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Comment lutter contre les perturbateurs endocriniens ? L’Union Européenne l’a tenté

mercredi 16 août 2017

Légiférer or not, that is the question, dirait Hamlet ! Étape décisive dans l’interdiction des perturbateurs endocriniens pour les uns, capitulation et crève-cœur pour d’autres, ouverture d’une brèche nécessaire pour le ministre de la Transition écologique, nul doute que la décision des états membres de l’UE de légiférer à nouveau en la matière, le 27 juin, provoque le débat. Il est à la hauteur de ce dossier fondamental pour la santé et l’environnement. Les perturbations endocriniennes peuvent se produire à travers de multiples mécanismes, dans le monde du travail comme avec les phtalates ou les insecticides comme le DDT mais aussi dans la vie quotidienne. Rappelez-vous le bisphénol A utilisé dans les biberons et qui n’a été interdit en France qu’en 2010. Retour sur la nouvelle décision européenne et les mesures complémentaires décidées par la France.

Une question de définition

Les perturbateurs endocriniens (PE) sont définis comme des molécules, naturelles ou produites par l’homme, qui interfèrent, positivement ou négativement, avec les systèmes hormonaux, entraînant ainsi des déséquilibres hormonaux au sein des organismes.

Des risques pour la santé…

Ces composés chimiques sont très présents dans les objets de consommation courante comme les plastiques, les cosmétiques ou les pesticides. Ils sont disséminés dans l’environnement et l’alimentation. Pour de nombreux scientifiques ils participent à l’augmentation d’une multitude d’affections comme l’infertilité, la puberté précoce, les malformations génitales, certains cancers, les troubles de développement du cerveau ainsi que le diabète et l’obésité. Une équipe scientifique menée par Leonardo Trasande (Université de New York) estime leur coût pour la société à au moins 157 milliards d’euros par an en Europe.

…Mais des enjeux financiers et de productivité énormes

Les enjeux économiques sont énormes que ce soit pour l’industrie chimique ou pharmaceutique comme pour l’agriculture. Il n’est donc pas étonnant que la FNSEA a estimé avant le vote, en s’appuyant sur une enquête, que le retrait de 60 substances contenues dans les produits phytopharmaceutiques entrainerait une baisse de rentabilité de 40 % en moyenne pour les exploitations agricoles françaises. L’Allemagne, un des pays clé pour l’industrie pharmaceutique et chimique, mène de véritables opérations de lobbying pour protéger ses industries. Mais, elle n’est pas la seule !

La définition adoptée par les pays membres de l’UE

L’UE a adopté une définition réglementaire des perturbateurs endocriniens, plus souple et moins ambitieuse qu’espérée même si l’Europe sera la première entité politique au monde à réglementer les PE. Le texte adopté indique que les critères retenus ciblent les perturbateurs endocriniens « avérés et présumés » et « l’identification devra être faite en tenant compte de toutes les preuves scientifiques…et en utilisant une approche basée sur les preuves » mais sans attendre des preuves scientifiques d’un effet sur l’homme pour légiférer. Pour l’UE, cette définition est une étape décisive pour pouvoir bannir ces substances chimiques qui présentent un danger pour la santé et l’environnement, même si le texte voté prévoit, malgré tout, des exceptions pour certains pesticides, notamment à la demande de l’Allemagne. Le texte devrait entrer en vigueur début 2018 après que les agences européennes aient établi un guide d’utilisation. Mais Il faut avant cela que le texte soit adopté, dans les trois mois, par le Conseil de l’UE et par le Parlement européen.

La position de la France

Après avoir longtemps bloqué cette décision, la France a décidé de signer en émettant des réserves. Pour le ministre de la Transition écologique « le texte était insuffisant mais si on ne le signait pas, on laissait sur le marché des produits dont la dangerosité était avérée ». Par ailleurs le gouvernement a annoncé une série de mesures nationales qui permettront de sortir du marché français des produits jugés dangereux par l’Anses (agence nationale de sécurité sanitaire). Le ministère de la Transition écologique et solidaire et celui de l’Agriculture ont publié, jeudi 13 juillet, deux listes de pesticides et biocides mis sur le marché français et qui contiennent au moins une des substances identifiées par la Commission européenne comme perturbateur endocrinien (PE) pour informer les utilisateurs.

Polémique et critiques

Les critères de définition ont été immédiatement critiqués par les défenseurs de l’environnement. Pour eux, le niveau de preuve exigé reste trop élevé pour sélectionner les molécules qui mériteraient d’être interdites. Ils critiquent également le maintien d’une dérogation, qui prévoit que les pesticides conçus pour avoir un effet sur des insectes ciblés ne sont pas interdits, même s’ils ont des effets sur d’autres insectes. Le combat continue pour les ONG qui appellent désormais les députés européens à rejeter ces critères.

Prochaine étape

La nouvelle définition servira de base à la régulation des produits des autres secteurs tels les jouets, les cosmétiques et les emballages alimentaires. Enfin, via le programme Horizon 2020, 50 millions d’euros seront débloqués par l’Europe en 2018 pour financer 10 projets de recherches sur ces substances.

Si, comme le ministre de la Transition écologique, on peut se féliciter « qu’une brèche est ouverte qui ne va pas se refermer », les enjeux de santé et d’environnement exigent un engagement sans faille du monde politique et de la société civile en la matière.
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Sources