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Les positions du Medef dans la négociation sur le dialogue social

mercredi 26 novembre 2014

A la séance de négociation qui s’est déroulée le 21 novembre, le MEDEF a présenté un projet de refonte des règles du dialogue social qui n’est pas exempt de provocation. En voici les grandes lignes et - indépendamment des questions de conception de dialogue social qu’elles posent et d’absence de réponse pour les salariés des TPE - les questions juridiques qu’elles soulèvent.

  1. 1/-La mise en place d’une représentation du personnel « dans les entreprises d’au moins onze salariés » dépendrait du résultat positif d’un référendum que l’employeur devrait organiser « tous les quatre ans » (art. 1). La suppression de la représentation ne serait subordonnée à un accord ou à une décision administrative qu’en cas de baisse de l’effectif sous le seuil requis pendant douze mois en cours de mandat. En revanche, si la baisse était constatée à la fin d’un mandat, la suppression serait automatique (art. 2.2.4).
  2. Déjà sur ce premier point, des questions essentielles apparaissent. En l’absence de section syndicale dans une entreprise qui vient d’atteindre le seuil de onze salariés ou qui n’était pas encore doté de représentation du personnel, y aurait-il une campagne, qui l’organiserait, qui pourrait s’y exprimer ? Là où il existe déjà une section syndicale, ou, au moins, des institutions représentatives, un référendum devrait-il néanmoins être organisé ? En cas de résultat négatif, que deviendraient les biens du C.E. dissous ? Un référendum devrait-il être organisé systématiquement tous les quatre ans ou seulement en cas de résultat négatif du précédent référendum ?
  1. 2/-Un « Conseil d’Entreprise » constituerait, non seulement, « l’instance unique de représentation du personnel dans l’entreprise », mais « l’interlocuteur de l’employeur pour l’exercice du dialogue social dans l’entreprise » (art. 2). Interlocuteur unique, dès lors que ce n’est plus le syndicat, mais le C.E., qui aurait une compétence générale pour négocier et conclure des accords collectifs (art. 2.2).
  2. Pour autant, contrairement à ce que prévoient certaines autres législations européennes (Allemagne, notamment), le chef d’entreprise resterait membre du C.E. (art. 2). Les membres élus pourraient-il donc délibérer valablement, statuer sur la conclusion d’un accord hors la présence du chef d’entreprise comme le ferait un syndicat ?
  3. La conclusion de ces accords ne supposerait plus leur signature par des élus qui ont recueilli la majorité des suffrages des salariés (actuel art. L.2232-22 du code du travail), mais celle « de la majorité des membres titulaires » (art. 5.3). Comme si chaque membre avait recueilli un nombre équivalent de suffrages ! Ces accords ne seraient plus, non plus, soumis à l’approbation d’une commission paritaire de branche (comp. art. 5.3 et art. L.2232-22 C. Trav.).
  4. Certes, le syndicat remplacerait le Conseil d’Entreprise comme agent de négociation collective représentant les salariés lorsque « des membres élus du C.E. auraient été désignés comme délégués syndicaux » (art. 5.3). Cependant, fidèle à l’objectif qui était déjà le sien en 2008, mais qui avait été écarté de la Position Commune, le MEDEF entend subordonner la désignation d’un D.S. à l’élection d’au moins un des candidats de l’organisation syndicale, et imposer à celle-ci de le choisir parmi ses candidats qui, non seulement, auront obtenu 10% des suffrages, mais qui, de surcroît, auront été élus (art. 2.2.1). Ainsi, une organisation syndicale pourrait donc être privée du droit de désigner un délégué syndical, donc, de participer aux négociations collectives, bien que sa représentativité ait été reconnue du fait, notamment, de son audience. En définitive, des accords d’entreprise pourraient être négociés par le C.E., même en présence d’une organisation syndicale représentative. Un comble !
  5. De plus, ce ne serait plus la loi qui fixerait les thèmes et la périodicité des négociations, mais « un accord d’entreprise ou, à défaut, un accord de branche » (art. 5.1). En l’absence d’accord, sur les principales matières (salaires, épargne salariale, protection sociale complémentaire, durée du travail, GPEC, égalité professionnelle entre femmes et hommes, salariés handicapés), l’employeur ne serait tenu de négocier que si, d’une part, la même matière n’est pas déjà l’objet d’un accord de branche, si, d’autre part, cette matière « présente un rapport avec les thèmes de la consultation » et si, enfin, le C.E. le demande (art. 5.2).
  6. Est-ce bien cohérent avec l’objectif de faire de l’entreprise le lieu prioritaire du dialogue, en général, et de la négociation en particulier ? Cette disposition signifie-t-elle que la fixation de salaires minima dans la branche dispense l’employeur de négocier les salaires réels ? Un employeur pourrait-il refuser à un syndicat l’ouverture d’une négociation que le C.E. ne lui aurait pas demandé ou le syndicat ne pourrait-il plus s’exprimer qu’au travers du C.E. ? Subordonner la négociation collective à de telles conditions c’est s’en remettre au seul rapport de force ; est-ce vraiment la meilleure manière de pacifier les relations du travail ?
  1. 3/-Le C.E. exercerait les fonctions des actuels D.P., auxquelles s’ajouteraient, à partir de 50 salariés, des attributions inspirées de celles des actuels C.E. et C.H.S.C.T. (art. 2.2 et 4.2.1).
  2. Des consultations périodiques actuelles ne serait conservée que celle qui porte sur les orientations stratégiques (4.2.1). Par ailleurs, le C.E. ne serait consulté que sur les projets importants affectant la marche générale de l’entreprise, s’ils n’ont pas été traités avec les orientations stratégiques (art. 2.2). La consultation du C.E. sur d’autres objets dépendrait-elle d’un accord d’entreprise ? D’après le projet, seules les « modalités » de consultation feraient l’objet d’un accord d’entreprise « majoritaire » ou, éventuellement, d’un accord de branche (art. 4.1).
  3. L’hygiène, la sécurité et les conditions de travail relèveraient de la compétence d’une commission du C.E. dont la constitution devrait être décidée, dans les entreprises de 500 salariés au moins, à la demande de la moitié des membres du C.E., mais, dans celles de moins de 500 salariés (tiens, un nouveau seuil ; on en manquait !), par un accord collectif, donc, notamment, par l’employeur lui-même (art. 2.2.5). A défaut de conclusion d’un tel accord, le C.E. serait-il néanmoins compétent sur ces thèmes ? Le MEDEF n’en dit mot.
  1. 4/-Dans les entreprises comptant plusieurs établissements, lorsque le C.C.E. serait consulté sur un projet « dont une partie de la mise en œuvre relève des pouvoirs des chefs d’établissement », les C.E. seraient « réputés consultés » (art. 4.3.1). Lorsque l’entreprise fait partie d’un groupe, « l’employeur (pourrait) décider de conduire certaines consultations au niveau du groupe » (art. 4.3.2). L’« employeur », dans ce cas, ne peut être que la société mère. Le MEDEF ferait-il sienne l’attribution de la qualité de co-employeur à la société mère lorsqu’il le juge opportun ? Dans ce cas le « conseil de groupe » serait consulté et, si la mise en œuvre du projet relève partiellement des pouvoirs des chefs d’entreprise, les C.E. seraient, de même, « réputés consultés » (art. 4.3.2). De manière plus générale, comment prétendre recentrer le dialogue social sur l’entreprise sans définir celle-ci si ce n’est en perpétuant l’assimilation, de plus en plus irréaliste, de l’entreprise à l’entité juridique directement employeur ?
  1. 5/-Le Conseil d’Entreprise aurait droit à l’assistance d’un expert-comptable en vue de l’ « examen » des orientations stratégiques de l’entreprise, en vue des consultations sur « les grandes opérations de concentration », « dans le cadre de la procédure de licenciement économique », ainsi qu’afin de préparer les négociations relatives à un accord de maintien de l’emploi ou de P.S.E. (art. 4.2.6). Cependant, les « conditions de recours à l’expertise » seraient « fixées par un accord d’entreprise ou, à défaut, par un accord de branche » (art. 4.1). De plus, l’employeur ne supporterait les frais d’expertise que « dans la limite de 80% » (art. 4.2.6).
  2. Fixé par l’A.N.I. de janvier 2013 et la loi du 14/6/2013 comme maximum d’une contribution du C.E. à ces frais limitée à la seule mission d’expertise relative aux orientations stratégiques, le taux de 20% deviendrait ainsi un minimum, qui pourrait donc être dépassé, et ce, pour toutes les missions légales. La loi imposerait-elle ce taux en l’absence d’accord d’entreprise ou de branche, son extension à toutes les missions risquerait fort, dans de nombreux cas, d’interdire au C.E. de recourir à une expertise.
  1. 6/-Le projet se termine tout de même par une proposition qui ne devrait pas faire débat. Les compétences susceptibles d’être acquises dans l’exercice d’un mandat représentatif seraient l’objet d’une certification qui serait éligible au compte personnel de formation. Les modalités de reconnaissance de l’acquisition de cette certification par un salarié seraient l’objet d’un accord de branche ou, ce qui paraît plus discutable, d’un accord d’entreprise.

Au terme de l’examen de ce projet, il est utile d’en relire l’exposé des motifs.

  1. En substance, le diagnostic du MEDEF consiste à imputer le caractère trop souvent formel du dialogue social à un dispositif légal excessivement complexe et intrusif. L’organisation patronale appelle à ramener le rôle de la loi à la fixation d’un cadre général et à reconnaître aux parties prenantes la liberté d’adopter les règles les plus adaptées à leur situation afin, notamment, d’« accroître la capacité des salariés, notamment via les IRP, à s’approprier les problématiques économiques et sociales ».
  2. Il est probable que ce diagnostic et cet objectif soient assez largement partagés. Cependant, la teneur des propositions fait davantage pronostiquer, en cas de transformation en règles de droit, une mise sous tutelle des institutions représentatives et une marginalisation des organisations syndicales. Est-ce vraiment de cette manière que le MEDEF espère rendre plus confiants les rapports entre employeurs et salariés ?

Le texte du Medef :
http://www.lesechos.fr/


 

 

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