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L’impact du numérique sur le travail

samedi 14 novembre 2015

Remis mi-septembre à la ministre du Travail, le rapport Mettling analyse la transformation numérique de l’économie et du travail. Il insiste sur six impacts de la révolution numérique, tant dans la sphère privée que dans la sphère professionnelle, avant de formuler des propositions pour maîtriser et agir afin d’éviter la fracture numérique et pour que la transition numérique soit améliorée pour redonner sens et qualité de vie au travail.

Les entreprises et la transformation numérique

La transformation numérique touche aujourd’hui de façon plus ou moins forte les entreprises, dans les méthodes de conception, de production, de collaboration, d’organisation, de travail. On peut distinguer :

  • Celles qui sont au cœur de l ‘économie numérique : 5,5 % du PIB et 3,3 % des emplois,
  • Les secteurs fortement impactés (édition, musique, A-V, finance et assurance, R&D : 12 % du PIB,
  • Les secteurs qui sont aujourd’hui en cours de transformation (commerce, industrie, administration, enseignement…) : 60 % du PIB,
  • Ceux dont l’impact du numérique sur l’emploi est plus lointain (agriculture, bois, service à la personne, restauration) : 22 % du PIB.

Six impacts majeurs

Il s’agit :

  • de la diffusion massive de nouveaux outils de travail, tels les smartphones, les tablettes et les applicatifs professionnels, mais aussi les réseaux sociaux,
  • des modifications des conditions d’exercice de tous les métiers, donc des compétences nécessaires et de leur apprentissage,
  • des modifications de l’environnement du travail des cadres, de sa porosité avec la vie privée,
  • du bouleversement de l’organisation traditionnelle du travail : explosion du travail à distance mais aussi méthodes de travail plus collaboratives et espaces de travail plus ouverts,
  • de la transformation du mode managérial, avec le management de projet ou à distance et de l’animation de communautés,
  • de nouvelles formes de travail hors salariat, qui supposent de ne pas laisser se développer des zones de non-droit et de poser clairement les principes essentiels à la préservation de notre modèle social.

Trois enjeux principaux

  • Sur le cadre de travail
    La révolution numérique induit une hétérogénéité croissante des lieux de travail avec l’essor du télétravail et du travail à distance, ou nomade. D’autre part, les conséquences en matière de temps de travail doivent être traitées, tant le forfait des salariés autonomes que l’articulation vie privée / vie professionnelle.

    Également ces transformations demandent de revoir la gestion du lien de subordination par le management, surtout pour le travail à distance, qui tend à faire passer ce lien de l’obligation de moyens à une obligation de résultat.

    Enfin, la transformation numérique facilite l’apparition de nouvelles formes d’emploi : salariat multi-employeur, prêt temporaire de main-d’œuvre, portage salarial, coopératives d’activité et d’emploi (CAE, entreprenariat collectif où le créateur est entrepreneur salarié de la coopérative, avec un salaire proportionnel au chiffres d’affaires réalisé), et surtout auto-entreprenariat.

  • Sur la qualité de vie au travail
    La transformation numérique comporte souvent une intensification du travail qui impacte tant la qualité du travail que celle de la vie au travail.
  • Sur la fonction managériale
    Le management de proximité est capital pour que la transformation numérique se passe bien. Or, les conditions d’exercice de ce management sont d’ores et déjà bouleversées, avec une injonction contradictoire entre autonomie et contrôle, une hybridation des formes de coordination (hiérarchique, de projet, ou en réseau), dans un univers de diversité croissante tant des « ressources » internes qu’externes.

Réussir la transformation numérique en entreprise : principales propositions concernant le travail

  1. Des propositions relatives à l’éducation au numérique
    1. Développer l’éducation numérique par la formation initiale et continue, une priorité : en mobilisant les moyens de la formation, en consultant les branches sur leurs besoins, en intégrant le numérique dans les savoirs fondamentaux à l’école, et avec une mobilisation de tous les acteurs ;
    2. Placer la transformation numérique au cœur des dispositifs de professionnalisation et de passerelles entre les métiers : en s’appuyant sur la GPEC pour développer la requalification et la reconversion, grâce à des formations ; en intégrant l’objectif de la parité hommes / femmes dans la transformation numérique ; en reconnaissant et en intégrant dans les politiques de rémunération les compétences et qualifications acquises ; et en multipliant et valorisant dans l’enseignement supérieur des formations à l’innovation et la coopération ;
  1. Des propositions relatives à l’adaptation du cadre de travail
    1. Offrir un cadre juridique et fiscal incitatif et protecteur : en sécurisant le forfait jours, en se dotant d’un cadre juridique pour le travail nomade, en réinscrivant les nouvelles formes de travail dans le système de protection sociale, en clarifiant les situations respectives salarié/travailleur indépendant, en créant une plateforme publique où chacun pourra consulter ses droits ;
  1. Des propositions relatives à la qualité de vie au travail
    1. Mettre la transformation numérique au service de la qualité de vie au travail : par un droit et un devoir de déconnexion, une politique de régulation de l’usage des outils numériques dans les entreprises, des politiques RH visant à renforcer le collectif dans l’entreprise, l’ergonomie des espaces de travail, à protéger la santé des travailleurs en particulier par une mesure de la charge de travail en plus de celle du temps de travail, l’intégration des risques spécifiques dans la prévention des risques professionnels, l’évaluation du collectif et pas seulement de la performance individuelle, la clarification du cas d’accident du travail à distance, l’encadrement strict de l’usage des données relatives aux salariés et la diffusion des bonnes pratiques ;
  1. Des propositions relatives à la co-innovation
    1. Parvenir à une entreprise de la co-construction et de la co-innovation : en intégrant les outils numériques dans le dialogue social, et leur utilisation par les partenaires sociaux, en développant dans les entreprises une logique de co-construction et co-innovation ;
    2. Comprendre et anticiper les enjeux de la transformation numérique : tant au niveau de la recherche que par le développement du dialogue social à tous niveaux et du dialogue entre l’État et les partenaires sociaux – ce qui a donné lieu à une des trois tables rondes de la très récente Conférence sociale.

On le voit par le très large champ de la transformation numérique traité, ce rapport constitue un outil pour tracer tant le panorama du numérique aujourd’hui et demain que des pistes de propositions et de dialogue social, au niveau national interprofessionnel, des branches et des entreprises ainsi que d‘évolutions réglementaires.


Le rapport :