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Le robot tue-t-il l’emploi ?

mercredi 27 juillet 2016

C’est en ces termes que s’interroge la Fabrique de l’industrie dans un rapport qui évoque l’automatisation, l’emploi et le travail. En effet, pour les auteurs, l’amélioration de l’efficacité productive est au cœur de l’industrie du futur. Elle s’appuie sur l’introduction de nouvelles technologies de production et la diffusion des technologies de l’information et de la communication (TIC) ainsi que sur une automatisation plus forte de la chaîne de production. Ces évolutions ouvrent à nouveau le débat sur l’impact de la robotisation, et plus généralement du progrès technique sur l’emploi et le travail.

L’impact de l’automatisation sur l’emploi est la résultante de 4 effets

  • moins d’emplois si la production reste à un niveau constant ;
  • une augmentation de la production et de l’emploi si l’entreprise est devenue plus compétitive et a gagné des parts du marché mondial ;
  • la création d’emplois qualifiés de conception et de fabrication des robots, logiciels et automates (qui peuvent être sur d’autres territoires) et d’emplois surtout locaux, liés à l’installation, la mise en œuvre et à la maintenance des robots ;
  • l’usage qui est fait du temps libéré et la répartition du supplément de richesse produite.

Les effets varient selon les secteurs et les contextes économiques

Ces effets varient beaucoup selon les secteurs et les contextes économiques, ce qui explique l’extrême dispersion des analyses prospectives, qui vont de la certitude que « le robot tue l’emploi » à l’annonce d’une nouvelle prospérité partagée.
Pour les auteurs, des observations empiriques robustes indiquent cependant une forte corrélation positive entre le taux de robotisation de l’industrie et la croissance de la valeur ajoutée industrielle. Même si cette croissance est un peu moins riche en emplois par unité de valeur ajoutée, les pays qui ont conservé une forte valeur ajoutée industrielle comme la Suède ou l’Allemagne sont aussi ceux où l’industrie crée ou maintient le plus d’emplois.

L’impact de la robotisation sur l’emploi est un débat ancien qui se renouvelle

Une nouvelle vague d’inquiétudes s’exprime aujourd’hui avec l’intégration croissante de robots mais surtout la diffusion du numérique. Comme l’électricité en son temps, les TIC produisent des effets structurants qui affectent les procédés de production, l’offre de produits et services et la productivité globale.

La fin du travail : une thèse en vogue

On retrouve dans ce débat la peur du remplacement total de l’homme par la machine. Pour certains chercheurs, la mécanisation de l’agriculture qui a conduit à un basculement massif de main d’œuvre vers le secteur secondaire, puis les gains de productivité dans l’industrie qui ont abouti à « tertiariser » les économies développées seraient désormais arrivées à leur terme et nous serions aujourd’hui entrés dans une période de croissance sans emplois.

Mais d’autres chercheurs ou enquêtes prennent ce raisonnement à contrepied et critiquent sévèrement ce qu’ils appellent le « sophisme de la masse de travail fixe », selon lequel la hausse de la productivité serait nécessairement source de chômage car la quantité de travail à réaliser serait limitée.

Un rappel historique utile

S’il est encore impossible de connaître les nouveaux secteurs et métiers qui vont émerger, il faut souligner que c’était aussi le cas pendant l’ère industrielle. Les historiens rappellent que les gains de productivité massifs enregistrés dans le secteur agricole suite à la mécanisation de la production ont engendré des bouleversements économiques et sociaux extrêmement importants qui n’ont pourtant pas empêché la France de connaitre une longue période de prospérité et de plein-emploi.

Les robots ne sont pas les fossoyeurs de l’emploi industriel

Comme l’indique Gabriel Colletis, professeur à l’université Toulouse 1, il ne faut pas s’arrêter au simple raisonnement où les robots se substituent inéluctablement au travail humain. D’abord, comme il a déjà été indiqué, il faut souligner que l’automatisation ne menace l’emploi que dans le cas où les gains de productivité qu’elle permet sont supérieurs à l’augmentation de la production. Ensuite, les gains de productivité réalisés par une entreprise sont forcément réinvestis dans le circuit économique sous une des formes suivantes : hausse des profits, baisse des prix ou hausse de salaire pour les employés de l’entreprise. Le premier permet de dégager des capacités d’investissement, qui concourent au développement de l’entreprise. Les deux derniers ont pour conséquence de stimuler l’activité économique en soutenant la demande.

Une opportunité pour enrichir le travail industriel

La robotisation a donc un impact sur la composition de l’emploi d’un pays. Mais, pour les auteurs, au-delà de ces effets de structure, elle entraîne également des changements dans le contenu et les modes de travail au cœur des usines. Les hommes ne disparaîtront pas des usines mais leur place sera très probablement amenée à évoluer pour au moins deux grandes raisons. La première est que, dans un système complexe, la capacité d’adaptation face aux incidents générés par cette complexité même, la prise en compte raisonnée de l’événement ainsi que la capacité à y répondre de la façon la plus appropriée resteront, longtemps encore, l’apanage de l’homme. La seconde raison est liée à la compréhension fine du produit lui-même, sur toutes les problématiques d’amélioration de la qualité et d’interaction des systèmes connectés, l’homme reste très largement supérieur à tous les systèmes automatisés que l’on peut, aujourd’hui, imaginer.

Une complémentarité à inventer

Dans ce contexte se dessine une nouvelle manière de considérer la relation entre le travail humain et celui des robots, dans un esprit de complémentarité plutôt que de substitution. Les robots semblent pleinement indiqués pour réaliser des tâches répétitives, dangereuses ou pénibles, nécessitant de la fiabilité et de la précision dans la répétition.
Cela signifie que les opérateurs ne seront plus assignés aux tâches d’exécution mais qu’ils interviendront en support sur des tâches de contrôle, de maintenance, etc.
Avec ces tendances, l’usine du futur porte l’espoir d’un enrichissement du travail industriel, facteur d’attractivité pour le secteur. La formation des salariés représente dès lors un enjeu majeur pour réussir cette transition.

Les entreprises doivent donc s’emparer de ce sujet et se préparer à accompagner leurs salariés, à les faire monter en compétences pour qu’ils puissent assurer ces nouvelles fonctions. Et ce d’autant plus, même si les auteurs du rapport ne l’indiquent pas, que tout changement doit être appréhendé dans sa temporalité et qu’il peut s’écouler beaucoup de temps entre une phase destructrice d’emplois et une phase créatrice d’emplois.


Sources