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Le modèle Uber défié aux Etats-Unis

samedi 5 septembre 2015

Alors que l’économie du partage touche de nombreux pans de notre vie quotidienne, transports, logement, prêt de matériel..., l’été social français a été en partie occupé par les protestations des taxis contre la société Uber. Il nous a paru utile de tourner notre regard vers les États-Unis et d’interroger le modèle Uber là où il est né, en Californie, à partir d’un jugement récent d’un juge saisi par une ancienne conductrice d’Uber.

À la conquête du marché des transports urbains

Aux États-Unis et au Canada, près d’un déplacement urbain professionnel sur deux se fait via Uber. En un an, depuis 2014, les taxis ont perdu près de la moitié de ce marché, selon une étude menée par le cabinet Certify. La montée en puissance des sociétés de VTC (véhicules de transport avec chauffeurs) comme Uber ou Lyft met clairement en danger les taxis traditionnels sur tout le continent nord-américain.

D’où vient Uber ?

Uber est une entreprise technologique qui développe et exploite des applications mobiles de mise en contact d’utilisateurs avec des conducteurs réalisant des services de transport. L’entreprise est basée à San Francisco, en Californie. En 2015, elle est valorisée à 50 milliards de dollars et ses applications sont commercialisées dans plus de 250 villes dans le monde. Elle est dirigée par un de ses fondateurs, Travis Kalanick.

Le concept Uber

Organisant une activité commerciale régulière de vente de service comme s’il s’agissait d’une activité occasionnelle, dispensée d’inscription et d’assurance professionnelle, la société fait l’objet de nombreuses polémiques, y compris aux États-Unis, en raison de ses pratiques. La libre concurrence qu’elle défend se heurte à des accusations de concurrence déloyale et de travail au noir de la part des pouvoirs publics et des professionnels qui respectent la réglementation sociale, fiscale et administrative en vigueur.

L’économie du partage… et le bien commun !

Uber participe avec d’autres à l’économie du partage (sharing economy en anglais). Les bonnes affaires, c’est le carburant essentiel de l’économie du partage qui consiste à utiliser un bien qui appartient à un autre. Le covoiturage est moins cher que le train, la voiture d’un individu moins chère qu’un taxi, la location d’appartement libre est plus abordable que la chambre d’hôtel, l’utilisation d’un robot ménager d’un voisin moins coûteux que l’achat d’un mixeur neuf...

Du côté de celui qui offre le service, la motivation est, elle aussi, pécuniaire. La consommation collaborative (autre nom de la sharing economy) permet de gagner un peu d’argent avec ce que l’on possède déjà.

Mais, ce modèle est aujourd’hui questionné partout dans le monde au regard des droits sociaux rattachés à un contrat de travail, de la fiscalité et des ressources des États et du code du travail.

Un modèle économique menacé par les juges californiens

Saisis par une ancienne conductrice, Barbara Ann Berwick, les juges ont en effet estimé que les chauffeurs du service doivent être considérés comme des salariés, et non comme des travailleurs indépendants. Mais si ses chauffeurs américains devaient être salariés, la société devrait leur garantir un salaire minimum, cotiser pour leur retraite et leur couverture santé, et les indemniser pour les frais d’essence, d’assurance et de maintenance de leur véhicule. Cela ferait s’envoler ses coûts. Le jugement a été prononcé par un tribunal de Californie en mars, mais n’a été rendu public que mi-juin.

  • UBER fait appel
    • Uber a décidé de faire appel, faisant valoir qu’il n’impose aucun horaire de travail à ses chauffeurs, ni même de nombre minimal de courses. Un point de vue que les juges contestent, puisque Uber désactive son application pour les chauffeurs n’ayant pas travaillé pendant 180 jours.
    • Ce jugement menace, de fait, le cœur même de son modèle économique. Dans l’état actuel des choses, Uber suit le modèle d’une société logistique, qui met en relation l’offre et la demande de chauffeurs. Il veut à tout prix éviter d’être assimilé à une société de transports, se définissant plutôt comme une plate-forme technologique. Il n’a que peu de frais, puisqu’il considère son million de chauffeurs comme des sous-traitants. Il n’affiche qu’un peu plus de 1 000 salariés, à savoir ceux travaillant à son siège social de San Francisco.
    • Uber prélève une commission auprès de ses chauffeurs, de l’ordre de 20 % à 30 %, sans leur accorder le moindre avantage social. Si le jugement est confirmé, Uber ne pourra plus traiter ses chauffeurs en simples sous-traitants, en tout cas en Californie. Il pourrait être contraint de leur accorder des droits sociaux, voire une couverture de leurs frais. Les coûts de l’entreprise pourraient donc monter en flèche, l’incitant certainement à réduire ses équipes de chauffeurs.
  • Le symbole californien
    • La Californie est le premier marché de cette société. Les recours en appel pourraient s’étendre sur plusieurs années. Il n’est donc pas certain que le sort d’Uber soit fixé de sitôt. Mais le jugement californien est d’autant plus crucial qu’il menace de nombreuses entreprises, ayant peu ou prou copié le modèle d’Uber comme Federal Express.

Aller plus loin !

Cette incertitude juridique pourrait bien pousser le groupe à démultiplier ses efforts pour concevoir une voiture sans conducteur. En février, il a ouvert un laboratoire de recherche à Pittsburgh, en partenariat avec la prestigieuse université de Carnegie Mellon.

Elle pourrait aussi la pousser à négocier avec les États comme elle commence à le faire au Québec.

Aller plus loin, c’est aussi pour tous ceux qui ont à charge l’encadrement du travail et la construction des droits individuels et collectifs des salariés de proposer des solutions de droits pour aujourd’hui et demain dans une économie dont les ressorts sont différents de ce que nous avons vécu aux XIXe et XXe siècles.