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Congrès CGC : un nouveau Président, un nouveau positionnement

samedi 25 juin 2016

Étonnante CFE-CGC qui, à son congrès de Lyon, les 1er et 2 juin 2016, se sépare sans douleur apparente d’une Présidente qui présente un bon bilan et élit un président qui prend ses distances avec le réformisme en rentrant en opposition à la loi travail sans toutefois se rallier au mouvement social ! Une organisation manifestement à la recherche d’un positionnement original alors que la dernière mesure de représentativité dans l’encadrement la situait loin derrière la CFDT réformiste et derrière la CGT contestataire [1].

Le départ de Carole Couvert…
La surprise est venue en décembre dernier du refus de la fédération d’origine de Carole Couvert, l’Énergie, de la représenter au Congrès. Rivalités internes, distances prises par la fédération vis-à-vis du bilan de l’équipe confédérale, désaccords personnels sont probablement à l’origine de ce refus. Malgré une motion de soutien de 14 fédérations sur 19, une tentative de pétition, les statuts ont primé. Carole Couvert a annoncé en avril son retrait pour éviter une crise dans l’organisation et a soutenu sans réserve son adversaire malheureux du congrès de 2013, François Hommeril. Elle devient Présidente d’honneur de la CFE-CGC et garde son poste de Présidente du groupe au CESE.

…malgré une certaine autosatisfaction sur le bilan de l’équipe sortante !

Le rapport d’activité et les déclarations de la Présidente et de sa Secrétaire générale Marie-Françoise Leflon font état d’un bilan largement positif où on montre une CFE-CGC à l’offensive sur de nombreux sujets, influente sur les négociations ou les projets de loi et nettement plus visible que dans les périodes précédentes.

Ainsi, la CFE-CGC déclare être en première ligne lors des conférences sociales pour demander d’alléger la charge fiscale pour les entreprises et les classes moyennes, développer la formation tout au long de la vie ou encore sécuriser les parcours professionnels autour du Compte Personnel d’Activité.

De même, dans la négociation sur les retraites complémentaires, où elle estime avoir sauvé l’essentiel : la pérennité des régimes et des garanties pour sécuriser l’avenir du statut cadre notamment par l’ouverture d’une négociation sur l’encadrement, tout en occultant son acceptation de la fusion de l’ARRCO et l’AGIRC qu’elle avait toujours combattue jusqu’alors.

Le rapport valorise l’élaboration des textes de lois comme la loi Rebsamen, les réflexions sur la préservation du statut cadre, la restructuration des branches, les négociations et les actions sur la santé au travail et le handicap. Elle se prétend, par ailleurs, leader sur les thématiques du développement durable, défi climatique, COP21, transition énergétique et responsabilité sociale des entreprises.

Toutefois, elle rappelle son opposition à l’accord de 2014 sur l’UNEDIC, faute d’une augmentation des cotisations de la part des employeurs et du prolongement du délai de carence. Elle a aussi refusé de signer le texte sur le Pacte de responsabilité ou encore affiche ses critiques sur la Loi El Khomry. Bref un parcours assez chaotique dont on cherche un peu la cohérence.

Globalement, on retrouve bien sûr la CFE-CGC sur des thématiques traditionnelles pour elle, la défense du pouvoir d’achat des « classes moyennes », notamment par son opposition à la modulation des allocations familiales, la baisse du plafond du quotient familial et la fiscalité en général.

Au final, la CFE-CGC, se veut être un partenaire exigeant, pas prêt à tout accepter d’un patronat en qui elle n’a plus confiance notamment à la suite de la négociation sur l’Assurance chômage.

Bilan qu’elle considère comme positif, aussi, sur le travail de mobilisation de l’organisation sur les questions d’information, communication, de développement et la représentativité. Elle se considère aujourd’hui plus visible avec pas moins de 11 retombées de presse par jour. Son nombre d’adhérents serait passé de 143 000 (chiffre annoncé lors du congrès de 2013) à 155 771 en trois ans. Elle fait état de ses nombreuses progressions électorales dans les entreprises en saluant tout particulièrement sa première place dans les groupes Renault et Air France. Le rapport d’activité fait état de nombreux guides, supports divers ou vidéos pour éclairer de nombreux sujets et aider les militants.

Bilan globalement positif donc pour sa Secrétaire générale sortante, qui dans son édito présentant le rapport d’activité déclare que la CFE-CGC a gagné « ses galons de partenaire social incontournable et nous en sommes collectivement fiers ». Une autosatisfaction quelque peu excessive au regard du poids et de l’influence réelle de la CFE-CGC.

Un programme qui se résume en trois mots : visibilité, représentativité, Inventivité !

Traditionnellement à la CFE-CGC, le programme du Président se résume à quelques orientations d’une portée limitée qui laissent assez largement les mains libres à l’équipe dirigeante pour mener au quotidien aux destinées de l’organisation. Ce congrès n’a pas dérogé à la règle et ce sont les déclarations du nouveau Président qui permettent de mieux entrevoir les évolutions de l’organisation.

La CFE-CGC réaffirme clairement son rôle d’organisation de l’encadrement. Elle se bat pour une juste rémunération des efforts et des responsabilités, défend la qualité de vie au travail et s’engage en faveur du développement durable et de l’Europe.

Elle se veut donc plus visible en valorisant mieux ses actions, mutualisant ses moyens et modernisant ses outils de communication ; plus représentative en renforçant l’opérationnalité de ses structures territoriales, en favorisant le développement et en étant plus à l’image de ceux et celles qu’elle représente ; enfin, plus inventive en prenant en compte les enjeux d’une société confrontée à l’impact du numérique, en réfléchissant à la « société de demain » notamment au travers d’un think-tank pour acquérir « une autorité politique et intellectuelle » et en créant de nouveaux services aux adhérents tel qu’un conseil en parcours professionnel.

Ce sont, toutefois, les déclarations de son président dans le discours final et dans la presse qui marqueront ce congrès. Le nouveau Président a pris ses distances avec la qualification de réformiste de la CFE-CGC qui ne serait qu’une « instrumentalisation du gouvernement ». Les gouvernements successifs n’auraient choisi pour faire face à la crise que le « nivellement par le bas ». Qualifiant la loi El Khomri de « magasin des antiquités du néo-libéralisme », il s’est déclaré en opposition à ce texte notamment sur la prédominance du dialogue social dans l’entreprise « au plus près de la fragilité des acteurs dans le rapport de force ». Toutefois, il refuse de rentrer dans le mouvement social actuel « parce qu’il existe encore une possibilité pour le gouvernement d’accéder à un peu de sagesse et de raison » en remettant l’affaire à la négociation des partenaires sociaux. Ce positionnement de l’organisation, outre le fait qu’il n’a pas vraiment donné lieu à débat ni avant ni pendant le congrès, a été diversement apprécié parmi les participants.

En confirmant sa posture traditionnelle de défense catégorielle de l’encadrement et en tentant de se démarquer encore un peu plus de la CFDT réformiste, la CFE-CGC semble faire un pari risqué pour tenter de reconquérir une audience prédominante chez les cadres. Y parviendra-t-elle ? Ne risque-t-elle pas d’affaiblir le camp réformiste sans en tirer pour elle-même les bénéfices escomptés du fait de son probable isolement ?


Sources

  • Rapports d’activité et programme de la CFE-CGC au Congrès de Lyon, Articles du Monde et de l’Humanité.

Notes :

[1Note sur la représentativité
En 2013, dans l’encadrement, la CFDT avait obtenu 26.84 % des voix, la CGT 20,98 % et la CFE-CGC 18,14f.