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Réformes des marchés du travail en Europe

mercredi 13 janvier 2016

Alors que le Président de la République a annoncé qu’il livrera son plan pour l’emploi le 18 janvier au Conseil économique social et environnemental, lors des vœux aux acteurs de l’entreprise et de l’emploi, quel est le bilan des réformes des marchés du travail engagées en Europe depuis la crise ? Réponse du Conseil d’Orientation de l’Emploi (COE).

Le COE vient de publier un rapport général (issu de monographies par pays) sur les réformes du marché du travail mises en œuvre en Europe dans dix pays représentatifs catégorisés en modèles, modèle continental (Allemagne, Autriche, Pays-Bas), modèle latin (Espagne, Italie, Portugal), modèle anglo-saxon (Irlande, Royaume-Uni), modèle nordique (Danemark, Suède). La notion de réforme du marché du travail, dans ce rapport, met en relief les politiques actives, mais prend en compte une approche élargie du marché du travail puisqu’elle intègre aussi bien le droit du travail et la protection de l’emploi, la place de la négociation collective, les instruments de flexibilité interne (temps de travail, salaires et emploi), les politiques sur le coût du travail (diminutions de cotisations sociales, subventions à l’embauche, modération salariale, baisse des salaires) ainsi que les régimes d’assurance chômage et de solidarité.

Le contexte de ces réformes

Si avant la crise de 2007 les transformations de l’économie, du social et des changements technologiques impactaient largement les marchés du travail avec les défis du chômage et de l’emploi, la crise a eu un très fort effet sur le niveau de l’emploi (niveau pas encore retrouvé) et le chômage est resté bien supérieur encore à ce jour à celui de 2007. C’est le cas de 7 pays, en dehors de l’Allemagne, Royaume Uni et Suède. La crise a notablement exacerbé des déséquilibres du marché du travail avec une augmentation du chômage des jeunes et du chômage de longue durée ainsi que du temps partiel subi, des emplois atypiques réduisant l’accès à un emploi permanent, et de l’inadéquation des qualifications.

Depuis 2007, les réformes du marché du travail ont été largement encouragées par la nouvelle gouvernance européenne comme contrepartie d’aides financières, ainsi que sous la pression des marchés financiers, dans un cadre de déficits publics et donc de maîtrise ou de réduction des dépenses sociales, dans des contextes de récession et/ou de faible croissance.

Les marchés du travail étaient et sont toujours en pleine évolution, marqués par des transformations profondes en raison de la recherche de compétitivité coût et hors coût, dans le cadre de l’ouverture des économies, avec leur impact sur l’emploi et sa structure, éliminant les entreprises les moins productives et les salariés les moins qualifiés. L’importance et la vitesse des innovations technologiques, du numérique, des transformations des organisations et modes de production des entreprises ont eu un impact sur les économies, l’organisation du travail et les emplois, demandant plus de qualification et suggérant un renouvellement des besoins de formation initiale et continue. À signaler également les nouvelles aspirations des actifs pour de nouvelles formes d’emploi comme le télétravail et ce dans un cadre de diversification et de personnalisation de la demande des produits et services réorganisant davantage l’économie centrée sur le client, avec ses conséquences sur la transformation des qualifications.

Les réformes structurelles du marché du travail sont caractérisées par :

 un assouplissement du droit concernant les contrats de travail notamment pour les emplois permanents en particulier en Italie, Portugal, Espagne, Portugal) qui a porté sur différents aspects de la réglementation ;

 les motifs du licenciement en Espagne sur une définition élargie incluant l’absentéisme, au Portugal élargie à l’inaptitude, et sur la procédure, en Espagne pour la notification et réduction de moitié du préavis et au Portugal et Royaume Uni ;

 une décentralisation de la négociation collective, par branche et entreprise, ancienne en Allemagne et pays nordiques, plus récemment négociation d’entreprise encore très limitée en Espagne et au Portugal ;

 un assouplissement des mécanismes de flexibilité interne, avec des objets et modalités très spécifiques, comme en Espagne, Portugal, Suède, Italie ;

 une recherche de modération salariale et de baisse du coût du travail. La période 2009-2014 s’est traduite par un ralentissement significatif de la croissance des salaires réels, notamment par des accords nationaux interprofessionnels de modération salariale, en Italie, Espagne et Danemark pour les entreprises, et Irlande dans la fonction publique ;

 concernant le salaire minimum, la mise en place en Allemagne, l’expérimentation en Italie, la réévaluation du montant en Irlande et au Royaume-Uni la mise en place d’un National living wage pour les plus de 25 ans (salaire décent supérieur au salaire minimum national) ;

 des régimes d’assurance chômage et d’assistance plus incitatifs au retour à l’emploi et souvent accessibles à un plus grand nombre, avec un montant d’indemnisation plutôt orienté à la baisse en Suède, Espagne, Portugal Italie avec dégressivité en Suède, Danemark, Portugal, Irlande, Pays Bas ;

 un rôle accru pour les politiques actives du marché du travail par un repositionnement des services publics de l’emploi. Ceci s’effectue par une meilleure articulation entre accompagnement et indemnisation, plus de décentralisation, une offre de services plus différenciée selon les profils des demandeurs d’emploi, sous-traitance des services pour certains publics, responsabilisation accrue des demandeurs d’emploi, et surtout le développement des services en ligne avec les Pays-Bas comme pays phare ;

 la formation avec une plus grande place pour l’apprentissage (Royaume-Uni, Portugal, Italie, Espagne, Pays-Bas, Irlande et Suède), ainsi qu’une forte mobilisation de la formation professionnelle : en Suède des accords sectoriels instituent des contrats d’insertion professionnelle ; en Autriche : les montant et durée de l’indemnisation chômage sont majorés en cas de formation ; en Espagne : création d’un droit à la formation ; en Irlande : réforme d’ensemble du système de formation professionnelle ;

 une incitation au retour à l’emploi et au maintien dans l’emploi par une place croissante des politiques ciblées sur les personnes fragiles qui relèvent le plus souvent de quatre catégories : les chômeurs de longue durée, les jeunes, les seniors et les femmes. Ainsi, pour les chômeurs de longue durée, des pays ont défini des programmes ambitieux d’incitations financières, avec une importance de l’accompagnement : la Suède avec le programme « nouveau départ », le Royaume-Uni avec le Work Program, l’Irlande avec les programmes femmes.

Impact des reformes

Étant très ou trop récentes, avec de plus les effets de nombreux autres facteurs (croissance, échanges…), l’impact de ces réformes est à ce jour difficile à évaluer. Toutefois, il est possible d’avancer :

 un effet sur l’emploi et le chômage, depuis la crise pour les pays comme l’Allemagne, le Royaume-Uni, Autriche, Danemark et Suède, qui avaient avant la crise largement réformé les politiques du marché du travail. Au contraire les gains en emploi et chômage sont beaucoup plus faibles et retardés pour les autres pays qui ont peu ou moins procédé à des réformes structurelles ;

 l’amélioration sur compétitivité (approche coût salarié unitaire) fait apparaître à partir de 2000 et jusqu’en 2007 des écarts entre pays, qui se réduisent depuis 2008 suggérant un effet positif des réformes sur la compétitivité coût ;

 si, depuis la crise, il est difficile de mesurer l’accroissement des inégalités dû à ces réformes, en matière de pauvreté le constat démontre une augmentation de la pauvreté au travail et de la pauvreté générale, toutefois limitée par l’impact des transferts sociaux ;

 mais il faut tenir compte du fait qu’il est difficile aujourd’hui d’isoler leurs effets propres car les réformes du marché du travail ont souvent été mises en œuvre dans un contexte économique difficile et ces réformes ont été prises dans un vaste ensemble de mesures (paquets) touchant également le marché des biens et des services pour agir notamment sur la croissance ;

 le chômage persiste, notamment de longue durée, dans de nombreux pays et le dualisme du marché du travail, marché protégé et marché concurrentiel avec emplois atypiques, perdure durablement.


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