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Légiférer par ordonnance : mode d’emploi

mercredi 5 juillet 2017

Le 28 juin le conseil des ministres a adopté le projet de loi d’habilitation de recours aux ordonnances pour procéder à la réforme du droit du travail comme s’y était engagé le Président de la République. Avant même son adoption certaines critiques se sont élevées contre cette mesure. Elle revêt bien sûr un caractère politique mais elle est prévue par notre constitution et a été bien des fois utilisée sous la V° République quelle que soit la couleur des gouvernements.

L’ordonnance est définie par la Constitution

Il s’agit de l’article 38 de la Constitution française, « le Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi », explique le texte constitutionnel. Le champ de compétences de la loi est listé dans l’article 34 de la Constitution.
Dans notre démocratie française, le Parlement (Assemblée nationale et Sénat) exerce le pouvoir législatif, à savoir faire la loi. Avec l’ordonnance, le Parlement concède en partie à l’exécutif son pouvoir législatif et, ce, pour une durée limitée.

Des règles très strictes à respecter

Pour légiférer par ordonnances, le gouvernement doit d’abord obtenir du Parlement une loi d’habilitation qui l’autorise à utiliser cette procédure sur un sujet défini et dans un délai limité.

Une fois la loi d’habilitation votée, le Gouvernement peut entamer le processus d’adoption de l’ordonnance. Elle est présentée pour avis au Conseil d’État puis l’ordonnance est prise en Conseil des ministres. Elle entre en vigueur une fois publiée au Journal officiel.

Mais à ce stade, le texte n’a pas valeur de loi, il doit encore être ratifié par le Parlement. Il faut, à cette fin, que le Gouvernement dépose un projet de loi de ratification. Si l’ordonnance n’est pas ratifiée, elle conserve alors une valeur réglementaire et reste inférieure à la loi. Le dernier mot reste donc aux parlementaires. Bien sûr la question de la majorité impérative est cruciale.

Il s’agit d’une procédure courante

En réalité, les ordonnances ont été régulièrement utilisées par les différents gouvernements. Dans le cadre de la Constitution de 1958, les ordonnances ont été utilisées plus de 405 fois entre 1984 et 2013, et 307 fois rien qu’entre 2003 et 2013. Leur forte augmentation depuis le début des années 2000 s’explique notamment par la nécessité de transposer en droit français de nombreuses directives prises par l’Union européenne. De même l’article 74-1 de la Constitution permet d’y recourir pour adapter les lois en vigueur en métropole aux particularités des collectivités d’outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie.

Mais les ordonnances ont aussi été utilisées pour accélérer certaines réformes considérées comme cruciales par les Présidents et les gouvernements. En 1982, le Premier ministre Pierre Mauroy (PS) avait fait ratifier par ordonnances la semaine des 39h, la cinquième semaine de congés payés et la retraite à 60 ans. Et on se souvient que le 30 décembre 1995, le Premier ministre Alain Juppé (RPR) fait adopter la réforme de la Sécurité sociale grâce aux ordonnances. Plus près de nous, pendant la présidence de Nicolas Sarkozy, 136 ordonnances ont été publiées et François Hollande a aussi légiféré par ordonnances pour simplifier les procédures judiciaires.

L’obligation de concertation avec les partenaires sociaux est toujours de mise

Depuis la loi « Larcher » du 31 janvier 2007 sur la « modernisation du dialogue social », tout projet gouvernemental impliquant des modifications dans les domaines des relations du travail doit d’abord comporter une phase de concertation avec les organisations syndicales et patronales et si elles le souhaitent leur laisser le temps de la négociation.

Il n’est pas certain qu’elles souhaitent utiliser cette possibilité pour ce dossier…