrats temporaires sans limite est interdit et le temps partiel et le télétravail sont encouragés.

La prolongation des conventions collectives arrivées à expiration est limitée à deux ans. Les accords d’entreprise auront priorité sur les conventions collectives de portée supérieure.

Une collaboration ouverte sera développée entre les services publics de l’emploi et les agences de travail temporaire.

La fraude contre l’absentéisme est intensifiée. Le compte formation suivra le salarié tout au long de sa vie professionnelle. Le contrat d’apprentissage est étendu aux moins de 30 ans. Une déduction de charges sera faite pour un certain nombre de catégories de demandeurs d’emploi et en fonction des effectifs salariés de l’entreprise. Est créée une possibilité de plans de licenciement collectifs dans les organismes publics.

Les deux principales confédérations ont organisé une journée nationale d’action en mars 2012.

Italie : avril 2012, dépôt du projet de loi sur la réforme du marché du travail

Une nouvelle procédure du licenciement économique institue un délai de 20 jours au bout duquel, après confrontation avec l’administration du travail, l’employeur est libre de décider le licenciement. Ce n’est que si le juge atteste que le motif économique est manifestement inexistant qu’il pourra imposer une réintégration.

Pour les licenciements autres qu’économiques, en cas de licenciement discriminatoire, le juge impose à l’employeur la réintégration et une indemnisation. En cas de licenciement disciplinaire considéré comme illégitime le juge ordonne réintégration et indemnisation.

La réforme conditionne l’embauche de nouveaux apprentis à la stabilisation d’au moins la moitié des apprentis embauchés dans les trois années précédentes, fixe la durée minimale à six mois et établit un rapport entre le nombre d’apprentis et celui des travailleurs qualifiés dans l’entreprise.

Le contrat à durée déterminée sera « pénalisé » par un taux de cotisation plus élevé pour le financement de l’assurance chômage. L’intervalle requis entre les CCD pour un même salarié passe à 60 jours si le contrat est inférieur à 6 mois et à 90 jours au delà (actuellement il est de 10 et de 20 jours). Le plafond de 36 mois pour ces contrats inclura aussi les éventuelles périodes d’intérim du salarié dans l’entreprise.

Les contrats de projet seront revus avec, entre autres, une définition plus rigide du « projet », leur limitation à des fonctions distinctes du travail subordonné, l’interdiction pour l’employeur de rompre le contrat avant l’échéance, sauf motif légitime.

Les contrats avec les professionnels indépendants titulaires d’un numéro de TVA seront aussi revus pour éviter les « faux indépendants » remplaçant le travail salarié.

En plafonnant pour la première fois les indemnisations dues, le nouveau texte prévoit trois régimes de sanctions, en lieu et place de la réintégration actuellement de principe, pour le licenciement individuel qualifié d’illégitime par le juge.

Parmi les autres mesures visant à éviter à l’employeur de payer le prix fort des « coûts indirects » des procès pour les licenciements, qui peuvent durer parfois plus de dix ans, l’introduction d’une procédure abrégée en matière de licenciement est prévue.

Réforme des « amortisseurs sociaux » : la création de la Sécurité sociale pour l’emploi remplace les divers régimes d’assurance chômage existants et étend la protection aux appentis et aux artistes.

Afin de financer les prestations de compensation salariale lors de la réduction ou de la suspension de l’activité, dans les secteurs non couverts par les caisses d’intégration existantes, la réforme propose l’institution obligatoire de Fonds de solidarité auprès de l’Institut national de la prévoyance sociale, basés sur des accords collectifs

La protection pour les seniors est renforcée avec un nouveau cadre juridique pour les départs collectifs des travailleurs à qui il manque quatre ans pour partir à la retraite dont les coûts seront à la charge de l’employeur.

La réforme cherche à éliminer l’abus des pratiques qui consiste à faire signer à une nouvelle recrue une lettre de démission qui sera utilisée lorsqu’elle tombera enceinte par l’obligation de la validation des démissions par le service d’inspection du ministère du Travail étendue jusqu’aux 3 ans de l’enfant. En alternative à la période de congé facultatif de maternité dans les 11 mois suivant la période de congé de maternité obligatoire, les jeunes mères peuvent opter pour des chèques emplois pour le babysitting.

La réforme prévoit une concertation entre État et Régions avec l’objectif de parvenir à un accord sur les lignes directrices pour renouveler les politiques actives, portant sur le renforcement de l’employabilité et l’amélioration du taux de l’emploi, via la formation et la requalification.

Le texte est en débat au Parlement. Les réactions syndicales sont prudentes.