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Négociation allemande : emploi avant salaire

jeudi 4 février 2010

Nous présentons cet exemple allemand de la négociation collective qui amène à s’interroger sur notre propre méthode. Il y a d’abord le choix des syndicalistes : l’emploi avant les salaires …choix qui peut interpeller les syndicalistes français. Il y ensuite ce que une telle négociation signifie de coordination entre les régions qui négocient. On remarquera que les branches négocient avant les entreprises qui devront ensuite appliquer l’accord. Trop souvent n’est-ce pas l’inverse en France ? Enfin, un éventuel compromis n’a de sens que si les deux parties ont assez de confiance entre elles pour mettre en œuvre l’accord. La paix sociale garantie par la signature d’un éventuel accord participe de cette confiance. Ne rêvons pas …

Allemagne : le syndicat IG-Metall veut faire du maintien de l’emploi sa priorité absolue lors des prochaines négociations collectives dans la métallurgie.

Les négociations salariales, qui devraient officiellement débuter en avril prochain dans les secteurs de la métallurgie et l’électrotechnique, pourraient bien prendre une tournure inédite. Lors d’une conférence de presse le 25 janvier, Berthold Huber, président du syndicat IG-Metall, a indiqué qu’il serait envisageable que son syndicat renonce à formuler sa traditionnelle revendication salariale avant le début des négociations en contrepartie de garanties sur l’emploi. En effet, le syndicat discute déjà depuis début décembre au niveau régional avec le patronat sur les meilleures façons de préserver l’emploi et la nécessité d’une nouvelle réduction du temps de travail. L’IG-Metall souhaite que ces négociations aboutissent d’ici au 9 février prochain à l’occasion de la réunion de son comité directeur.

Des négociations inédites à la suite d’une situation inédite. Traditionnellement, l’ouverture des négociations dans la métallurgie et l’électrotechnique, secteurs clés pour l’industrie allemande avec environ 3,45 millions de salariés, est précédée par des conflits rituels et par l’annonce de la revendication salariale de l’IG-Metall, suivie par une contre-offre du patronat. Mais cette année, les choses pourraient se dérouler autrement, car depuis début décembre, les sept directions régionales du syndicat négocient avec les organisations patronales correspondantes de nouveaux instruments de maintien de l’emploi. Les partenaires sociaux dressent en effet un bilan assez semblable de la gravité de la crise. Ainsi, lors d’une conférence de presse le 21 janvier, Martin Kannegiesser, patron de la Fédération patronale de la métallurgie Gesamtmetall, a averti qu’en dépit de signes de reprise, l’année 2010 risquait d’être plus dramatique encore que 2009 pour de nombreuses entreprises. Car ces dernières ont fait beaucoup d’efforts en 2009 pour maintenir leurs effectifs, ce qui a permis un « miracle allemand de l’emploi ». Mais ce dernier a eu son prix : recul dramatique du taux d’utilisation des capacités de production, chute de la productivité, entreprises très affaiblies. Selon M. Kannegiesser, ces dernières sont donc aujourd’hui dans l’incapacité de supporter tout coût supplémentaire. Le 25 janvier, le président de l’IG-Metall a à son tour averti que près de 700 000 emplois seraient menacés d’ici 2012 dans la métallurgie, sans une action « concertée » et « rapide » du gouvernement, des entreprises et des syndicats. « C’est pour cette raison que nous n’avons pas voulu attendre la fin des accords collectifs qui expirent fin avril pour entamer des négociations avec le patronat », a expliqué à Planet Labor un porte-parole d’IG-Metall.

Patronat et syndicat, en faveur d’une réduction du temps de travail. Ces discussions préliminaires ont déjà permis des avancées. Ainsi, les partenaires sociaux réclament du gouvernement une prolongation des mesures de soutien au chômage partiel au-delà de 2010. Le gouvernement a certes déjà annoncé que l’allongement de la durée du chômage partiel de 12 à 18 mois, décidé en 2008, serait également valable pour les demandes effectuées en 2010. Mais la mesure d’exonération des charges sociales à partir de sept mois de chômage partiel, expire, quant à elle, fin 2010. Autre rapprochement : comme l’IG-Metall, le patronat souhaite permettre aux entreprises de réduire la durée du temps de travail hebdomadaire de 35 heures à 26 heures par le biais d’une extension de l’accord collectif sur la sécurité de l’emploi. Entré en vigueur il y a quelques années dans le secteur de la métallurgie, cet accord permet aux entreprises en crise de réduire, en accord avec leur comité d’entreprise, provisoirement de 35 à 30 heures (voire 29 heures) la durée du temps de travail hebdomadaire avec baisse équivalente des salaires d’environ 15%, en échange d’une garantie d’emploi. « Ce modèle est particulièrement intéressant pour les entreprises ne pouvant plus recourir au chômage partiel pour des raisons financières ou de durée écoulée », souligne le porte-parole de l’IG-Metall.

Le patronat souhaite lier la question des salaires à celle de l’emploi. Mais les négociations achoppent à trois niveaux. Premièrement, l’IG-Metall estime que les salariés ne peuvent pas supporter une aussi grande baisse des salaires et réclame un complément de salaire aux employeurs, ce que ces derniers refusent. « On ne préserve pas des emplois en les rendant plus chers », a mis en garde le patron de Gesamtmetall, qui propose comme solution de faire appel à un tiers. Le patronat souhaite ainsi que l’Agence fédérale pour l’emploi (BA) apporte son soutien financier aux pactes pour l’emploi conclus dans les entreprises. Deuxième point de friction : le syndicat souhaite que les entreprises continuent à utiliser en priorité les mesures de chômage partiel avant de recourir à des mesures de réduction du temps de travail. Le patronat veut au contraire favoriser ce deuxième modèle, « moins onéreux et plus souple » pour les entreprises. Plaidant en faveur d’une conclusion rapide des négociations, Berthold Huber a indiqué que l’IG-Metall dresserait un bilan des discussions le 9 février à l’occasion de la prochaine réunion de son comité directeur. « Il ne s’agit toutefois pas d’un ultimatum », a précisé le patron de l’IG-Metall.


PS :

L’article a été publié sur le site de Planet Labor est repris avec son autorisation. http://www.planetlabor.com/