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Les migrations européennes aux XIXème et XXème siècles : un éclairage historique

samedi 26 septembre 2015

Depuis plusieurs semaines, l’actualité internationale est dominée par la question des migrants en particulier issus de Syrie, d’Erythrée ou d’Afrique subsaharienne. On assiste en direct à la difficile gestation d’une politique commune européenne d’accueil des migrants et à des débats nationaux extrêmement différents suivant les pays concernés. Les questions abordées sont certes humanitaires mais aussi et surtout politiques et économiques.
Ne souhaitant pas que les Européens oublient leur histoire marquée fortement par l’émigration, à des niveaux extrêmement élevés, nous vous proposons cet éclairage historique sur les migrations européennes aux XIXème et XXème siècles.

Le XIXème siècle est le siècle des migrations par excellence. Près de 60 millions d’Européens ont participé aux migrations de masse transatlantiques.

Ces mouvements de population dureront longtemps, jusqu’à la première moitié du XXème siècle. Les Européens fuient la misère et les persécutions mais rêvent aussi d’une vie meilleure. Ils partent s’installer sur tous les continents en provenance de tous les pays d’Europe à des degrés variables.
Les raisons sont à chercher dans l’accélération de la croissance démographique de l’Europe. On passe de 187 millions en 1800 à 401 millions en 1914. Les motivations du départ sont avant tout économiques. Nombreux sont ceux qui fuient la misère, la grande famine en Irlande, les salaires trop bas des régions industrielles ou le chômage lors de la Grande Dépression des années 1880. Nombreux sont également les paysans du sud et de l’est de l’Europe qui sont poussés au départ par le manque de terres à cultiver. Tous espèrent améliorer leur sort.
Les raisons sont aussi politiques ou liées à la répression. Après l’échec de la révolution de 1848 en France, d’anciens insurgés partent pour la Californie. En Russie, beaucoup de Juifs fuyant les persécutions et les pogromes sanglants de la fin du XIXe émigrent, notamment vers les États-Unis, le Canada et l’Argentine.
Ce mouvement est accentué par le développement de l’industrialisation et l’amélioration des moyens de transport. Les échanges internationaux se développent.

Ceux qui partent, l’exemple des Britanniques, des Irlandais et des Italiens

Dans la première moitié du siècle, les îles Britanniques fournissent les plus gros contingents d’émigrants (11,4 millions d’émigrés). À partir des années 1840, les Irlandais fuient massivement leur île (7,3 millions d’émigrés). Environ 5 millions d’immigrants irlandais sont arrivés aux États–Unis entre 1820 et 1920. Ils représentaient la moitié des immigrés installés aux États–Unis dans les années 1840. Le chiffre est d’autant plus remarquable que la population de l’Irlande était inférieure à 8,5 millions d’habitants. L’émigration vers les États–Unis a continué jusqu’à l’entrée de l’Irlande dans la CEE en 1973.
Entre 1870 et 1910, plus de 11 millions d’Italiens quittent leur pays. L’émigration italienne, qui fut longtemps saisonnière et temporaire, devient, pour beaucoup, un choix définitif à la fin du XIXe siècle. Les Italiens s’embarquent, d’abord vers l’Argentine, l’Uruguay et le Brésil, puis à partir de 1895, vers les États-Unis.
Les États-Unis sont la première destination des Européens. Ce pays en accueille trente-quatre millions.

Au XXème siècle

Au-delà de l’émigration économique toujours présente, le XXème siècle se caractérise par des migrations forcées liées à des raisons politiques et de guerre.

Après la 1ère guerre mondiale, 2 millions de personnes sont obligés de migrer après le traité de Lausanne qui précise les frontières de la Turquie issue de l’empire ottoman et organise des déplacements de populations pour assurer l’homogénéité religieuse à l’intérieur de ces nouvelles frontières. Le génocide arménien entraîne le massacre et le déplacement d’environ 1,2 millions d’Arméniens ottomans.
Environ 58 000 réfugiés arméniens débarquent dans le port de Marseille entre 1923 et 1927.
Avec la création des États-nations, après 1918 et les différents traités, 6 millions de personnes considérées comme des minorités ethniques sont expulsés et obligés de migrer.

L’émigration des juifs vivant en Allemagne et dans les pays sous domination nazie marque une nouvelle étape. Après 1933, près d’un demi-million de personnes quittèrent cet ensemble en raison des mesures anti-juives et par opposition politique. L’émigration juive allemande de masse rassembla plus de 300 000 personnes, l’émigration politique, 30 000 personnes et l’exode des intellectuels, 5 500 universitaires.
50 000 d’entre eux émigrent en Palestine sous mandat britannique. Les autres en Europe occidentale et aux Etats unis qui représentèrent 48 % de la destination finale des Juifs de langue allemande.
Ceux qui restent en Allemagne sont souvent assez âgés. Il reste plus de 200 000 Juifs en Allemagne au début de la Seconde Guerre mondiale. Mais, au début de l’année 1943, il ne reste officiellement que 15 000 Juifs en Allemagne. Presque tous les Juifs déportés d’Allemagne ont été assassinés. En tout, environ 170 000 Juifs allemands ont péri pendant la Shoah qui de 1941 à 1945 fit 6 millions de morts.

L’émigration des républicains espagnols après la victoire du général Franco et la chute de la République frappe par sa rapidité. En effet, en près de 3 semaines, du 28 janvier au 13 février 1939, ce sont 475 000 personnes qui passent la frontière française, en différents points du territoire : Cerbère, Le Perthus, Prats de Mollo, Bourg-Madame, etc.

Enfin, la seconde guerre mondiale n’a pas seulement causé la mort de millions de personnes et provoqué un mouvement migratoire issu de la répression raciale et politique des régimes fascistes et autoritaires ; elle a aussi fortement modifié le paysage économique et politique de l’Europe d’après-guerre. En premier lieu, il s’est produit, à la fin de la seconde guerre mondiale, un très grand mouvement migratoire de retour. Plus particulièrement, 10 millions d’Allemands sont expulsés vers leur pays et 2 millions de Polonais ont dû quitter les parties de la Pologne annexées par l’URSS.

En second lieu, les pays de l’Europe de l’Est ont vu s’installer des régimes autoritaires et fermés sous la tutelle du régime communiste soviétique. Cela a entraîné des mouvements migratoires, d’abord un flux de réfugiés venant d’Europe de l’Est vers l’Ouest jusqu’à la chute du mur de Berlin, mais aussi après la chute du mur. Ainsi 2 millions de personnes ont fui la RDA avant la construction du Mur de Berlin. Les révoltes politiques dans de nombreux pays de l’est entrainèrent aussi de migrations de réfugiés. À titre d’exemple, citons L’invasion des troupes russes en Tchécoslovaquie qui provoqua une importante vague d’émigration. On estime le nombre des départs à 70 000 immédiatement après l’intervention. Sur toute la période soviétique, 400 000 Tchécoslovaques quittent leur pays.
Il faut mentionner aussi des mouvements de déportation internes aux pays communistes. Ainsi, en Union soviétique, 3,1 millions de personnes ont été déportées entre 1941 et 1952.

L’après deuxième guerre mondiale se caractérise aussi par une décolonisation forte. Elle a donné lieu à des rapatriements quelle que soit la puissance tutélaire ou le pays colonisé. Grande-Bretagne, Pays-Bas, Belgique, France et Portugal pour ne citer que les pays les plus "colonisateurs" s’y sont pliés, non sans heurts. La France par exemple, accueille en 1962, 700.000 Français d’Algérie.

Le 30 avril 1975, c’est la fin de la guerre au Vietnam. À la veille et au lendemain de la chute de Saigon, plus de deux millions de Vietnamiens ont pris la mer, pour fuir le régime communiste, victorieux. Cet évènement lointain a des conséquences sur l’Europe. Ainsi, La France enverra des bateaux, ouvrira ses frontières et accueillera 128 531 Vietnamiens, Cambodgiens et Laotiens dans des conditions d’une extrême générosité.

Enfin, dans les années 90, l’éclatement de l’ancienne Yougoslavie sur des bases ethnico-religieuses a entraîné le départ de 2 millions de personnes.


Sources