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ANI sur la sécurisation de l’emploi, au-delà des clivages habituels

jeudi 14 février 2013

La conclusion de l’accord du 11 janvier 2013 sur la sécurisation de l’emploi a été l’objet de très nombreux jugements et commentaires. Syndicalistes, employeurs, avocats, juristes, juges se sont exprimés à travers leurs organisations ou à titre individuel. Si on retrouve dans ces prises de position les clivages habituels : patrons-syndicats, gauche-droite, experts-acteurs, les prises de positions divisent aussi chaque « camp ». Les critiques de l’accord comme les défenseurs de l’accord se trouvent aussi à l’intérieur de chaque représentation sociale, à l’intérieur de chaque famille professionnelle.

Cela est d’abord vrai pour le monde syndical divisé entre signataires et non signataires : les signataires ont un regard identique : « un équilibre substantiel »pour la CGC, « un pas décisif vers la sécurisation des parcours professionnels » pour la CFDT, « un accord globalement positif » pour la CFTC. A l’opposé, une lecture pour une fois commune entre CGT et FO, « un accord destructeur de droits des salariés », FO, « un accord inacceptable » pour la CGT. Fait unique, une vaste opposition syndicale à l’accord s’est rassemblée, CGT, FO, Solidaires, FSU appellent ensemble à manifester le 5 mars.

C’est aussi vrai pour les employeurs : le Medef y voit « un accord potentiellement historique », mais la CGPME « aurait aimé mieux », et des dirigeants d’entreprise expriment leur déception : « Ce n’est pas la flexicurité, c’est un accord de flexirigidité dit l’un d’eux ».

Pour les partis politiques, la diversité règne : rejet identique chez l’extrême gauche et l’extrême droite, « Une régression des droits des salariés » selon l’Humanité, « une déclaration de guerre contre les salariés » pour Marine Le Pen, et une convergence de vue entre droite et gauche : un responsable UMP salue la maturité des signataires », et le PS « se félicite du compromis intervenu ».

La famille des professionnels du droit se déchire : « Une destruction majeure du droit » pour le Syndicat des avocats de France, « des avancées aléatoires qui seront contournées » selon un professeur de droit, « l’accord est plutôt équilibré » ou « forte étape dans la modernisation du droit social et de ses pratiques, tant par la méthode mise en œuvre que par son contenu » pour d’autres.

Les analyses des journalistes divergent aussi : « Une nouvelle page de l’histoire des relations sociales » selon un journaliste, « un accord Canada Dry » pour un autre, « un accord à portée limitée » pour un troisième, « l’accord était presque parfait » pour un quatrième.

On retrouve donc dans ces points de vue les clivages anciens qui opposent telle et telle famille sociale, FO et CGT à la CFDT, employeurs et syndicalistes. Mais en même temps, l’accord crée un nouveau clivage, une division à l’intérieur même de chaque camp.

L’importance que les uns et les autres accordent au dialogue social et les différences de conception de la production d’un accord expliquent largement ces oppositions. L’espace accordé à la négociation sociale s’est progressivement élargi depuis plusieurs années. La loi fait obligation de négocier avant de légiférer et cette disposition a été impulsée autant par la droite que par la gauche. On retrouve même cette modalité dans un article de l’accord qui place la négociation avant l’intervention de l’administration en cas de plan social. Ce que rejettent certains des opposants au texte. Or si la négociation sociale est devenue pour certains un mode essentiel de régulation, d’autres n’acceptent pas la logique du compromis qui en est la pierre angulaire. Ils ne peuvent accepter une demande de l’autre pour que ce dernier accepte une des leurs. Pour eux, il doit y avoir un perdant.

La place du dialogue social et de ses acteurs, comme mode de régulation est au cœur du clivage. Le vote de la loi qui retranscrit l’accord est ainsi décisif : il va montrer si la majorité actuelle accepte jusqu’au bout la logique du dialogue social et si l’opposition dépasse sa réaction d’opposant pour, au-delà du clivage gauche-droite, défendre une conception a-partisane du dialogue social.