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Reculer l’âge de la retraite : quelles conséquences ?

mercredi 16 novembre 2016

Trois curseurs permettent dans le système actuel de réformer les retraites : recul de l’âge de départ en retraite par le report de l’âge d’ouverture des droits ou/et par l’augmentation de la durée de cotisation (nombre de trimestres), baisse des pensions, hausse des cotisations. Une étude de la direction du Trésor chiffre l’effet économique bénéfique du recul de l’âge de la retraite de 63 à 65 ans. Le COR (conseil d’orientation des retraites) a étudié les effets de cette mesure sur l’activité et l’emploi et sur le transfert vers d’autres dispositifs sociaux, caisse d’assurance maladie, indemnisation chômage, pensions d’invalidité, minima sociaux, et fait le bilan de la mesure du relèvement de l’âge de l’ouverture des droits de 60 à 62 ans sur l’emploi des séniors.

L’étude de la direction du Trésor démontre l’impact sur l’économie d’un relèvement à 63, 64, 65 ans de l’âge de départ à la retraite. En théorie, au rythme d’un relèvement de 3 mois supplémentaires par an, cette mesure, au bout de 20 ans, permettrait d’augmenter le PIB de 1,4 point soit 30 milliards d’euros. Sachant que cette mesure ne pèse pas sur la charge des entreprises comme le ferait la hausse des cotisations. Dans l’immédiat, le taux de chômage augmenterait, ce qui entrainerait une modération du salaire réel, et permettrait sur le long terme une augmentation de l’emploi (près de 200 000 par année) et de la population active (de 0,8 % à 2,4 % entre 2025 et 2035). Puis l’effet sur la population active se stabiliserait à 0,7 % dans le scénario 63 ans, à 1,3 % à 64 ans, + 2 % à 65 ans).

Le COR (conseil d’orientation des retraites) a analysé les effets de ces mesures sur l’activité, l’emploi des séniors et des autres catégories de la population, mais aussi les effets de transfert sur les autres dispositifs sociaux.

  • 1- Les effets du relèvement de l’âge de la retraite sur l’activité et l’emploi

- Comment ont évolué ces dernières années les taux d’activité des séniors et les fins de carrière ? Le taux d’emploi des 55-64 ans a fortement augmenté ces 20 dernières années, surtout pour les femmes. Le taux de chômage a progressé depuis 2008 dans les mêmes proportions que pour les autres tranches d’âge.

- Davantage d’emploi des séniors implique-t-il davantage de chômage des jeunes ? Les emplois occupés par les séniors ou par les jeunes sont différents en termes de poste. Les évolutions des taux de chômage des jeunes et des séniors évoluent dans le même sens, en lien avec la conjoncture économique.

- Quel est l’effet du relèvement de l’âge d’ouverture des droits de 60 à 62 ans sur l’emploi des séniors ? Le relèvement de l’âge légal d’ouverture des droits à la retraite a conduit les personnes déjà sur le marché du travail à s’y maintenir plus longtemps, alors que celles qui en étaient écartées n’y sont pas revenues pour la plupart, accroissant ainsi les écarts de situation. Il a aussi conduit à augmenter le nombre de personnes en maladie, invalidité ou inactivité.

- Quel serait l’effet d’une hausse de l’âge d’ouverture des droits à 63, 64 ou 65 ans ? À long terme une telle mesure stimulerait l’activité économique. À court terme, l’effet dépendrait de la capacité de l’économie à absorber le choc de population active. Cette mesure serait préjudiciable au chômage, à court et moyen terme.

- Ces résultats macroéconomiques sont-ils suffisants pour juger d’une telle mesure ? L’effet positif sur le PIB ne peut à lui seul permettre d’évaluer ce type de mesure. Plus de richesse n’équivaut pas à plus de bien-être car ce surcroît de richesse est lié à plus de travail et donc à moins de loisir, à une modération du salaire, à des fins de carrière plus difficiles et à un plus grand nombre d’exclus.

  • 2- Les effets de déversement sur les autres dispositifs sociaux

- Comment apprécier l’impact d’une hausse de l’âge de la retraite sur les comptes sociaux ? En 2010, outre le relèvement de l’âge légal de l’ouverture des droits de 60 à 62 ans, la réforme a précisé les conditions de cessation des revenus de remplacement lors de la liquidation des droits. Près d’une personne sur trois n’est ni à la retraite ni en emploi aux alentours de 60 ans, ce qui a un effet sur les prestations sociales : chômage, invalidité, minima sociaux. Ces surcoûts viennent en déduction des économies réalisées sur les retraites.

- Quel surcoût du relèvement de 60 à 62 ans de l’âge d’ouverture des droits pour les pensions d’invalidité ? En 2014, près d’un million de pensions d’invalidité ont été versées pour un montant total de 9,3 milliards d’euros. À partir de 2017, entre 60 et 62 ans, entre 125 000 et 150 000 personnes bénéficieraient d’une pension d’invalidité (8 % d’une classe d’âge), soit un surcoût de 1,2 à 1,5 milliard. De plus 80 000 personnes supplémentaires (5 % d’une classe d’âge) seraient allocataires de l’un des 3 principaux minima sociaux en termes d’effectifs pour un supplément d’allocations versées de l’ordre de 600 millions d’euros par an. Ce surcoût représenterait 10 % du gain réalisé sur les dépenses de retraite par le report de l’âge de l’ouverture des droits de 60 à 62 ans.

- Et pour les minima sociaux : Le surcoût en 2017-2020 en termes de dépenses supplémentaires de revenu de solidarité active (RSA) socle, d’allocation de solidarité spécifique (ASS) et d’allocation d’adulte handicapé (AAH) peut être estimé à environ 4 % du gain réalisé sur les dépenses de retraite par le report de l’âge d’ouverture des droits de 60 à 62 ans.

- Et pour l’indemnisation chômage ? Le nombre d’allocataires d’indemnisation chômage âgés de 60 et 61 ans a plus que doublé entre 2008 et 2015, (plus 10 000 en 2008 à 30 000 en 2015). Par ailleurs, avant 2010, le pic des ouvertures de droit à indemnisation chômage se situait à l’âge de 57 ans, soit l’âge à partir duquel, après 3 années d’indemnisation, une personne pouvait liquider sa retraite. Le report de l’âge d’ouverture de 60 à 62 ans s’est accompagné d’un décalage de ce pic vers 59 ans. Les allocataires de 55 ans et plus ont un recours croissant à l’allocation de solidarité spécifique (ASS) à la fin de leur indemnisation chômage. Cette augmentation peut partiellement s’expliquer par les suppressions successives de l’allocation équivalente retraite (AER) et de l’allocation transitoire de solidarité (ATS), financées par l’État. Ces allocations permettaient d’assurer la transition entre la fin de droits à l’indemnisation chômage et la retraite, pour les allocataires trop jeunes mais qui avaient cotisé suffisamment de trimestres.

  • 3- Vieillissement de la population active : vers une baisse de la productivité ? Par rapport aux personnes déclarant avoir cessé leur activité parce qu’elles avaient atteint l’âge de la retraite, la cessation d’activité pour motif de santé se traduit par une cessation d’activité anticipée de 5 ans chez les hommes et de 4,5 ans chez les femmes, toutes choses égales par ailleurs. En outre, une mauvaise santé perçue joue un rôle négatif très significatif sur la probabilité d’être en emploi pour un homme après 50 ans, en la diminuant de 28 %.La productivité des séniors est très variable selon les individus, notamment selon leur degré de formation initiale et continue.

Le coût social du recul de l’âge de la retraite sans la mise en place de dispositifs combattant la pénibilité et des départs anticipés pour carrière longue risque d’être très élevé et très discriminant pour un avantage économique peu élevé à court et moyen terme.


Références :
http://www.cor-retraites.fr/article475.html
https://www.tresor.economie.gouv.fr/File/334816