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La faiblesse des mobilités

vendredi 11 juin 2010

Des salariés français sont nombreux à changer de fonction, de poste, d’entreprise, mais c’est le plus souvent le résultat de la flexibilité croissante des emplois : le nombre des emplois temporaires et intérimaires a fortement crû ces dernières années alors que les mobilités positives, choisies restent en nombre limité.

La flexibilité sans la sécurité

En effet, les salariés en contrats temporaires sont passés de 6,6 % des emplois en 1982 à 9,6 % en 1990 et à 15,3 % en 2007. La part des CDD dans les entrées dans l’emploi atteint presque les trois quarts, 72,6 % exactement. Le nombre d’intérimaires a atteint un pic historique de 668 400 au premier trimestre 2008, avec 4,4 millions de contrats conclus. De plus, ces contrats sont de plus en plus courts, avec une rotation de plus en plus rapide de ces salariés.

Au contraire, les transitions entre emplois n’ont que peu évolué. Même s’il y a eu des créations dans ce sens à partir de l’accord sur la modernisation du marché du travail, avec la portabilité du DIF (et la création de la rupture conventionnelle). La rapide remontée du chômage depuis le début de la crise atteste de cet accroissement de la flexibilité.

Pourtant, le rapport du CAE insiste sur les conséquences négatives de la mobilité subie : « La dégradation de la qualité des emplois pèse sur la productivité ». « La flexibilité, sans « outillage des salariés » leur permettant d’être mobiles, peut conduire à une détérioration des conditions de travail et du capital humain et à une baisse de la productivité et annuler ainsi les effets positifs sur l’emploi de la flexibilité. ».

Peu de mobilité

Entre 2007 et 2008, seules 5 % des personnes en emploi auraient changé d’entreprise, dont la moitié avaient moins de deux ans d’ancienneté. Et 4 à 4,5 % des salariés changent de métier chaque année, essentiellement avant 40 ans. La mobilité est plus fréquente dans les PME que dans les grandes entreprises. La mobilité résidentielle (10 % par an), plus élevée que la moyenne européenne (7%), a augmenté chez les plus jeunes (moins de 30 ans) mais baissé chez les plus âgés (à partir de 40 ans).

Au contraire, 25 % des salariés n’ont jamais changé d’employeurs (moyenne européenne : 20 %). La France se situe par ce pourcentage entre les pays à fort changement d’emploi, où l’on retrouve tant les pays scandinaves de flexisécurité que le Royaume-Uni où la flexibilité est grande et les pays du Sud où la réglementation des marchés du travail est forte (Grèce, Portugal, Malte). Et si la durée moyenne française en emploi (+ de 7 ans) est proche de la moyenne européenne, c’est par le dualisme du marché de l’emploi et l’accroissement du nombre de salariés en contrats temporaires.

Pourquoi ? En dehors de l’appétence à la mobilité, les auteurs pointent surtout le déficit de formation, en raison d’un inégal accès, comme principal frein à la mobilité.

Les propositions pour une mobilité choisie

Pour le rapport, il faut donc aller au-delà du concept de flexisécurité et développer les incitations aux employeurs à l’amélioration qualitative des emplois.

Pour cela, il propose :

  1. de renforcer les compétences générales plutôt que spécifiques (au poste de travail) en augmentant le nombre de formations diplômantes, qui facilitent la mobilité, et de créer des incitations pour que les employeurs aient intérêt à les développer,
  2. de mettre en route un système de bonus-malus sur les cotisations chômage et les obligations de reclassement, selon leur action en matière de formation et de qualification des salariés,
  3. d’inciter et impliquer salariés et employeurs à un effort qualitatif de formation et à le faire en amont, notamment en rendant obligatoire le bilan d’étape professionnel et la création de chèques formation,
  4. de créer des aides à la mobilité comme des salaires d’appoint lors de changement géographique ou de métier et la capitalisation des droits à la formation selon l’ancienneté dans l’activité et non l’entreprise,
  5. d’intensifier les interventions publiques en faveur des publics en grande difficulté,
  6. d’ouvrir les CTP (contrats de transition professionnelle) aux salariés ayant des contrats temporaires, sur tout le territoire, pour garantir une garantie d’égalité d’accès et enfin de coordonner l’action des ministères.

Pour les auteurs, « les travailleurs temporaires n’ont que peu accès aux dispositifs d’amélioration de leur employabilité ».Et le dualisme du marché du travail induit des pertes d’efficacité économique en même temps qu’une détérioration du capital humain et de mauvaises conditions d’emploi et du stress pour les intéressés.

Le rapport met bien en relief que la sécurisation des parcours professionnels et l’essor de la mobilité choisie vont de pair. Les partenaires sociaux ont commencé à construire plusieurs dispositifs dans ce sens par leurs accords de ces deux dernières années. L’essor de leur application et l’adhésion des entreprises sont indispensables afin de réduire les mobilités forcées à base de contrats courts au profit de mobilités choisies, meilleures pour les personnes comme pour les entreprises.


PS :

Source : Conseil d’analyse économique. Les mobilités des salariés.