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Cadres : forfaits jours, avantages catégoriels, représentativité.

mercredi 13 juillet 2011

SOMMAIRE
: : L’encadrement des forfaits jours
: : Quelle légitimité aux avantages catégoriels ?
: : Jurisprudence : la représentativité des syndicats catégoriels

L’encadrement des forfaits jours
Inventé par les lois Aubry, les forfaits jours se sont rapidement étendus et concernent maintenant 12 % des salariés. Ils ont été créés pour les cadres, dont les fonctions et l’autonomie de l’organisation dans leur travail ne coïncident pas bien avec la définition classique du temps de travail en heures par jour et par semaine. Mais dans les années 2000, ils ont été étendus aux non cadres et leur encadrement d’origine exigeant le respect de limites journalières et hebdomadaires et des temps de repos des directives européennes a été affaibli, amenant à des excès qui ont imposé des forfaits jours à des salariés ayant une très faible autonomie.

Un arrêt de la Cour de Cassation (29 juin 2011) vient mettre les points sur les « i ».

Trois attendus sont particulièrement importants :
le droit à la santé et au repos, en premier, le respect des directives européennes de principe de protection de la santé des salariés sur la question du temps de travail et la nécessité d’un accord collectif avec des garanties précises pour les forfaits jours :

« Attendu, d’abord, que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles ; Attendu, ensuite, qu’il résulte des directives de l’Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur ; Attendu, encore, que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ».

La contestation provenait d’un cadre commercial de la métallurgie qui, employé au forfait jours, demandait le paiement d’heures supplémentaires après son licenciement ; l’arrêt illustre ce qui constitue, aux yeux de la Cour, les garanties nécessaires sur le forfait jours dans un accord collectif - issues des clauses existant dans la convention collective des cadres de la métallurgie - : décompte des journées et demi-journées de travail, obligation pour l’employeur de faire tenir un document de contrôle de ces temps de travail, des repos et congés, avec un suivi par le responsable hiérarchique et l’examen de la charge de travail lors de l’entretien annuel.

L’employeur ne les ayant pas respecté - et pourtant ces modalités étaient dans la convention collective concernée - est donc en tort. Et dans les autres branches que la métallurgie, qu’en est-il ? Les textes sont à réexaminer pour articuler autonomie nécessaire du travail d’une partie des cadres, en raison de leurs fonctions, avec l’énoncé des limites réglementaires et protectrices de la santé de ces mêmes cadres.

Quelle légitimité aux avantages catégoriels ?
De nombreux conventions et accords collectifs contiennent des modalités et mesures particulières pour la catégorie cadre. Deux arrêts de la Cour de cassation (8 juin 2011) viennent préciser les conditions de la légalité de ces différences de traitement. Elles sont légitimes quand elles reposent objectivement sur des spécificités des fonctions et de leurs conditions d’exercice et de travail.

« Attendu que la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l’attribution d’un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ; que repose sur une raison objective et pertinente la stipulation d’un accord collectif qui fonde une différence de traitement sur une différence de catégorie professionnelle, dès lors que cette différence de traitement a pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d’une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d’exercice des fonctions, à l’évolution de carrière ou aux modalités de rémunération ».

Si cela ne remet pas en cause les différences justifiées, la jurisprudence précise avec force dans les deux arrêts que ces différences doivent avoir des origines objectives. Ce qui invite à revisiter les textes collectifs pour examiner les différences de traitement (primes d’ancienneté, indemnités de licenciement, etc.) à la lumière de cette exigence.

Jurisprudence : la représentativité des syndicats catégoriels
Un arrêt de la Cour de Cassation du 31 mai 2011 juge un différend entre le syndicat Sud RATP et l’entreprise sur la représentativité de syndicats catégoriels.
Un accord d’entreprise (sur le dispositif conventionnel interne), signé le 1er janvier 2008, donc avant la loi du 20 août 2008 sur la représentativité, est approuvé par plusieurs syndicats dont deux syndicats catégoriels, l’un local, l’autre la CFE-CGC. Or, les voix de cette dernière sont de 5,5 % des suffrages exprimés et font passer la barre des 35 % de représentativité des signataires, déjà nécessaires à la RATP pour qu’un accord soit valide. Sud conteste, au nom du caractère catégoriel de ces syndicats et donc non représentatifs de l’ensemble des catégories concernées par l’accord.

La Cour de cassation rejette le pourvoi. Ses arguments sont importants pour la suite de la mise en ouvre des nouvelles règles de représentativité : « Mais attendu qu’un syndicat représentatif catégoriel peut, avec des syndicats représentatifs intercatégoriels, et sans avoir à établir sa représentativité au sein de toutes les catégories de personnel, négocier et signer un accord d’entreprise intéressant l’ensemble du personnel, son audience électorale, rapportée à l’ensemble des collèges électoraux, devant être prise en compte pour apprécier les conditions de validité de cet accord ». **

Ce qui veut dire :
 si la CGC (ou un autre syndicat catégoriel) est représentative de son collège dans une entreprise (10 % des voix du collège, maintenant), elle peut négocier et signer un accord intéressant tout le personnel ; sous réserve que d’autres syndicats représentatifs de l’ensemble des catégories participent à cette négociation et signent. - son total de voix aux élections professionnelles s’ajoute à celles des autres syndicats signataires pour établir le taux total de représentativité des signataires, nécessaire pour la validité de l’accord. - la même règle s’applique certainement pour le droit d’opposition.

La CGC participe donc à la négociation d’un accord concernant l’ensemble des catégories, donc aussi sur celle des cadres. Cela justifie sa participation et possiblement sa signature.

Ainsi, la loi de 2008 et ces décisions et arrêts maintiennent l’ambiguïté antérieure de la situation française- avec 4 syndicats intercatégoriels incluant la représentation des cadres et une confédération catégorielle - qui a toujours permis à la CGC de signer des accords collectifs concernant l’ensemble du personnel (avec la limite de ne pouvoir signer seule un accord de ce type). La CGC signait, la CGC signe ; pas de changement ! La différence est maintenant qu’ils doivent au moins être représentatifs dans leur collège, mais 10 % n’est pas une contrainte démesurée !

Ainsi, les syndicats catégoriels restent les seuls à pouvoir signer sans attester d’une représentativité globale de 10 % dans l’entreprise ou la branche.

Le privilège reste !


PS :

** Pour arriver à ces conclusions, la Cour de Cassation s’appuie sur une décision du Conseil constitutionnel (QPC du 7 octobre et du 12 novembre 2010) qui a validé l’article L. 2122-2 du code du travail : « Dans l’entreprise ou l’établissement, sont représentatives à l’égard des personnels relevant des collèges électoraux dans lesquels leurs règles statutaires leur donnent vocation à présenter des candidats les organisations syndicales catégorielles affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale qui satisfont aux critères de l’article L. 2121-1 et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel dans ces collèges, quel que soit le nombre de votants ».