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Rana Plaza, tous concernés

mercredi 3 juin 2015

Ce 24 avril 2015, les survivants de l’effondrement au Bangladesh du Rana Plaza se sont rassemblés sur les ruines des ateliers textiles pour dénoncer, deux ans après, la faiblesse de certaines indemnisations et mettre en évidence les lacunes qui demeurent, et ce malgré des avancées réelles.

Une des pires catastrophes industrielles du monde

Il s’agit de l’une des pires catastrophes industrielles au monde, avec plus de 1.100 morts et près de 1.500 autres blessés. Le Bangladesh est le deuxième plus grand exportateur mondial de vêtements et le secteur de l’habillement est le pilier de son économie.

La pression sur les marques occidentales

Au Rana Plaza, les salariés y cousaient des vêtements pour des marques occidentales (et donc des acheteurs occidentaux) en échange de salaires très bas. L’effondrement du bâtiment avait suscité l’indignation à travers le monde, et mis la pression sur les marques européennes et américaines pour qu’elles fassent en sorte d’améliorer les conditions de travail et de salaires des ouvriers des 4.500 usines textiles du pays.
De nombreux groupes, dont le groupe de textile Benetton ou les chaînes de distribution Auchan, Mango, Primark ou Carrefour, ont été soupçonnés d’avoir sous-traité leur production à un moment ou à un autre au Rana Plaza.

  • Le collectif Éthique sur l’étiquette qui rassemble de nombreuses organisations [1] a mis en avant, à l’occasion du deuxième anniversaire de la tragédie, des avancées obtenues grâce à la mobilisation citoyenne, sans masquer les nombreux problèmes qui demeurent.
    • la signature de l’Accord sur la sécurité des bâtiments au Bangladesh, en mai 2013, par les multinationales de l’habillement avec les organisations syndicales du Bangladesh et internationales, sous l’égide de l’Organisation internationale du travail (OIT).
      Couvrant 1.500 usines et 2 millions de travailleurs, dont 80% sont des femmes, soit la moitié de la force de travail du secteur, cet accord contraint les multinationales signataires à financer un système indépendant d’inspection des usines de leurs fournisseurs, et prévoit la mise en place des réparations nécessaires, tout en garantissant l’emploi et les salaires des ouvriers en cas de fermeture d’usine. Il est transparent, indépendant, et juridiquement contraignant.
      À ce jour, plus de 200 marques et enseignes d’habillement l’ont signé. 1.250 usines ont été inspectées sur les 1.500 couvertes par l’Accord et 950 plans correctifs adoptés, mettant ainsi en évidence plusieurs milliers de problèmes de sécurité à résoudre.
    • Un fonds d’indemnisation, toujours sous l’égide de l’OIT, a également été mis en place, financé par les contributions des enseignes qui s’approvisionnent au Bangladesh. Entré en vigueur en janvier 2014, il a recueilli à ce jour 24 des 30 millions de dollars nécessaires pour assurer une indemnisation juste et complète des victimes et de leurs familles.
      De nombreuses enseignes impliquées dans le drame n’ont abondé le fonds d’indemnisation que sous la pression des campagnes citoyennes, comme Auchan ou Benetton. Le groupe de textile italien Benetton vient d’annoncer le 17 avril qu’il allait verser 1,1 million de dollars au fonds destiné à dédommager les victimes. Il a ainsi décidé de « doubler le montant » que lui avait conseillé de verser le cabinet d’experts PricewaterhouseCoopers (PWC). Le Collectif Éthique sur l’étiquette rappelle que le groupe a dans un premier temps nié tout lien avec le Rana Plaza, avant de se résoudre à accepter l’évidence de ses liens commerciaux après que des étiquettes et bons de commande à son en-tête ont été retrouvés dans les décombres.
    • En France, une loi sur le devoir de vigilance des multinationales a été adoptée en première lecture le 30 mars dernier par l’Assemblée nationale. Désormais, les grands groupes devront identifier et prévenir les violations des droits humains et de l’environnement que pourraient causer leur activité, en France et à l’étranger. Le cas échéant, un juge pourra être saisi, et imposer une sanction. Mais la loi est loin d’être effective, elle risque d’être enterrée si le gouvernement ne l’inscrit pas à l’ordre du jour du Sénat.
    • Des conditions de travail et des salaires toujours déplorables au Bangladesh.
      Malgré ces avancées, le Bangladesh demeure le pays de la production textile à bas coût. Malgré des évolutions du code local du travail, les ouvrier-e-s du Bangladesh, continuent de travailler dans des conditions déplorables. Surtout, les marques d’habillement n’ont pas fait évoluer leur modèle économique. Elles cherchent toujours à minimiser les coûts de production, au premier rang desquels les salaires, pour maximiser les profits.

Les Fédérations syndicales internationales, appuyées par la CSI (Confédération syndicale internationale), exhortent le secteur du vêtement mondial à montrer qu’il a tiré les enseignements du passé et est à présent à même de se pencher sur une autre question brûlante, à savoir les salaires de misère versés aux travailleurs.

Pour Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI, « la tragédie du Rana Plaza montre à quel point le modèle des chaînes d’approvisionnement mondiales aujourd’hui en place s’avère destructeur pour les travailleurs. Ce modèle a échoué et doit être remplacé par de nouvelles pratiques commerciales à l’échelle mondiale – des pratiques exemptes de corruption et qui veillent au respect des droits et des moyens d’existence de ceux qui produisent et délivrent les biens et les services qui sont la clé de voûte de l’économie mondiale ».

Tous concernés

Que ce soit comme consommateur ou comme salarié et cadre d’une entreprise textile, de distribution ou sous-traitante, nous sommes tous concernés et nous pouvons agir dans nos comportements quotidiens, dans l’entreprise ou en imposant la responsabilité sociale des entreprises.


Pour en savoir plus


Notes :

[1*Membres actifs du collectif Ethique sur l’étiquette :
Artisans du Monde, Ccfd-terre solidaire, CFDT, FSGT, FSU, France Volontaires, CGT, Peuples solidaires, Ritino, Terre des Hommes, UFOLEP