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Loi El Khomri : la restructuration des branches

mercredi 4 mai 2016

Le projet de loi « Travail » entend accélérer le mouvement de restructuration des branches engagé par la loi du 5 mars 2014 sur la Formation professionnelle et la démocratie sociale. L’objectif affiché est d’arriver à 200 branches professionnelles d’ici 3 ans. L’effet attendu est l’amélioration de la qualité des normes fixées par les conventions collectives, une meilleure régulation de branche, la création de filières économiques et donner une base de droits sociaux solides pour les TPE-PME qui n’ont pas d’accord d’entreprise.

Le rapport Combrexelle de septembre 2015 puis le rapport Quinqueton de décembre 2015 sur lesquels s’appuie le projet de loi faisaient un constat sans appel de la situation des branches et formulaient des propositions encourageant le mouvement de regroupement des branches professionnelles.

Les branches professionnelles, quels constats ?

Le paysage des conventions collectives en France est très contrasté. Avec plus de 1 000 branches professionnelles dans les années 2000, 700 aujourd’hui, il existe de grandes différences suivant les branches d’activité. Ainsi on trouve des branches professionnelles qui regroupent plusieurs centaines de milliers de salariés et d’autres quelques dizaines de salariés ou un nombre très réduit d’entreprises, des conventions collectives territoriales et aussi des conventions collectives de groupe.

Globalement, le constat fait dans le rapport Quinqueton est sans appel pour les branches les moins importantes.

Premièrement, la négociation sociale y est particulièrement pauvre. Dans de nombreux cas, la convention collective reproduit les dispositions du code du travail qui deviennent parfois obsolètes faute d’avoir été réadaptées quand la loi change ou, avec le temps, ne répondant plus aux exigences actuelles des salariés ou à la réalité des entreprises.

Deuxièmement, le nombre insuffisant de salariés ne permet pas de faire les économies d’échelle et de négocier des avantages sociaux de même niveau que pour les grands nombres (protection sociale, formation professionnelle, etc…).

Troisièmement, un branche trop faible ne dispose pas de moyens suffisants (finances, compétences) pour engager des réflexions d’ordre économique et social de qualité. D’autre part, une branche qui regroupe l’ensemble d’une filière donneurs d‘ordre et sous-traitants permet de prendre en compte l’intérêt de l’ensemble d’un secteur.

Quatrièmement, les « petites » branches ont plus de mal à remplir la fonction de lutte contre le dumping social et de régulation sociale de branche compte-tenu de la faiblesse de la qualité de négociation sociale qu’on y trouve le plus souvent.

Cinquièmement, redonner de la force à la négociation de branche par leur regroupement, cela permettrait de rééquilibrer la négociation sociale à ce niveau face au développement de la négociation d’entreprise.

Une volonté partagée des acteurs…qui nécessite tout de même l’intervention de l’État

Si officiellement, la plupart des confédérations patronales et syndicales se disent en accord avec la démarche de regroupement pour une plus grande efficacité du dialogue social, il existe tout de même des freins qu’il ne faut pas négliger.

Au niveau national, on peut s’interroger sur la volonté patronale d’encourager le dialogue social de branche alors même qu’il veut privilégier la négociation d’entreprise. D’autre part, la concurrence qui s ‘est développée entre les organisations patronales notamment sur les questions de représentativité ne va probablement pas faciliter les choses.

Au niveau des branches professionnelles, il ne faut pas négliger le poids des habitudes, qui fait que les acteurs concernés d’une branche qui devrait se regrouper ne sont pas prêts à le faire.

Habitués à travailler ensemble même si l’activité conventionnelle est réduite et les contenus du dialogue social peu ambitieux, certains partenaires sociaux rechignent à abandonner leurs prérogatives, voire leur pouvoir, pour le partager avec d’autres. Et à ce petit jeu, les réticences viennent surtout du côté des syndicats patronaux souvent en concurrence entre eux voire en guerre ouverte. De même, le sentiment de se raccrocher à une branche plus importante pourrait signifier d’accorder des avantages supplémentaires aux salariés. Cela n’entraîne donc pas forcément les vocations. Du côté salarial, l’harmonisation entraine des incertitudes qui peuvent provoquer des réticences.

Au final, on aurait pu espérer de la part des partenaires sociaux une attitude plus proactive. De fait, ils s’en remettent à l’État pour faire le travail, même si celui-ci renvoie à la négociation collective la méthodologie pour y parvenir. Les partenaires ont tout de même créé un Comité Paritaire qui a pour mission « d’éclairer et compléter le travail de la Commission Nationale de la Négociation collective »…

Que dit le projet de loi ?

Il fixe l’objectif de parvenir à 200 branches d’ici 3 ans.
Le Ministère du travail peut fusionner les branches qui ont peu de salariés, peu d’activité conventionnelle, les branches territoriales ou celles dont moins de 5 % des entreprises adhérent à un syndicat patronal. À ce titre, les branches territoriales et les branches n’ayant pas négocié depuis plus de 15 ans seront fusionnées cette année. Celles qui n’ont pas négocié depuis plus de dix ans et les branches de moins de 5 000 salariés seront fusionnées dans un délai de 3 ans.

La loi donne 5 ans pour harmoniser les droits des branches fusionnées. Pendant ce temps, les différences temporaires ne peuvent être invoquées pour bénéficier de tel ou tel avantage.

Le projet de loi demande aux partenaires sociaux de négocier un accord de méthode pour aboutir aux 200 branches en trois ans.


Sources :

  • Rapport Combrexelle de septembre 2015 et Rapport Quinqueton de décembre 2015, Projet de loi El Khomri issu du Conseil des Ministres du 24 mars 2016.