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Les indicateurs alternatifs au PIB sont de retour

mercredi 21 octobre 2015

Crise oblige, notre PIB (Produit intérieur brut, mesure de la richesse produite par un pays sur une année) est en berne depuis plusieurs années. Comme c’était le cas en 2008, des experts se sont à nouveau penchés sur l’existence d’indicateurs alternatifs au PIB. Clés du Social passe en revue quelques possibilités.

Pourquoi critiquer le PIB ?

C’est au cours des années 60 que la critique du PIB a commencé à émerger. Des économistes se sont notamment inquiétés du fait que le PIB mesurait mal certaines productions comme les services non marchands produits par des administrations publiques (comment comptabiliser les services de police, de l’éducation nationale ou de la justice puisqu’ils ne sont pas vendus sur un marché ?). De plus, les sociologues se sont aussi interrogés sur la relation entre la croissance de la production et celle du bien-être. À partir des années 60, on observe notamment aux États-Unis que la croissance du PIB (la production de richesses) ne s’accompagne plus nécessairement d’un accroissement du bien-être de la population (de son bonheur). En cause notamment, la hausse de la pollution, la montée des inégalités sociales et l’inquiétude sur l’emploi. Il ressort de ces interrogations que le PIB ne mesure bien évidemment pas le bien-être mais qu’il est pourtant resté considéré comme un indicateur de niveau de vie.

Les critiques du PIB

Elles sont régulières. On peut bien évidemment citer les travaux de plusieurs institutions :

  • Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) a construit dans les années 90 un Indicateur de développement humain (IDH) : il cumule le revenu national avec une dimension santé (espérance de vie à la naissance) et une dimension éducation (durée moyenne et attendue de scolarisation). Celui-ci permet alors de relativiser le classement des pays par le PIB en instaurant des dimensions sociales (éducation et santé).
  • L’Université de Lille a également beaucoup cherché des indicateurs alternatifs au PIB en centrant ses recherches sur le concept de développement. Il montre notamment un certain nombre d’initiatives internationales comme l’Indice de santé sociale de la population (USA) ou l’Indicateur de bien-être économique (Canada) ainsi que les PIB verts (ajoutant des dimensions environnementales aux dimensions économiques).
  • La Commission Stiglitz (du nom de l’économiste américain Joseph Stglitz) a mené ses travaux en 2008 à la demande de Nicolas Sarkozy. La commission a notamment proposé de partir davantage de l’optique des ménages que de celle de la production dans les statistiques afin de mesurer leur revenu, leurs inégalités, leur bien-être. Elle a aussi proposé des indicateurs mesurant le capital économique, social (capital humain) et environnemental (stock de nature).
  • On peut noter aussi le travail d’Eurostat (au-delà du PIB) et de l’OCDE ayant conduit à la création d’un indicateur Better Life Index (indice du mieux vivre) qu’il est possible de créer selon ses propres préférences.

Il est en effet difficile encore de nos jours de s’affranchir du PIB. Les tentatives de le remplacer par un autre indicateur ont le plus souvent conduit à quelques expérimentations qui sont restées dans les cercles universitaires ou des comptables nationaux et instituts statistiques. C’est pourquoi, dans la droite ligne du Grenelle de l’Environnement, les ONG françaises et les partenaires sociaux avaient développé dans le cadre du Conseil économique, social et environnemental un tableau de bord de grands indicateurs. Il s’agit alors de remplacer un indicateur comme le PIB par une dizaine de statistiques mêlant des aspects économiques, sociaux et environnementaux retraçant les grands éléments du développement durable.

Un nouveau tableau de bord proposé par le CESE et France Stratégies

Le Conseil économique, social et environnemental s’est associé avec France Stratégie (ex-Commissariat au Plan) pour réaliser un tableau de bord du développement de notre pays. Dans une optique de développement durable, celui-ci cherche à cerner les trois domaines de l’économie, du social et de l’environnement. Il a aussi été réalisé dans le cadre d’une démarche originale permettant des rencontres avec des responsables de différentes organisations membres du CESE, avec les organismes statistiques ainsi que la consultation des internautes intéressés par le sujet.

Il en ressort un tableau de bord de 10 indicateurs phares. Ceux-ci comprennent trois dimensions :

  • L’économie
    • 1. Le taux d’emploi mesure la participation de la population active à l’emploi ;
    • 2. Le patrimoine productif mesure le stock de capital à disposition de notre économie (usines, bureaux, brevets…) ;
    • 3. La stabilité mesure le stock de dette de tous les agents économiques (ménages, entreprises et pas seulement l’État comme on a trop l’habitude de le faire).
  • Le social
    • 4. L’espérance de vie en bonne santé ;
    • 5. La satisfaction à l’égard de la vie mesure le bien-être de la population (élément subjectif) ;
    • 6. Les inégalités, mesurées par le rapport entre les revenus des 10% les plus riches et les 10% les plus pauvres ;
    • 7. Le niveau d’éducation mesuré par la proportion de diplômés du supérieur chez les jeunes (25-34 ans).
  • L’environnement
    • 8. La consommation de carbone (empreinte carbone) ;
    • 9. La biodiversité mesurée par l’abondance d’oiseaux communs ;
    • 10. Les ressources naturelles mesurées par le taux de recyclage des ordures.

Parmi les indicateurs, on remarque que l’indicateur social d’inégalités est meilleur en France qu’en moyenne européenne. La France se situe dans les pays plus égalitaires de l’Europe où les 10% les plus riches gagnent 7 fois plus que les moins riches contre un rapport de 8 en moyenne en Europe. De même les jeunes sont plutôt davantage formés qu’en Europe, la France étant au 7e rang alors que la moyenne européenne est au 18e. De même l’espérance de vie en bonne santé place la France dans le peloton de tête.

Du côté des émissions de carbone, c’est l’indicateur empreinte carbone qui est utilisé. L’empreinte carbone de la production intérieure a diminué, s’établissant à 231 tonnes en 2010 contre 280 tonnes 10 ans plus tôt, mais le carbone importé a largement augmenté, passant de 274 à 360 tonnes… conséquence du recours à des productions importées à la place des productions nationales.

Enfin, dans le domaine économique, on constate que la France voit son stock de capital augmenter mais à un rythme beaucoup moins soutenu depuis la crise de 2008. Mais la dette totale des ménages, entreprises et des administrations publiques n’a cessé de monter, sous l’impulsion surtout de la dette publique. Elle atteint ainsi plus de 200% du PIB, un niveau qui la place au 10e rang européen.

Au total, ces indicateurs sont donc moins anxiogènes que le seul PIB dont on voit une hausse trop faible. Ils montrent notamment un pays dont les garanties sociales restent fortes et ont limité la précarité, mais qui souffre d’une économie qui ne croît pas assez, n’offre pas assez d’emplois et qui devrait faire des efforts pour l’environnement. Or c’est justement dans ce secteur que se trouvent certainement des gisements d’activité et d’emploi dont notre pays pourrait se saisir.