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La discrimination à l’embauche selon « l’origine » persiste

mercredi 1er février 2017

Les grandes entreprises viennent d’être l’objet d’un testing de la part du ministère du travail. Le résultat est sévère et triste. 36% des CV dont le nom du candidat est à consonance « maghrébine » ont reçu une réponse positive, contre 47% des CV à consonance « hexagonale ». L’écart est de 11 points indépendamment du sexe du candidat ou de la catégorie du poste visé - employés ou managers. Seule note optimiste, ces chiffres sont en baisse par rapport aux études précédentes.

Une étude auprès d’une quarantaine d’entreprises de plus de 1 000 salariés

La Dares et ISM CORUM, cabinet expert en testings, ont publié en décembre 2016 l’enquête « Discrimination à l’embauche selon « l’origine » : que nous apprend le testing auprès de grandes entreprises ? ». Elle a été menée d’avril à juillet 2016 par l’envoi de 3 000 candidatures fictives à quarante entreprises employant plus de 1 000 salariés chacune. « Les entreprises ont été choisies en fonction du nombre d’offres d’emploi qu’elles publiaient, car il fallait leur en envoyer plusieurs pour avoir un résultat significatif », explique-t-on au ministère du travail. Toutes ces entreprises ont été testées en répondant sur leurs sites « Carrière » à des offres d’emploi réparties dans la France entière. Aucune candidature spontanée n’a été envoyée dans le cadre de ce testing.

2 CV identiques sauf le nom et le prénom

À chacune des entreprises, et à différentes reprises, deux CV étaient envoyés à quelques heures de décalage. Quasi identiques (degré d’expérience, diplômes, lieux de résidence), ces deux candidatures différaient uniquement par le nom de la personne qui postulait, nom à consonance « maghrébine », nom à consonance « hexagonale ». Chaque entreprise a été testée entre 30 et 40 fois, de manière à disposer de résultats exploitables pour chacune d’elles. Au total, 1 500 tests ont ainsi été réalisés, soit l’envoi de 3 000 candidatures.

Une tendance de fond inégalitaire

Les recruteurs ont été plus souvent intéressés par les candidatures « hexagonales » que par les candidatures « maghrébines » : le taux de réponses positives est respectivement de 47% et 36% des candidatures envoyées, soit un écart moyen de 11 points. Cet écart se retrouve pour les hommes comme pour les femmes et pour les postes d’employés comme de managers. C’est une tendance de fond.

La moyenne cache des résultats encore plus discriminatoires

Les résultats varient d’une entreprise à l’autre, y compris au sein d’un même secteur. Si l’égalité de traitement a été le plus souvent appliquée par la majorité des 40 entreprises testées, les résultats de 12 d’entre elles, les moins vertueuses, présentent des écarts statistiquement significatifs en défaveur des candidatures « maghrébines ». Ces écarts vont de 15 points (43% des recruteurs intéressés par la candidature « hexagonale » contre 28% pour la candidature « maghrébine ») à 35 points (75% contre 40%).

L’intérêt d’une campagne de ce type

Les discriminations à l’embauche sont connues et dénoncées par les associations et les observateurs depuis fort longtemps mais il n’est jamais aisé de les observer scientifiquement et de les caractériser et les comptabiliser. Aussi, il faut relever l’intérêt de l’étude du ministère du travail.

Une absurdité sociale et économique pour la Ministre

« Les discriminations à l’embauche sont prohibées par la loi, a rappelé Myriam El Khomri, ministre du travail. Elles constituent une faute morale inacceptable et une absurdité économique. Elles mettent à mal les promesses républicaines d’égalité dont la société française a plus que jamais besoin. À l’égard de nos concitoyens qui en seraient les premières victimes, nous nous trouvons dans l’obligation d’agir et de réussir ».

Quelle suite pour les entreprises concernées ?

Chaque direction des 40 entreprises ayant fait l’objet du testing a été reçue au ministère du travail. À cette occasion, il leur a été demandé d’adresser au ministère les actions déjà en place pour garantir des procédures de recrutement non-discriminatoires et, pour celles où un risque significatif de discrimination a pu être décelé, à présenter un plan d’actions conséquent pour corriger leurs pratiques. Si à l’examen des plans d’actions ainsi recueillis par un organisme compétent, prévu début 2017, les propositions d’actions correctives d’une entreprise sont jugées insuffisantes au regard des enjeux, le ministère du travail n’hésitera pas à la désigner publiquement.

Une politique globale qu’il faut saluer

Cette opération de testing s’inscrit dans le cadre d’un plan plus vaste visant à lutter contre les discriminations à l’embauche, promu par Myriam El Khomri. On peut citer la campagne de sensibilisation aux stéréotypes « Les compétences d’abord », l’inscription dans la loi de l’action de groupe en matière de discrimination au travail, la formation des recruteurs à la non-discrimination rendue obligatoire dans les entreprises de plus de 300 salariés, les partenariats du service public de l’emploi avec les acteurs d’intermédiation spécialisés en faveur de l’inclusion économique, la promotion du label diversité auprès des PME ou encore la convention signée avec le Défenseur des Droits…


Sources :

  • Dares Analyses 2016-076 - Discrimination à l’embauche selon « l’origine » : que nous apprend le testing auprès de grandes entreprises ? Auteurs : Fabrice Foroni (ISM Corum), Marie Ruault et Emmanuel Valat (Dares)