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Demain le travail sera-t-il différent, qu’en est-il aujourd’hui ?

mercredi 1er juin 2016

Avec l’arrivée du numérique, les mutations du travail s’accélèrent (plateformes numériques, travail indépendant…), les parcours professionnels sont de plus en plus heurtés (chômage, pluriactivité, contrats courts…). Or, notre droit du travail s’est construit autour du CDI. Comment adapter notre protection sociale à la discontinuité des carrières ? Des évolutions ont déjà eu lieu : une protection sociale plus universelle, le rattachement au salariat de certaines professions à la limite du travail indépendant (pigistes, travailleurs à domicile, VRP…). Cela ne suffit pas. Trois options sont envisageables pour France-stratégie : adapter les statuts existants, créer un statut intermédiaire entre salariat et travail indépendant traditionnel, inventer un statut de l’actif.

Où en est-on aujourd’hui ?

On assiste au développement de nouvelles formes d’emploi : autoentrepreneurs, travailleurs sur plateformes comme les chauffeurs UBER, contrats courts en complémentaire ou en substitution de l’emploi salarié traditionnel. Les transitions par le chômage sont de plus en plus fréquentes. De plus en plus d’embauches se font en contrat à durée limitée et sur de périodes plus courtes. L’entrée dans la vie active est marquée par l’instabilité. Les moins de 30 ans en emploi ont deux fois et demi plus de risque d’être au chômage et les salariés en CDD ou intérim ont huit fois plus de risque d’être au chômage l’année suivante que les salariés en CDI. Le temps partiel s’accompagne souvent d’une insuffisance de revenu. Le travail indépendant progresse chaque année, mais moins vite qu’aux Pays Bas ou au Royaume-Uni (+ 6 % et + 4 %).

En 2014 en France, en %, la part des formes d’emploi à temps plein et à temps partiel dans l’emploi (hors secteur public) est de : 61 % CDI à temps plein, 13 % CDI à temps partiel, 14 % non-salariés, 3 % apprentis et contrats aidés, 6 % en CDD et intérim à temps plein, 3 % en CDD et intérim à temps partiel.

Le modèle social face aux transformations du travail : l’accès aux droits sociaux dépend du statut et du parcours professionnel. Ce sont les cotisations sociales sur les revenus du travail qui donnent droit à une assurance contre les risques. Les indépendants cotisent moins que les salariés et ils ont une protection sociale plus faible. Etre salarié c’est, en échange du lien de subordination, d’avoir accès à des protections : salaire minimum, formation, encadrement de la rupture du contrat, santé et sécurité au travail, contrôle de la durée du travail, congés, indemnités de licenciement, chômage, retraites…La protection sociale est devenu plus universelle pour la branche famille et la couverture maladie de base. De plus des mécanismes d’assistance de base pour les plus démunis ont été créés.

Demain, quelles diversifications des formes d’emploi ?

C’est l’interaction entre les mutations technologiques et comportementales d’une part et les institutions du marché du travail et de la protection sociale d’autre part qui déterminera le développement relatif des différentes formes d’emploi. Les évolutions sont dominées par les grandes tendances économiques, démographiques, sociologiques : tertiarisation, essor des métiers de services et des métiers liés au vieillissement.

  • À cadre législatif constant, sans changement, ces formes d’emploi pourraient représenter, au minimum, un quart de l’emploi (22 % aujourd’hui). Mais l’accélération du changement technologique et de ses usages, va imposer des reconversions, une adaptation des compétences.
  • On ne peut exclure l’émergence de nouveaux modèles. Prenons les plateformes : Uber combine une organisation biface qui met en relation directe consommateurs et prestataires de services et une notation par les utilisateurs (garantie de qualité). Cette activité peut avoir des statuts différents et se conjuguer avec une activité complémentaire (polyvalence des lieux de travail et polyvalence statutaire). Difficile d’identifier la nature du travail, de l’activité professionnelle (valorisation du patrimoine, des données…), du temps de travail, du lieu de travail pour les télétravailleurs, les itinérants, les nomades.

Trois pistes peuvent être envisagées pour France-stratégie pour faire évoluer la protection des actifs :

  • 1ère piste : Au fil de l’eau, adapter les statuts existants
    Conserver la distinction entre salariat et travail indépendant en adaptant certaines situations pour les activités situées à la lisière de ces deux statuts afin de pouvoir leur appliquer tout ou partie des droits du travail. Ouvrir la protection sociale aux précaires et aux indépendants à faible revenu (revoir les conditions de l’assurance chômage). Organiser une meilleure portabilité des droits acquis (compte personnel d’activité, meilleure retraite pour la pluriactivité…).

Cette option soulève plusieurs questions. Jusqu’où peut-on assimiler au salariat des formes d’activité ? Quels travailleurs seraient concernés ? Dans les plateformes, comment distinguer les professionnels, des amateurs ? Quels financements ?

  • 2ème piste : Créer pour les nouvelles formes de travail, un statut intermédiaire entre salariat et travailleur indépendant

Certains pays ont fait ce choix. L’Espagne, l’Italie ont défini, une catégorie de « travailleurs indépendants économiquement dépendants ». pour ceux qui réalisent la majorité de leurs chiffres d’affaire avec un seul donneur d’ordre. Les travailleurs financent une assurance obligatoire pour incapacité temporaire ou définitive, des droits à congés…Le donneur d’ordre doit justifier de la rupture du contrat…

Cette option soulève plusieurs questions : Cette notion de statut peut-elle couvrir toutes les situations ? Quelles contributions financières du donneur d’ordre ou des plateformes aux garanties de ces travailleurs « intermédiaires » ? Quels risques de déstabilisation, un tel statut est-il susceptible d’emporter pour les catégories préexistantes ?

  • 3ème piste : Mettre en place un statut de l’actif
    Le principe serait de dépasser la distinction entre salariat et travail indépendant, en créant un statut global pour tous les actifs, attribuant des protections croissantes selon le degré de dépendance tant en termes de droit du travail que de protection sociale, à partir d’un socle minimum commun. Ce droit de l’activité professionnelle serait à articuler avec le scénario d’un compte personnel d’activité a maxima, qui déconnecterait l’ensemble des droits sociaux du statut d’emploi, les attachant uniquement à la personne et à son activité professionnelle.

Cette option impliquerait la création d’un régime unifié de retraite, au moins pour le secteur marchand, si ce n’est pour l’ensemble des actifs y compris les agents publics. Cette conception d’une protection unique et commune de tous les actifs conduirait à de profondes transformations dans l’architecture de la protection sociale, de son organisation (dans le sens d’une simplification) et de son financement. Comment déterminer les différents paliers de cette protection et les droits applicables à chaque niveau ? Quels seraient le périmètre de l’activité professionnelle ainsi définie et l’assiette de financement de cette protection unique ? Quel serait le niveau de protection universelle ? Cette option induirait-elle un partage différent entre assurance collective et assurance individuelle ? Pourrait-elle s’accompagner du même degré de distribution ?


Références :
France stratégie –mars 2016
Nouvelles formes de travail et de la protection des actifs- enjeux 2017-2027