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La convention d’assurance chômage annulée par le Conseil d’État : Quelles conséquences ?

samedi 7 novembre 2015

Le Conseil d’État a prononcé, le 5 octobre, l’annulation de l’arrêté du 25 juin 2014 agréant la convention d’assurance chômage du 14 mai 2014 car il conteste 3 mesures contenues dans cette dernière convention et en particulier le différé d’indemnisation. Cette annulation prendra effet le 1er mars 2016 et va obliger les partenaires sociaux à négocier un texte d’ici là.

Mais la décision du Conseil d’État ne remet pas en cause les règles actuellement en vigueur. Les demandeurs d’emploi continueront de percevoir leur indemnisation selon les modalités habituelles.

Les mesures concernées

  • Le « différé d’indemnisation » prévu par la convention d’assurance-chômage « porte atteinte au droit de réparation [de certains] salarié [s] », estime le Conseil d’État. Ce différé d’indemnisation est une mesure qui retarde le début du versement des indemnités pour certains salariés en fonction de leurs ressources. En le jugeant illégal, le Conseil d’État donne raison à des organisations et associations de salariés. Le Conseil d’État ne remet pas en question le principe du différé mais son mode de calcul : lorsqu’un chômeur touche des indemnités de fin de contrat supérieures à ce que prévoit la loi (indemnités prud’homales, prime de fin de CDD, etc.), il peut attendre jusqu’à cent quatre-vingts jours, soit six mois, avant de toucher son allocation chômage. Il est calculé en fonction du montant des indemnités supra légales touchées par le salarié, en divisant cette somme par 90, on obtient le nombre de jours de différé. Auparavant, ce délai ne pouvait dépasser soixante-quinze jours.
  • Le Conseil pointe aussi le cas des licenciés sans cause réelle et sérieuse. La loi ne prévoyant pas de réparation minimale aux prud’hommes pour les salariés ayant moins de deux ans d’ancienneté ou travaillant dans une entreprise de moins de onze salariés, la totalité des dommages et intérêts sont pris en compte pour calculer le différé d’indemnisation. C’est dans ce cas que le Conseil d’État reconnaît une atteinte au « droit de réparation de certains salariés ».
  • Par ailleurs, il a aussi jugé que les partenaires sociaux n’étaient pas compétents pour fixer les obligations déclaratives des demandeurs d’emploi et les modalités de récupération par Pôle emploi des trop perçus (les indus). La compétence relève de la loi pour le Conseil d’État. Cette décision ne remet pas en question le principe même du remboursement de ces sommes. Elle ne concerne que la modalité du remboursement, laquelle doit être acceptée par le débiteur. De même, cette décision ne remet pas en cause l’obligation, prévue par la loi, de déclaration de toutes les périodes d’emploi ; le cas échéant, des sanctions peuvent toujours être prononcées. Pôle emploi va prendre en compte les périodes non déclarées dans le calcul de l’indemnisation, et réviser, sur demande écrite, les dossiers pour lesquels une période d’activité non déclarée non prise en compte a eu une incidence sur l’indemnisation.

Les conséquences de la décision du Conseil d’État

La disposition du différé d’indemnisation ne pouvant être isolée de la convention, le Conseil d’État annule l’agrément de la convention mais uniquement à compter du 1er mars 2016. Pourquoi cette décision ?

Le Conseil d’état considère qu’une annulation immédiate de l’arrêté ministériel d’agrément de la convention relative à l’assurance chômage impliquerait une rupture de la continuité du régime d’assurance chômage, du fait de la disparition des règles régissant le recouvrement des cotisations et le versement des allocations. Il a donc décidé de différer son annulation au 1er mars 2016, sauf pour les dispositions de la convention concernant la récupération des prestations versées à tort (trop perçus) et les obligations déclaratives des assurés qui sont annulées immédiatement. Une nouvelle convention devra être signée et agréée pour fixer les règles applicables à partir du 1er mars 2016.

Les réactions de la Ministre du travail et des partenaires sociaux

Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, a tenu à souligner que la décision du Conseil d’État ne remettait pas en cause ni les fondements de l’assurance chômage, ni les équilibres de la convention 2014. Pour elle, seules certaines modalités techniques doivent être modifiées. Elle demande aux partenaires sociaux, gestionnaires de l’assurance chômage, de proposer les modifications techniques nécessaires à la convention de façon à ce qu’un nouvel arrêté d’agrément puisse être pris dans les meilleurs délais.

Les 3 syndicats signataires de la convention : CFDT, FO et CFTC ont indiqué dans un communiqué commun qu’ils « proposeront rapidement une solution technique » à la décision d’annulation du Conseil d’État. Le MEDEF est sur la même longueur d’onde. Les trois centrales considèrent que « les correctifs à apporter sont mineurs » et « ne remettent pas en cause l’équilibre général de l’accord, trouvé lors de la dernière négociation, ni le reste de la convention ». Par ailleurs, les trois syndicats signataires se réjouissent que « la décision du Conseil d’État valide les mesures de la convention d’assurance chômage : les droits rechargeables, les annexes 8 et 10 des intermittents du spectacle, le principe du différé spécifique d’indemnisation ».

De son côté, la CGT, qui a refusé de signer la convention, s’est dite « confortée par la décision du Conseil d’État » qui « confirme le besoin d’une autre négociation sur l’assurance chômage ».

Les questions qui se posent

Qui de la loi ou des partenaires sociaux doit décider des modalités contenues dans la convention d’assurance-chômage ? Cette question n’est pas nouvelle. Rappelons-nous les péripéties qui ont entouré l’agrément de la convention d’assurance-chômage instituant le PARE (plan d’aide de retour à l’emploi) alors que Martine Aubry était ministre du travail du gouvernement Jospin. Il fallut attendre près d’un an pour que la convention soit agréée après un changement de vocabulaire. Aujourd’hui, bien de l’eau a coulé sous les ponts. La Ministre du travail demande aux signataires des modifications techniques sans saisir au bond les injonctions du Conseil d’État concernant la place de la loi. Le gouvernement se place délibérément dans la suite du rapport Combrexelle (voir Clés du social [1]) et qui préconise un meilleur équilibre entre la loi et le contrat et renforce le rôle de la négociation entre les partenaires sociaux.


Sources

Rappel - le dernier accord sur l’assurance chômage :