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Loi El Khomri : Temps de travail, priorité au dialogue social

samedi 28 mai 2016

La partie temps de travail de la première version de la Loi Travail avait suscité à juste titre beaucoup de réactions négatives. À tel point que, suivant les propositions des organisations réformistes, cette partie a été profondément remaniée. Des dispositions ont carrément disparu et d’autres ont été modifiées de telle manière que les accords d’entreprise ne pourront être inférieurs aux règles d’ordre public. Enfin, le champ des décisions unilatérales de l’employeur a été considérablement réduit.

Nous nous attacherons à faire ici le point des principales dispositions telles qu’elles apparaissent dans le projet de loi tel qu’il ressort de l’Assemblée nationale après l’utilisation du 49-3 et transmis au Sénat.

Conformément aux engagements du gouvernement, le projet de loi contient une réécriture complète de toute la partie du code du travail qui traite du temps de travail. Cette réécriture reprend sous une forme différente les dispositions du code actuel. Mais il en facilite la lecture par la distinction qui est faite entre les dispositions d’ordre public qui s’imposent à tous, ce qui peut se discuter par la négociation collective appelé « champ de la négociation collective » et les « dispositions supplétives » qui s’appliquent en l’absence d’accord. Se rajoutent parfois des « dispositions d’application ».

Un principe demeure par rapport au premier texte : la primauté de l’accord d’entreprise sur les accords de branche. Toutefois, en l’absence d’accord, ce sont les règles en vigueur actuellement qui s’appliquent. Le champ des décisions unilatérales de l’employeur a donc été drastiquement réduit par rapport au premier texte. De plus, il ne faut pas perdre de vue que les nouvelles règles de validité des accords s’appliquent (accord majoritaire à 50 % avec possibilité de consultation des salariés à l’initiative des organisations signataires ayant obtenu au moins 30 %, ou mandatement syndical). Ce qui devrait limiter les dérives éventuelles. D’autre part, tous les ans, une Commission paritaire de branche sera chargée de faire un bilan des accords d’entreprise sur les questions de travail notamment leur impact sur les conditions de travail et de concurrence entre les entreprises. Elle pourra formuler des recommandations pour répondre aux difficultés repérées.

Quelles sont les principales dispositions qui marquent une évolution par rapport au droit actuel ?

Primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche pour fixer la durée quotidienne du temps de travail à 12 h (au lieu de 10h). Cette dérogation doit être conditionnée à une « activité accrue ou à des motifs liés à l’organisation de l’entreprise ». Aujourd’hui, aucune justification particulière n’était exigée dans le cadre d’une dérogation conventionnelle aux 10h de travail quotidien.

Aujourd’hui autorisée par accord de branche validé par un décret, la durée maximale de travail de 44 heures sur 12 semaines (au lieu de 16 dans la première version) peut être portée à 46 h sur 12 semaines par accord d’entreprise primant sur l’accord de branche. À défaut d’accord, dépassement possible à 46 heures après avis du CE ou des DP transmis à l’inspecteur du travail qui donne l’autorisation du dépassement.

Majoration possible de la rémunération des heures supplémentaires à 10 % au lieu des 25 % voire des 50 % par accord d’entreprise ou à défaut de branche. Rien ne change en l’absence d’accord. Cette possibilité existait déjà par accord de branche et ensuite d’entreprise.

Aménagement du temps de travail possible sur une période de référence qui peut aller jusqu’à 3 ans avec un accord d’entreprise si un accord de branche l’autorise. Pour les durées supérieures à un an, l’accord doit prévoir une limite à partir de laquelle les heures supplémentaires sont payées dans le mois considéré. Ce n’est qu’une possibilité pour les durées inférieures à un an.

En l’absence d’accord, l’aménagement peut être décidé par décision unilatérale de l’employeur. Mais dans ce cas, dans les entreprises de moins de 50 salariés, la durée de l’aménagement ne peut excéder 9 semaines, et 4 semaines pour les plus de 50 salariés.

Le forfait jours dans les entreprises de moins de 50 salariés peut être mis en place par accord d’entreprise ou par accord avec un salarié mandaté par une organisation syndicale représentative ou par un document unilatéral de l’employeur déclinant un accord type négocié au niveau de la branche. Plus largement, en ce qui concerne les forfaits : les accords existants restent en application tels quels sans devoir se conformer aux nouvelles dispositions instituées par la loi El Khomri (Loi Travail).

Contrairement à la première version de la loi, les dispositions concernant le temps partiel et le repos quotidien sont inchangées par rapport au code actuel.

Les députés ont rajouté certaines dispositions en ce qui concerne les congés payés : ils pourront être pris dès l’embauche et l’ordre de départ devra tenir compte de la présence au foyer d’un enfant ou d’un adulte handicapés ou d’une personne âgée en perte d’autonomie.

Les congés pour événements familiaux ne peuvent être revus à la baisse par accord d’entreprise ou de branche contrairement à la première version de la loi. Le congé en cas de décès d’un enfant est par ailleurs porté de 2 à 5 jours.
En outre, la protection du licenciement est élargie aux congés payés suivant le congé maternité et la durée de cette protection passe de 4 à 10 mois suivant ce même congé.

Enfin, les consultations des IRP restent inchangées par rapport à la loi actuelle sur les demandes à la DIRRECTE des dépassements à la durée maximale hebdomadaire de travail et les dépassements des contingents annuels d’heures supplémentaires.

On comprend mal, dans ces conditions, les attaques virulentes contre ce texte. Au pire, ce texte ne changera rien …Au mieux, ce qu’on peut espérer, il devrait permettre d’adapter les questions de temps de travail au plus près des réalités des entreprises grâce au dialogue social. Et cela, surtout si les négociations abordent la question de l’organisation du travail, ce qui n’est malheureusement pas prévu par le texte. De quoi montrer que dialogue social permet d’allier progrès pour les salariés et efficacité économique.