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L’ascenseur social au ralenti fige le déterminisme social

mercredi 5 septembre 2018

La France, en dépit d’une forte intervention de l’État (protection sociale, cohésion du territoire, maillage des transports, faible taux de pauvreté), manque de mobilité sociale. Il faudrait 6 générations pour que les descendants de familles modestes atteignent le revenu moyen. Plusieurs études dont celle de l’OCDE (organisme de coopération et de développement économique) regroupant 36 pays ou de France Stratégie tirent la sonnette d’alarme. En France, la mobilité sociale est immobile en bas et en haut de l’échelle sociale. En cause : le système éducatif, le chômage de longue durée, les inégalités territoriales.

La mobilité intergénérationnelle (on compare le statut des personnes avec celui de leurs parents en termes de revenus, de profession, de santé ou d’éducation)

En France, 35 % des hommes dont le père a de faibles revenus d’activité ont eux-mêmes de faibles revenus d’activité une fois adultes (31 % pour la moyenne de l’OCDE). Seulement 15 % d’entre eux parviennent à atteindre le groupe des revenus d‘activités les plus élevés. À l’opposé, 40 % des personnes dont le père a de hauts revenus ont eux-mêmes de hauts revenus.

  • Les enfants de cadres sont deux fois plus susceptibles de devenir cadres eux-mêmes que les enfants de travailleurs manuels (même moyenne que l’OCDE).
  • Les enfants dont les parents sont diplômés du supérieur obtiennent pour plus des deux tiers (68 %) un diplôme d’études supérieures. Moins d’un cinquième (17 %) des enfants dont les parents ont un faible niveau d’étude le font (respectivement 63 % et 13 % dans la moyenne de l’OCDE).

En France, la mobilité des revenus des individus est limitée en bas et en haut de l’échelle sociale

  • Les personnes du quintile inférieur de revenu, soit les 20 % des personnes ayant les revenus les plus faibles, ont peu de chance de gravir l’échelle des revenus. 64 % restent bloqués en bas. Cette immobilité augmente depuis les années 1990.
  • Les personnes faisant partie des 20 % des revenus les plus élevés bougent peu, 67 % y restent sur une période de 4 ans.

En revanche, la France réussit à bien amortir l’impact d’évènements familiaux (divorce, naissance…). Le taux élevé de participation des femmes au marché du travail et leur inscription dans des structures d’accueil institutionnalisées jouent un rôle majeur dans l’atténuation de ces effets.

Le niveau de vie d’un individu dépend à la fois de la structure de son ménage (nombre d’enfants, présence d’un conjoint) et d’autre part de ses revenus. Ces derniers dépendent en grande partie du niveau de diplôme acquis par l’individu et celui de son conjoint. La moitié des écarts du niveau de vie selon l’origine sociale est liée au diplôme.

  • Les diplômés sont en couple avec des diplômés. Ainsi, 67 % des conjoints d’enfants d’ouvriers non qualifiés bacheliers sont eux-mêmes bacheliers, alors que cette proportion est de 89 % pour les conjoints des enfants de cadres supérieurs titulaires du baccalauréat. Chez les non bacheliers, on observe également un écart de taux de conjoints bacheliers de plus de 20 points en faveur des enfants de cadres supérieurs.
  • Les individus d’origine modeste sont plus souvent en couple avec des personnes de même origine sociale, ils sont moins diplômés et ils ont plus difficilement accès au marché du travail.

L’égalité des chances pour une meilleure mobilité sociale en France passe par

  • L’égalité dans l’éducation. Les enfants des familles défavorisées devraient bénéficier de conditions privilégiées, de classes moins nombreuses pour pouvoir compenser leurs handicaps culturels. Or les enseignants les plus expérimentés ont tendance à travailler dans les établissements les moins difficiles. Quelques expériences sont citées par l’OCDE comme « les charter schools » aux Etats-Unis, situées dans des quartiers défavorisés. Ils disposent d’une grande autonomie dans le recrutement des professeurs, les programmes et l’organisation de l’enseignement.
  • La réduction du chômage de longue durée, en apportant un soutien plus efficace aux demandeurs d’emploi notamment par la formation professionnelle et aussi en encourageant la création d’emplois de qualité.
  • La diminution des inégalités territoriales. Certains territoires cumulent plusieurs handicaps dans l’éducation préscolaire, l’emploi, les services, les transports mais aussi l’accès à la formation. Les politiques de logement public doivent être mieux ciblées. Il faut chercher à limiter la concentration géographique de la pauvreté et promouvoir la mixité sociale.
Ce schéma s’applique à d’autres pays d’Europe continentale notamment en Allemagne, ce qui n’est pas le cas des pays nordiques qui font la course en tête. Danemark, Norvège, Finlande et Suède mettent deux à trois générations, les autres pays d’Europe continentale mettent trois à six générations pour que les descendants de famille modestes atteignent le revenu moyen.

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Références