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Budget 2016 : l’impact des mesures sécuritaires permet-il à la France de s’affranchir du Pacte de stabilité ?

jeudi 26 novembre 2015

Il y aura un avant et un après 13 novembre dans de nombreux domaines. Celui du budget et de la dette publique n’échappe malheureusement pas aux terribles évènements.
La France avait déjà sans cesse repoussé l’échéance d’un rétablissement de ses comptes publics sous la barre des 3% de déficit public à 2017 avant les attentats. Il ne s’agissait même pas de parvenir à l’équilibre budgétaire mais bien de rentrer dans les clous du Pacte de Stabilité.

Le projet de budget 2016 comprenait plusieurs points :

  1. Un retour à une croissance économique d’1,5% en 2016, chiffre légèrement surévalué par rapport aux prévisions des économistes. La Commission européenne prévoyait par exemple 1,4%. Cette prévision était basée sur une reprise de la consommation des ménages et surtout de l’investissement des entreprises.
  2. Une continuité de la baisse des dépenses publiques d’une ampleur sans précédent (50 milliards d’ici 2017) : l’année 2016 verra une baisse de 16 milliards € contre 14 initialement prévu dans le Programme de Stabilité. Les économies sont concentrées dans les secteurs de l’aide aux collectivités locales, et sur la revalorisation de certaines formes de fiscalité (suppression de niches fiscales).
  3. Une baisse du déficit public autour de 3,3% du PIB en 2016 contre 3,8% en 2015, avec une stabilisation de la dette publique à 96,5% du PIB.
  4. La Commission européenne était restée critique sur ces chiffres, jugeant que le Projet de loi de finances n’allait pas assez vite pour réduire le pourcentage de déficit dans le PIB. Elle semblait critique sur la possibilité de passer sous les 3% en 2017 compte tenu des incertitudes sur le front de la croissance et du chômage.

Les attentats de Paris vont changer la donne dans plusieurs domaines :

  1. Les prévisions de croissance pourraient être revues à la baisse. Après les attentats, faut-il continuer à tabler sur une hausse de la consommation et de l’investissement ? Les achats de Noël pourraient être moins élevés que prévu, les investissements des entreprises freinés par des perspectives économiques incertaines et par les contrôles aux frontières entravant le commerce intra-européen. Enfin le tourisme dans notre pays pourrait pâtir de l’insécurité.
  2. Les dépenses de sécurité vont être impactées par la nécessite de renforcer la sécurité du territoire et les actions extérieures de la France au Moyen Orient :
    1. La Défense représente le 4ème budget de dépenses de l’Etat (2,2 % du PIB contre, par exemple, 1,2 % en Allemagne) après les collectivités locales, l’éducation nationale et les charges de la dette. Le Projet de loi initial envisageait notamment, dans la défense, de maintenir les investissements (17 milliards €) et d’augmenter le nombre de militaires de plus de 2 000 postes (à l’inverse des projets de loi de finances d’avant 2014 qui établissaient une baisse continue des effectifs), représentant un montant de 31,7 milliards € légèrement supérieur à 2015. Après les attentats, le Président a prévu de ne pas réduire le nombre de militaires jusqu’en 2019.
    2. Du côté du Ministère de l’intérieur, le montant des crédits alloués devait être identique à ceux de 2015, avec 12,2 milliards € et 732 créations de postes de gendarmes et policiers. Après les attentats, le Président a prévu de créer au contraire 5 000 postes de policiers en deux ans, chiffre sans commune mesure avec les créations envisagées jusque là.
    3. Enfin, le Ministère de la Justice devrait se voir octroyer 2 500 postes après les attentats, contre 293 spécialement pour le terrorisme dans le Projet de budget initial.

C’est pourquoi la France a d’ores et déjà prévenu la Commission : François Hollande a affirmé devant le Congrès de Versailles que « le pacte de sécurité est supérieur au pacte de stabilité ».

Comment la France va-t-elle convaincre ses partenaires européens alors qu’elle n’a jamais présenté un budget inférieur à 3% de déficit depuis la crise de 2008 ?
La France avec les derniers attentats, se place en défenseur militaire et sécuritaire de l’Europe. Elle justifie ainsi les nécessaires ajustements de son modèle économique et social.

Comment la Commission européenne va-t-elle interpréter ce nouveau positionnement de la France qui lui permet de repousser encore les échéances de la réduction des déficits ? L’Europe va bien évidemment adapter l’application du Pacte de stabilité aux circonstances, au risque de montrer à nouveau un traitement différent des grands pays par rapport aux plus petits (Grèce, Espagne, Portugal notamment). Le président Juncker est déjà intervenu dans ce sens.

Et enfin, comment l’Europe peut-elle répondre à la demande d’assistance de la France d’un point de vue militaire ? Les enjeux financiers des interventions militaires extérieures sont en effet importants. Des responsables européens évoquent la possibilité de ne pas comptabiliser les dépenses supplémentaires, générées par une situation de crise sécuritaire voire de guerre, dans le pacte de stabilité.

Ces questions vont peser sur le débat budgétaire à l’Assemblée nationale puisque le projet de budget ne comprend pas encore les nouvelles mesures proposées par le Président devant le Congrès de Versailles. Ces questions vont aussi interpeller les responsables européens dans les jours qui viennent y compris, on le voit, sur les questions budgétaires.