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Les représentants du personnel : (2) Les interactions entre employeurs et représentants du personnel

mercredi 29 juin 2016

Après la cartographe des RP (1), l’ouvrage nous propose une analyse économique plus théorique de l’action collective en entreprise. Les représentants du personnel (RP) ont un point commun, ils sont tous des salariés de l’entreprise et donc soumis à l’autorité hiérarchique de leur employeur auprès duquel ils représentent leurs collègues. D’un point de vue microéconomique, à travers l’étude des interactions entre les représentants du capital (les employeurs) et ceux des intérêts des salariés (les RP), l’auteur analyse la qualité du dialogue social et la situation professionnelle des salariés représentés. Y a-t-il discriminations envers les DP sur leurs carrières ? Quels sont les intérêts des uns et des autres ?

La double casquette des RP vis-à-vis de leurs employeurs

Ils sont sous leur contrôle en tant que salariés mais leurs égaux dans l’exécution de leur mandat. Ces deux casquettes doivent être traitées différemment par l’employeur, mais il est difficile de dissocier complétement ces deux fonctions.

  • Les RP sont des « salariés protégés » : ils bénéficient de dispositions légales protectrices. Tout employeur souhaitant licencier ou transférer dans un autre établissement un salarié protégé doit en demander l’autorisation préalable à l’inspecteur du travail. L’employeur ou le salarié peuvent contester la décision et faire un recours gracieux ou un recours hiérarchique auprès du ministre du travail ou un recours contentieux devant un tribunal administratif.
  • Le taux de licenciement des salariés protégés semble un peu inférieur au taux de licenciement des salariés. Au début des années 2000, on comptait 12 000 demandes de licenciement de salariés protégés chaque année. Plus de 80 % sont acceptées par l’inspecteur du travail (70 % concernaient des licenciements pour motif économique). Il n’y a plus de statistiques officielles depuis 2006. D’après l’enquête REPONSE, sur la période 2008-2010, 1,4 % et 2,1 % de salariés protégés sont licenciés et 2,1 % et 2,5 % de l’ensemble des salariés sont licenciés. L’enquête REPONSE en Île de France estime en 2010 un taux de 3,6 % pour les salariés protégés contre 3,75 % pour les salariés.
  • Un fort recours à la rupture conventionnelle pour les salariés protégés. Cette rupture est aussi soumise à l’inspecteur du travail lorsqu’elle concerne un salarié protégé. On estime à 6 320 demandes en 2010, parmi les établissements de 10 salariés et plus du secteur marchand non agricole. La rupture conventionnelle représente plus de 44 % des séparations hors départs volontaires ou retraites, alors qu’elle représente 28 % des cas pour l’ensemble des salariés. La rupture conventionnelle a permis aux RP qui souhaitaient partir de leur entreprise en échange d’une indemnité de pouvoir trouver un accord avec leur employeur.
  • Les salariés protégés ne s’estiment ni protégés, ni menacés. Sur les 2 430 réponses, ils estiment que leur mandat n’est ni une protection, ni une menace. Les représentants syndiqués estiment plus souvent que leur mandat constitue une menace (13 % contre 2 % seulement parmi les représentants non syndiqués).

Les indices d’une discrimination syndicale possible en France

Pour un économiste, il y a discrimination si deux salariés également productifs sont rémunérés différemment. Pour mesurer la discrimination syndicale, il faut pouvoir mesurer la productivité individuelle, ce qui est pratiquement impossible. L’étude s’est basée sur les écarts de salaires entre les RP syndicaux et leurs collègues.

  • Les enquêtes d’opinion montrent que l’une des principales raisons pour laquelle les salariés indiquent ne pas se syndiquer est la peur des représailles. C’est ce que démontre un sondage TNS-SOFRES réalisé depuis 2005 par l’association Dialogues auprès de 1 000 personnes dont 500 salariés : 38 à 42 % mentionnent la peur de représailles.
  • Les discriminations à l’embauche, sont plus faciles à identifier. Mais la France ne dispose pas de statistiques de discriminations syndicales à l’embauche. Nous savons que cela existe par des témoignages individuels.
  • Selon les directions d’entreprise, des délits d‘entrave à l’action syndicale sont constatés par l’inspection du travail dans 10 % des établissements de plus de 10 salariés du secteur marchand non agricole. De plus, les cas de discrimination syndicale figurent en bonne place parmi les affaires traitées en prud’hommes et débouchent régulièrement sur des compensations salariales accordées aux salariés.

L’intérêt des employeurs : dialoguer, acheter ou discriminer ?

  • Pour les employeurs, la négociation salariale avec les délégués syndicaux peut engendrer des baisses de profit important, si l’on s’en tient au partage des rentes, les intérêts des détenteurs du capital et des travailleurs sont antagonistes. Les actionnaires ont un intérêt à affaiblir le pouvoir de négociation afin de limiter le partage de profits. Les délégués syndicaux ne sont pas sous l’autorité hiérarchique des salariés mais sous l’autorité des dirigeants en tant que salariés.
  • Les employeurs ont intérêt à favoriser les délégués qui ne négocient pas, à trouver un terrain d’entente avec eux et à acheter leur silence ou à les discriminer. Difficile à faire apparaître statistiquement, mais les délégués qui ne négocient pas sont mieux payés que ceux qui négocient. Plusieurs cas médiatisés (caisses noires de l’IUMM, comités d’entreprise EDF, Air France…) montrent que les situations de corruptions existent.
  • La discrimination des employeurs envers les RP négociateurs joue un rôle dissuasif envers les autres salariés. À âge, sexe et diplôme égal, les RP syndiqués ont 5 % de chances en moins que les autres salariés à déclarer avoir obtenu une promotion. La discrimination joue un rôle de punition et permet ainsi de stigmatiser l’action des RP.

La pénalité salariale de 4 % pour les RP syndiqués et 10 % pour les DS qui négocient l’augmentation salariale, l’emploi et les conditions de travail est une façon de pénaliser les RP pour limiter leur champ d’action et dissuader les autres salariés de s’impliquer.

Le cadre institutionnel ne correspond pas toujours aux objectifs d’un dialogue social démocratique : l’absence de dispositifs destinés à impliquer les salariés dans l’action de leurs représentants au quotidien, contribue à les désintéresser du dialogue social formel. La peur de la discrimination devient une cause supplémentaire au manque d’implication des salariés. Les RP sont peu soutenus par les salariés et parfois se marginalisent. Pour de nombreux syndicalistes, la discrimination est intériorisée, elle fait partie de la carrière et constitue la preuve qu’ils représentent bien leurs collègues.

On voit que la culture du dialogue social a encore des progrès à réaliser ! Pourtant toutes les études le confirment, le dialogue social est une des conditions de la performance économique des entreprises


Références :